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THE HUNGER (1983)
Tony Scott

Par Jean-François Vandeuren

S’il est un personnage dans l’univers de l’horreur au cinéma qui a su survivre au temps, c’est bien Dracula. Toutefois, on est souvent porté à oublier que le récit de Bram Stoker ne met pas uniquement ce dernier en scène dans la peau d’un monstre assoiffé de sang. Il est vrai que le vampire au cinéma a souvent été dépeint de la sorte, se livrant plus souvent qu’autrement à l’élaboration d’une simple frousse qu’à un essai cherchant à exploiter tout autre motif. Ce qui caractérise le mythe du vampire en fait pourtant un personnage extrêmement intéressant à exploiter, voire même à remodeler. C’est en affichant un désir d’aller de l’avant dans l’exploration du côté romantique, mythique et envoutant de la célèbre histoire de Bram Stoker que The Hunger réussit à se démarquer. Le film de Tony Scott ne raconte certes pas seulement une simple romance et utilise plutôt son sujet afin de s’aventurer sournoisement vers une esquisse des relations et du sentiment amoureux assez audacieuse et même parfois troublante.

Avant toute chose, ce premier véritable film du cinéaste maintenant spécialisé dans l’action Tony Scott construit ingénieusement une force dans le développement de ses personnages principaux, menés par Catherine Deneuve, David Bowie et Susan Sarandon, le distinguant à bien des égards des autres films du genre en ne dévoilant jamais de manière explicite l’identité caractérielle de ces derniers, même si la scène d’ouverture parvient à effacer une bonne partie des soupçons. Il faut admettre en ce sens qu’en soi, The Hunger ne reprend pas exactement tous les aspects ordinairement associables au mythe du vampire. C’est d’ailleurs un choix qui permet au film d’emprunter un peu plus facilement les différentes avenues qu’il se montre désireux d’employer. Les élans d’horreur du présent récit sont donc quelque peu éparpillés dans un scénario arborant les attraits typiques d’un drame auquel on a ajouté en arrière plan un contexte fantastique, atteignant leur apogée qu’au tout début des hostilités comme entrée en matière et non comme évènement qui viendra donner le ton à l’effort. L’approche de The Hunger rappellera évidemment celle du Interview with the Vampire de Neil jordan, se déroulant par contre, à l’exception de quelques courts flashbacks, uniquement dans le présent et ne jouant également pas complètement la carte du lyrisme de ce dernier. Le film de Scott s’enlise davantage dans la lourdeur de son scénario même s’il se permet à l’occasion une réalisation un peu plus voluptueuse.

Les salutations d’usages étant faites envers le genre, l’essence même du film reposant sur les rapports amoureux peut ensuite prendre place. Mais attention, Scott n’esquisse en rien une liaison ayant quoi que ce soit à voir avec la romance. Le récit dépeint en fait le pacte d’immortalité qu’offre une vampire égyptienne à ses nouvelles conquêtes en échange de leur amour éternel. L’astuce révèle d’ailleurs une valeur symbolique assez judicieuse de ce sentiment amoureux qui commencera à s’effriter et qui révélera par la suite les jeux de manipulations et de dépendances qu’impliquait réellement cette relation. N’ayant pas froid aux yeux, The Hunger évoque également le parallèle bestial associé à ce genre de personnage dans la mise en scène de ces rapports. Tony Scott livre également une mise en scène surprenante qui balance bien son atmosphère glauque, morbide, voire même gothique, à un univers raffiné.

Sans être un film d’une importance particulièrement marquante en son genre, The Hunger devrait néanmoins réussir à susciter un vif intérêt chez les cinéphiles intrigués par la mythologie vampirique. Un film donc destiné à ceux trop souvent ennuyés par les traitements d’usage ne se basant que sur l’utilisation à outrance d’hémoglobine qui chercherait plutôt une approche portant un regard plus profond sur les fondements émotifs de ce personnage et sur les tourments de l’immortalité qui le caractérise. Tony Scott offre aux abords d’un scénario poursuivant un fil conducteur construit de manière originale, quoique aux idées parfois un peu trop unilatérales, un effort stylisé et élégant dosant de manière appropriée les scènes où ce dernier sait faire preuve de retenu avec celles où il pousse un peu plus la note vers l’extravagance.




Version française : Les Prédateurs
Scénario : James Costigan, Ivan Davis
Distribution : Catherine Deneuve, David Bowie, Susan Sarandon, Cliff De Young
Durée : 100 minutes
Origine : Angleterre

Publiée le : 25 Janvier 2005