HUMAN TRAFFIC (1999)
Justin Kerrigan
Par Jean-François Vandeuren
Hey le jeune! Tu aimerais être cool et te retrouver au top de
la mode comme nos amis de la photo au dessus? Tu es coincé dans
un job que tu détestes, mais cela n’a pas d’importance
puisque pendant quelques heures la fin de semaine tu peux te défoncer
un bon coup grâce à quelques substances illicites et un
univers artificiel des plus branchés, formé de néons
multicolores et d’une musique techno bourdonnant dans tes oreilles?
Si tel est le cas, Justin Kerrigan a créé le film parfait
pour vous. Sinon, ne soyez pas surpris de voir naître en vous
certains instincts plutôt violents.
Le semblant de scénario autour duquel se développe cet
embarrassant produit de la génération MTV nous oblige
à passer du « bon temps » en compagnie de cinq amis
qui partent en croisade à la recherche d’un bonheur passager
qui leur sera amené par une fin de semaine baignant dans la culture
du « nightclubbing », bien arrosée en alcool et en
drogues. Tout ça dans le but d’oublier les cinq jours précédents
de la semaine.
De prime abord, après la première moitié d’un
film au propos dépeignant cette culture artificielle qu’Alex
Garland qualifiait (à juste titre) de cancéreuse dans
The Beach, on s’attend à ce qu’une cassure
viennent mettre un terme à cette fausse idéologie pourtant
si bien entretenue par ce groupe de comparses. Que de déceptions
alors que l’on se rend compte que cet élément ne
se pointera jamais le bout du nez pour tout simplement faire place dans
l’autre moitié à une vulgaire continuation de toute
la merde caractérisant la première. En fait, ce que le
film nous propose véritablement, c’est de participer à
cette réforme anesthésique de l’idéologie
de la fin de semaine et du divertissement de masse où nous devons
accepter notre sort de simple élément productif de la
société, synonyme d’un signe de piastre, en sachant
qu’une certaine récompense nous attend au bout du compte.
Un peu comme un chien qui reçoit un os suite à une quelconque
bonne action, la seule différence étant qu’il faut
nous-même nous administrer la récompense dans le cas présent.
En ce qui a trait au film en soit, il s’agit du petit dernier
d’une longue lignée de clones ratés de Trainspotting,
l’entièreté des superbes qualités de ce dernier
en moins. Human Traffic pourrait être qualifié
comme étant un élément distinctif de l’apothéose
de l’insipidité. Le problème est qu’on en
a carrément rien à foutre de ce qui défile sous
nos yeux. Entre quelques dialogues calqués de Clerks
et Trainspotting, le film présente une panoplie de personnages
desquels on veut se tenir le plus loin possible dans la vraie vie, peu
importe ce que cela signifie. Ce n’est pas parce que l’effort
n’y est pas, Human Traffic utilise à fond tous
les clichés d’usage pour tenter de nous impressionner et
de nous faire croire qu’il s’agit d’un spectacle branché,
voire qu’on devrait se sentir privilégié d’y
assister. Concrètement, c’est totalement le contraire.
C’en est tellement « cool » que ce Big Mac ambulant
devient irritant. C’est exactement ce à quoi on pouvait
s’attendre d’un film combinant les notions d’adolescence
et de clubs de nuit : une chronique vide de sens et de contenu.
Et ce n’est pas la très pauvre réalisation de Justin
Kerrigan qui va venir sauver le film. Ce dernier semble s’être
assis pendant un après-midi, prenant des notes devant son téléviseur
syntonisé à la chaîne MTV avant d’entreprendre
le découpage technique de son film, puisque d’un point
de vue esthétique, le film est aussi riche visuellement qu’un
vidéo-clip de Britney Spears. C’est au goût de la
jeunesse, très vivant, impersonnel, et le résultat devient
victime de sa propre naïveté en devenant prématurément
quétaine. Côté musical, quand on a pas
des « beats techno » trop agressants digne de n’importe
quelle compilation commerciale de ce monde en terme de qualité,
quelques bonnes compositions nous sont offertes sur une note un peu
plus planante, mais sans plus.
Human Traffic s’adresse donc aux adolescents agés
entre 16 et 20 ans pour qui les apparences et l’opinion des autres
sont tout ce qui comptent et qui cherchent à se divertir avec
un semblant de film qui aurait aussi bien pu s’intituler How
to be cool for dummies. Un film qui arbore un style visuel mécanique
et qui manque profondément de substance et d’originalité,
point qui risque de faire grincer des dents n’importe qui d'autre
qui tombera sur ce film criant haut et fort : « J’aurais
tellement aimé être Trainspotting ». Fort
à parier que le réveil de ces jeunes gens sera assez pénible.
Version française :
Cédez le passage
Scénario :
Justin Kerrigan
Distribution :
John Simm, Lorraine Pilkington, Shaun Parkes, Danny
Dyer
Durée :
99 minutes
Origine :
Angleterre
Publiée le :
15 Mars 2004