HEROES OF THE EAST (1979)
Liu Chia-Liang
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Le cinéma des studios de la Shaw Brothers a retrouvé la
faveur d'un certain public grâce aux Kill Bill de Quentin
Tarantino, deux films parsemés de références aux
légendaires productions de ces spécialistes du cinéma
de kung-fu. Distribué une première fois en Amérique
du Nord sous les titres risibles de Shaolin Challenges Ninja
et Chinese Husband, Heroes of the East s'inscrit en
parfaite continuité avec les règles stylistiques strictes
d'un genre culte dont l'imposant contingent d'adeptes se délectera
sans aucun doute de ce spectacle au dynamisme farouche frôlant
la débilité pure et simple. Il faut accepter d'avance
que le montage du film, d'une nervosité frôlant la caricature
pure et dure, enchaine les travellings optiques sans considérer
ne serait-ce qu'un instant le sens du terme «excès».
Que les effets sonores sont si exagérés et tonitruants
qu'ils démolissent toute illusion de réalisme aussi ténue
soit-elle et que les acteurs livrent des performances criardes ignorants
tout de la retenue.
Une fois ces règles de bases acceptées, le spectateur
est prêt pour ce spectacle explosif et absurde qu'est Heroes
of the East. Alliant les arts martiaux servis en portions gargantuesques
à la comédie romantique, le quatrième film de Liu
Chia-Lang est tout sauf ennuyant. Il y a ici trop de plans à
la minute et de coupures toniques pour que le spectateur ne puisse fermer
l'oeil ne serait-ce qu'un instant. Un expert des arts martiaux chinois,
Ho To (Gordon Liu), épouse une ninja japonaise du nom de Kung
Zi (Yuko Mizuno) afin de faire plaisir à son père pour
qui le mariage est très profitable économiquement. Leur
bonheur matrimonial est mis en danger par les contradictions de leur
philosophie martiale respective. En fin de compte, Heroes of the
East est ni plus ni moins qu'une bonne vieille histoire de choc
des cultures. Cette prémisse a pourtant le mérite de créer
d'amusantes chicanes de couples sur la bonne façon de se battre.
Des argumentations qui seront rapidement appuyées par des exemples
éloquents.
Mais surtout, et c'est là une qualité majeure dans le
cas d'un tel film, cette astuce narrative permet de présenter
au spectateur une gamme très diversifiée de styles d'arts
martiaux tous plus visuellement stimulants les uns que les autres. Devant
ces ballets violents qui ne font par ailleurs aucun mort, on reste carrément
bouche-bée. Car les chorégraphies maintenant antiques
du film de Liu Chia-Liang sont aussi ludiques qu'habiles, et impressionnent
encore aujourd'hui par leur flair visuel incroyable et leur portée
humoristique irrésistible. Ici, heureusement, on rit avec le
film plutôt que de rire de celui-ci.
Tout du montage extrêmement caractéristique et maitrisé
aux touches d'humour cabotines mais efficaces fonctionnent dans Heroes
of the East. On est donc bien heureux que le festival Fantasia
ait pu dénicher la dernière copie 35mm originale de ce
petit bijou du cinéma de kung-fu pour la présenter au
public montréalais, qui lui a réservé un accueil
chaleureux, d'autant plus que le film respecte très bien la philosophie
de non-violence inhérente aux arts martiaux qu'il présente
contrairement à plusieurs autres productions du genre. Il n'en
demeure pas moins qu'Heroes of the East plaira d'abord et avant
tout à un public précis qui a l'avantage d'être
vendu d'avance à ce genre d'acrobaties survoltées et de
combats aussi déchainés que ridiculement précis.
Les Shaw Brothers triomphent une fois de plus, à défaut
de réinventer la roue...
Version française : -
Version originale :
Zhong hua zhang fu
Scénario :
Ni Kuang
Distribution :
Cheng Hong-Yip, Norman Chu, Hou Hsiao, Yasuaki
Kurata
Durée :
100 minutes
Origine :
Hong Kong
Publiée le :
31 Juillet 2005