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I LOVE YOU, MAN (2009)
John Hamburg

Par Louis Filiatrault

Après le succès critique et populaire de Milk à l'automne dernier, l'Amérique se serait-elle décidée à sortir du placard? Un nouveau grand pas de l'homme a-t-il été franchi grâce au remarquable plaidoyer de Gus Van Sant? Sans trop nous risquer sur des théories aussi douteuses, observons simplement qu'il est sans doute peu probable qu'un film intitulé I Love You, Man eût été très bien reçu il y a de cela quinze ou vingt ans. Conséquence directe des productions de Judd Apatow, cette réalisation impersonnelle vogue en effet sur une nouvelle vague de buddy movies à la franchise attendrissante, mais au fond somme toute assez classique. Ceci étant dit, malgré le parfum de sensationnalisme entourant la production (le terme « bromance » a fait le bonheur de la presse publicitaire), le plaisir est au rendez-vous dans cette comédie agréable et sans prétention, à l'humour juste assez niais.

À bien y penser, le premier rôle tenu ici par Paul Rudd rappelle fortement le fameux protagoniste du succès The 40-Year-Old Virgin: alors que ce dernier affichait une gentille naïveté dans le domaine des activités sexuelles, le héros de I Love You, Man se montre similairement inadéquat en ce qui concerne les amitiés masculines. Hâtive au point d'être quelque peu étourdissante, la mise en place du film se fait sans grand souci d'authenticité, mais parvient cependant à rendre sympathique, voire sommairement touchant, cet agent immobilier chargé de se dénicher un camarade au plus vite (sous peine d'incarner malgré lui le vieux cliché de l'« époux collant »). Cet attachement rapide, la candeur du jeu entre Rudd et l'adorable Rashida Jones y est certainement pour beaucoup, tout comme l'atmosphère relâchée des rencontres avec la famille et les amis du couple. Sans aucun doute, la vision du monde esquissée par ce film dépourvu de toute ambition esthétique est exclusivement composée de gros traits, mais demeure incarnée par des personnages à la répartie bien aiguisée. Ceci étant dit, s'il entre dans le vif de la quête d'amitié avec une série de brèves scènes cocasses, celles-ci apparaissent bientôt routinières ; la monotonie s'installerait si ce n'était de l'irruption du personnage incarné par Jason Segel, dans son rôle le plus distinctif à ce jour.

L'un des plaisirs simples de I Love You, Man réside dans la manière dont le scénario s'amuse discrètement avec les lieux communs de la comédie sentimentale: d'emblée, la « chasse » du héros prend la forme d'une opération de séduction dont les spécialistes prennent bien soin de spécifier les éléments distinctifs, ce qui donne lieu à nombre de gags à tendance homoérotique, mais non sans un petit fond de vérité. D'abord partagées entre les extrêmes (du baiser au vomi), les rencontres se décontractent avec celle, plutôt impromptue, d'un drôle de spécimen dont la franchise et la nonchalance ont tôt fait de gagner la sympathie générale. Dès lors, sans grande tension dramatique, le film se consacre à décrire les étapes de l'amitié naissante, et le fait par ailleurs avec grande habileté. Des festins de tacos des premiers jours aux séances de jam tenues dans la « caverne pour mâles » du nouveau venu, les développements s'enchaînent avec logique et suffisamment de variété pour soutenir l'intérêt. La crise finit éventuellement par survenir, entre les deux copains ainsi qu'entre le héros et sa fiancée, mais les conventions du genre obligent évidemment le conflit à se résoudre autour d'un mariage (par ailleurs annoncé dans la toute première scène). À ce titre, il convient de souligner que le pardon hâtif des maladresses du personnage de Rudd s'avère assez peu plausible, et constitue l'un des quelques raccourcis dont les scénaristes abusent à mauvais escient.

Bien entendu, le type d'humour offert par I Love You, Man ne plaira pas à tout le monde. Certains seront agacés par ses grossièretés parfois déplacées, alors que d'autres estimeront au contraire qu'il n'exploite pas suffisamment un certain sens de la vulgarité assumée. Plus souvent qu'autrement, néanmoins, entre deux références culturelles faciles et quelques passages de cabotinage débile, le film trouve le moyen de divertir honnêtement, sans forcer la note. Encore une fois, mentionnons que la brochette de comédiens, comprenant l'omniprésent J.K. Simmons et un Jon Favreau joyeusement haïssable, y est pour beaucoup, en plus d'être épaulée par une réalisation leur laissant une bonne marge de manoeuvre. Mais surtout, le mérite principal du film est d'aborder avec un certain sérieux, sans pour autant donner dans un prêchi-prêcha revendiquant de meilleurs « droits de l'homme », ni s'encombrer de revirements inutilement dramatiques. Au final, sans égaler la surprise du récent The Hangover, I Love You, Man s'affirme comme une comédie pour Nord-Américains de race blanche tout ce qu'il y a de plus potable, et devrait faire passer un bon moment à quiconque l'approche avec les attentes appropriées.




Version française : J't'aime, mon homme!
Scénario : John Hamburg, Larry Levin
Distribution : Paul Rudd, Rashida Jones, Jason Segel, Sarah Burns
Durée : 105 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 2 Septembre 2009