HOTEL RWANDA (2004)
Terry George
Par Frédéric Rochefort-Allie
Il y a 10 ans, le Rwanda étais divisé en deux clans: Hutu
et Tutsis. Si leurs différences étaient minimes, cela
ne les empêcha pas de se massacrer mutuellement et d'emporter
dans leur frénésie sanguinaire bon nombre d'innocents.
Hotel Rwanda raconte l'histoire véridique de Paul Rusesabagina
lors de ce génocide qui inonda les terres rwandaises de son propre
sang.
Paul Rusesabagina (Don Cheadle), le gérant de l'hôtel suisse
«Des Milles Collines» voit sa vie menacée tandis
que la pression entre les nations ennemies augmente. Sa famille étant
un mélange des deux clans, Paul ne peut être qu'impartial.
En vue de la protéger, ainsi que quelques victimes, il ira trouver
refuge à l'hôtel. Mais les Casques Bleus qui jusqu'alors
le protégeais le laisseront seul à lui-même, évacuant
les Blancs en danger. C'est alors que débutera une lutte pour
la survie.
Un an avant ce fameux génocide, un film du nom de Schindler's
List sortit en salles. Ce film racontait les sacrifices d'Oskar
Schindler, un allemand notoire, qui sauva plusieurs Juifs du massacre
nommé la Seconde Guerre mondiale. Une étrange coïncidence
veut qu'un peu plus tard, Paul Rusesabagina soit au coeur d'évènement
similaires. On se demande assez rapidement si ce projet ne fut pas mis
en branle justement pour miser un succès similaire. Il est justement
là le principal problème d'Hotel Rwanda. Cette
trop grande recherche de sympathie n'a d'effet que de déconnecter
son spectateur. On ne cherche qu'à nous faire vivre une gamme
d'émotions, sans bien expliquer le contexte dans lequel nous
nous trouvons. La guerre du Rwanda est encore un évènement
inconnu pour certains. C'est pourquoi, il aurait été intéressant
que le film pousse un peu plus son explication du contexte de cette
guerre, plutôt que de lancer le spectateur à pieds joints
dans un univers nébuleux. Bien que l'aspect dramatique soit justifiable
par son histoire véridique, le mélodrame n'apporte rien
de neuf et on finit bien vite par s'en lasser. Malgré la différence
de continent et d'époque, le scénario d'Hotel Rwanda
n'est qu'une pauvre tentative d'emprunter la voie toute tracée
par Spielberg avec Schindler's List vers les Oscars.
Visuellement, Hotel Rwanda ne frappe pas assez. Pour un film
qui veut dénoncer la violence, il l'aborde d'un regard plutôt
délicat. Quand on observe les faits, le Rwanda fut un massacre
total. Si le film démontre clairement la puissance qu'avait la
radio comme outil de propagande durant cette période, le chaos
qu'elle crée dans le film semble beaucoup plus léger que
dans les films tel Cidade de Deus, et ce malgré un nombre
plus imposant de figurants. Le réalisateur Terry George aurais
d'ailleurs bien fait de s'en inspirer car, de toute façon, sa
signature visuelle est plutôt fade.
Agissant à titre de bouée, la distribution soutient autant
qu'elle le peut ce film plutôt monotone. Bien qu'on ait tenté
de nous faire croire le contraire, Don Cheadle ne mène pas la
barque. En effet, la performance de Don Cheadle est surestimée,
mais elle n'en demeure pas moins un atout majeur lors des scènes
moins raffinées car elle apporte une crédibilité
nécessaire à un bon nombre de scènes banales. Cependant,
à l'envers de la médaille, les scènes mélodramatiques
plus soignées débordent d'un surplus d'émotions
et l'ambiance est à la «J'aimerais remercier l'Académie.»
Heureusement, les acteurs de soutient viennent créer une forme
d'équilibre. On y retrouve bon nombre de caméos très
intéressants comme Nick Nolte en officier des Casques Bleus,
Joaquin Pheonix en caméraman et le plus intéressant de
tous, la présence de Cara Seymour en infirmière secouriste.
Cette actrice, qui se fait pourtant discrète vu le peu de présence
de son personnage, arrive néanmoins à transporter le spectateur
dans son imaginaire et à lui raconter une histoire franchement
violente qu'elle récite crédiblement par son intonation.
C'est justement la force de l'ensemble de la distribution qui justifie
l'intérêt qu'on pourrait porter à ce film.Tant les
acteurs caméos que les principaux ont leur importance.
Finalement, Hotel Rwanda n'est guère plus marquant qu'un
de ces films qui passe à la télévision un jeudi
soir de pluie. Si ce n'était de sa distribution, gageons même
que le film n'aurais jamais eu tout cet intérêt. Sans être
un navet, Hotel Rwanda ne connaitra jamais le succès
ni l'impact de Schindler's List. À quand un film qui
tranchera véritablement sur le vif du sujet de cette guerre civile
sanguinaire, sans la crainte de choquer l'Académie des Oscars
par une vision réaliste? Décidémment, pas cette
année.
Version française : Hôtel Rwanda
Scénario : Keir Pearson, Terry George
Distribution : Don Cheadle, Sophie Okonedo, Nick Nolte, Joaquin
Phoenix
Durée : 110 minutes
Origine : Angleterre, Afrique du Sud, Italie
Publiée le : 1er Janvier 2005
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