HUMAN NATURE (2001)
Michel Gondry
Par Vincent Bergeron
Peut-être pas encore tout à fait remis de sa réalisation
du vidéo clip pour la chanson Human Behaviour de Björk
(1993), Michel Gondry réalise cette comédie fantaisiste
des plus inusitée pour un film aussi bien distribué. Comme
tous les projets sur lesquels a travaillé le scénariste
Charlie Kaufman, Human Nature est une victoire de l'intelligence
sur la bêtise du cinéma popcorn envahissant les mêmes
salles. Toujours remaniées et considérablement simplifiées
pour le cinéma, les histoires immensément insolites de
Kaufman conservent tout de même le plus important de leur âme
lorsque celui-ci travaille avec des génies de réalisateurs
(non, ce n'est pas George Clooney qui peut comprendre les besoins de
ses histoires) comme Spike Jonze (Adaptation, Being John
Malkovich) et Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless
Mind).
Les thèmes visités s'avèrent similaires pour le
parfait duo de Eternal Sunshine of the Spotless Mind. D'une
façon plus anecdotique, on pense entre autres à la relation
entre le scientifique et l'assistante. Plus sérieusement, c'est
la nature humaine elle-même qui cause problème, bercée
par la mémoire..animale dans sa vulgarité pleine de vices
- pouvons nous y remédier par un traitement quelconque ou alors
par l'éducation sociale comme dans Human Nature? L'altération
de la réalité demeure le dada de Kaufman et Gondry. Le
nouveau film de ce dernier (The Science of Sleep) pour lequel
il a lui-même écrit le scénario porte sur le monde
des rêves – sommes-nous surpris de cela? Voici un court
synopsis fort excitant et semblant tout droit sorti de la tête
de Kaufman (il m'a aussi volé une idée pendant que je
dormais) : à Paris, un jeune homme étant tombé
en amour avec sa voisine apprend à manipuler ses rêves
jusqu'à ce qu'il reste prisonnier de ceux-ci. Mmmm...
Cela dit, « Human Nature » commence (ou presque, Gondry
aimant beaucoup les anachronismes) sur une image familière pouvant
laisser imaginer d'étranges perversions sexuelles : celle d'une
jeune femme humaine se découvrant une nature animale ou de singe
pour être exact. De retour dans la nature, nue, mais protégée
par une fourrure, Lila Jute (Patricia Arquette) apprend à vivre
comme une bête sauvage. En manque de sexe, elle se trouve finalement
un homme vierge de 35 ans ayant un tout petit pénis («
mignon comme celui d'un cochon », selon elle). L'homme en question,
Nathan Bronfman (le toujours excellent Tim Robbins), un scientifique
maniéré au possible tentant d'inculquer aux souris les
rudiments plus complexes qu'on ne le croit des bonnes manières
à table, devra plus tard combattre le charme supérieur
de son assistante soit disant française Gabrielle (Miranda Otto)
dont le faux accent est « tellement féminin ». Elle
le forcera éventuellement à la choisir en lui mentionnant
le film « Sophie's Choice » (Alan J. Pakula). Mais avant,
il découvrira l'homme singe (Rhys Ifans) à l'aide de sa
première amoureuse Lila et se donnera comme but quasi-impossible
de l'éduquer (...)
Une fiction fantaisiste forcée et parfois maladroitement drôle
à cause de l'absence évidente de censures dans le scénario
de Kaufman, Human Nature est plein d'imperfections qui font
sourire et qui mettent en place toutes les fondations imaginaires de
deux grands inventeurs. Se refusant à laisser aller l'histoire
naturellement, Gondry se permet une utilisation insistante des anachronismes
durant Human Nature. Parfois, cela ne semble pas nécessaire
et l'histoire de l'homme singe, interprété avec tact par
Rhys Ifans, interfère presque avec celle de la beauté
inégale qu'est Lila Jute. Celle-ci doit apprendre à devenir
véritablement humaine pour rendre coupable Nathan, dans son aventure
extraconjugale. Passé un certain cap, l'inverse semble vrai.
L'histoire de Lila, Nathan et Gabrielle n'a pas beaucoup changée,
mais celle de Puff (L'homme singe) devient sérieusement intéressante
alors qu'il devient un homme civilisé. Pourtant son histoire
se limite à trop peu, trop tard. Il s'agit pourtant de celle
du narrateur le plus interférant.
Human Nature est un film très coloré, évidemment
original, truffé de répliques inattendues (absurdes et
difficilement imaginables dans la vraie vie), mais seulement un peu
trop détaché et cafouilleur dans sa narration.
Version française :
La Nature humaine
Scénario :
Charlie Kaufman
Distribution :
Patricia Arquette, Rhys Ifans, Tim Robbins, Ken
Magee
Durée :
96 minutes
Origine :
France, États-Unis
Publiée le :
23 Février 2006