THE HILLS HAVE EYES (2006)
Alexandre Aja
Par Jean-François Vandeuren
The Hills Have Eyes est probablement le film résumant
le mieux la situation actuelle du cinéma d’horreur grand
public aux États-Unis. À court d’idées plus
que jamais, les Américains continuent de piller leur passé
(et celui des autres) en nous sortant un autre remake d’un film
d’horreur datant des années 70. Pour ajouter à cette
désolante constatation, ils ont confié la sale besogne
de réaliser ce projet complètement inutile à un
réalisateur français, Alexandre Aja, grand responsable
du stylistique, mais incohérent Haute Tension. Le film
se base donc sur un des efforts les moins connus de la filmographie
de Wes Craven qui profitera sûrement de la sortie du présent
effort pour faire un retour remarqué sur les tablettes des clubs
vidéos. Sous une étrange impression de déjà-vu,
nous accompagnons une famille dans un voyage au beau milieu de nulle
part. Suivant les indications de l’étrange propriétaire
d’une station service complètement isolée, le groupe
est victime d’un accident qui lui sera évidemment fatal.
Ils seront alors confrontés à d’étranges
créatures vivant dans le désert du Nouveau-Mexique, résultats
des radiations de nombreux essais nucléaires effectués
par le gouvernement américain durant la guerre froide. Aja nous
propose alors un croisement radical entre le plus commun des slashers
et un épisode de… Lassie?
En effet, le véritable héros du film, celui s’occupant
à défoncer joyeusement la gueule de la plupart de ces
mineurs mutants, n’est nul autre que le compagnon à quatre
pattes de cette famille typiquement américaine. Évidemment,
celle-ci tente de se défendre d’une façon particulièrement
maladroite et invraisemblable. Mais mis à part cette idée
d’un génie incommensurable nous inspirant à raviver
notre amitié avec ce bon vieux Cujo, The Hills Have Eyes
est un film d’horreur qui nous trimbale de force à travers
une suite de situations choques que l’on voit venir des miles
à l’avance. Ce périple mené sans la moindre
considération pour le terme « subtilité »,
nous l'effectuons aux côtés d’acteurs interprétant
tout de même dans la note voulue des personnages dont on n’a
pas grand chose à cirer jusqu’à ce qu’ils
commencent à encaisser les coups d’une sérieuse
raclée. Il sera également facile d’y trouver un
propos politique, dans la lignée de bien des films d’horreur
post-11 Septembre 2001. The Hills Have Eyes n’offre encore
là rien de bien nouveau sous le soleil, illustrant sans grande
conviction la division que la politique américaine, autant nationale
qu’étrangère, créa au sein de la population
états-unienne. Cette mascarade complètement superficielle
s’encombre d’autant plus d’une morale affichant un
fort penchant républicain complètement vide de sens.
La mise en scène d’Alexandre Aja ne déroutera pas
les plus fervents amateurs de ce genre de récit. Ce dernier reprend
d’ailleurs quelques éléments du remake somme toute
respectable de The Texas Chainsaw Massacre. Le cinéaste
français tente en ce sens d’appuyer l’univers crasseux
et détraqué au possible de son film par le biais d’une
photographie vieillotte, mais également par l’utilisation
de mouvements brusques au niveau de la caméra et de nombreux
gros plans. Aja s'exécute par contre sous une facture visuelle
beaucoup plus réaliste que l'approche très maniérée
du film de Marcus Nispel. L’essai devient malgré tout rapidement
lassant, car Aja ne fait que répéter à outrance
les mêmes stratagèmes. Ceux-ci sont d’autant plus
engourdis par une trame sonore pompeuse devenant de plus en plus risible.
Certains effets de tension fonctionnent néanmoins momentanément
en fin de parcours. Un des rares points forts du film est alors finalement
mis en évidence, soit l’illustration de l’apparence
psychotique de la manière dont furent effectués ces essais
nucléaires dans le passé.
Nous pourrons tout de même donner le crédit à Aja
pour avoir su concocter un cocktail particulièrement sanglant
au cœur d’un cinéma d’horreur de plus en plus
« politically correct » chez nos voisins du Sud. Mais encore
là, ce mélange n’a absolument rien de nouveau à
offrir, même pour un remake. Tout comme pour le Hostel
d'Eli Roth, on sent également que cet excès de violence
est utilisé à des fins beaucoup plus publicitaires que
cinématographiques. The Hills Have Eyes n’échappe
donc pas à une mise en scène dont on fait le tour en moins
d’une demi-heure tellement elle suit les règles du genre
à la lettre. Les amateurs pas trop exigeants s’en délecteront
sûrement. Les autres risquent de trouver le temps long devant
un tel sous-produit ensevelissant une fois de plus l'horreur sous une
épaisse couche de banalité. Quelqu’un parmi les
producteurs responsables de tels fiascos devra comprendre tôt
ou tard que plus sanglant ne veut pas forcément dire plus brillant.
Le Dawn of the Dead version 2004 de Zack Snyder et son habile
reconstitution de la bataille d’Alamo conserve donc son titre
de seul effort réellement satisfaisant dans cette vague de remakes
de plus en plus douteux.
Version française :
Le Visage de la peur
Scénario :
Alexandre Aja, Grégory Levasseur
Distribution :
Aaron Stanford, Kathleen Quinlan, Vinessa Shaw,
Emilie de Ravin
Durée :
107 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
14 Mars 2006