HELLBOY (2004)
Guillermo del Toro
Par Jean-François Vandeuren
Une adaptation de bande dessinée de plus ou de moins, la différence
en est devenue minime dans le paysage hollywoodien de nos jours. Le
monopole de Marvel Comics laisse cette fois-ci une petite place à
Dark Horse Comics pour la version cinématographique de l’anti-héros
de Mike Mignola, Hellboy. Ce qu’on a pu facilement remarquer
en ce qui a trait à ce type de productions, c’est qu’il
s’en dégage principalement deux intentions : faire un maximum
de profits ou proposer des bonnes idées. Qu’en est-il de
celui-ci?
Pas exactement le héros-type ce Hellboy! Amené sur Terre
à la fin de la Seconde Guerre mondiale par les nazis lors d’un
rituel maléfique perpétré par Rasputin, il fut
plutôt pris en charge par les forces alliées, plus particulièrement
par un professeur de la division paranormale du FBI qui devint une figure
patriarcale pour le jeune démon. Depuis ce temps, on lui a appris
à oeuvrer pour les forces du bien. Mais il fallait bien s’y
attendre un jour ou l’autre, d’anciennes forces malignes
ont refait surface depuis peu et il n'en tient désormais qu’à
une équipe de personnages surnaturels de nous protéger.
Comme pour le Spider-Man de Sam Raimi, Hellboy propose
un bon lot de qualités autour desquelles on retrouve malheureusement
certains défauts plus ou moins importants. Le problème
principal est que les événements du film s’apparentent
un peu trop à la filmographie américaine du cinéaste
Guillermo Del Toro. Disons que ce dernier a tendance à se copier
lui-même avec Hellboy, en nous offrant une série
d’événements se rapprochant de ce qu’on a
pu voir auparavant dans Mimic et, surtout, dans Blade 2.
Ce qui est déjà un défaut en soit puisque le développement
de ces deux films était à la base plutôt simpliste.
Cependant, c’est probablement l’opus qui fait le meilleur
usage de ces éléments. Il y a effectivement plusieurs
qualités notables dans ce scénario appauvri par son contexte.
C’est surtout au niveau des personnages que la majeure partie
des énergies positives de la production furent concentrées,
alors que Hellboy réussit à fasciner autant qu’un
X-Men par son personnage titre, ainsi que celui d’Abraham
« Abe » Sapien. Inutile de mentionner que seulement par
ses maquillages, le film épate. La composition en soit du personnage
de Hellboy est assez particulière. Plutôt que d’avoir
droit au superhéros habituel qui se fait un devoir de protéger
les habitants de la planète bleue, le massif bonhomme rouge va
combattre les forces du mal comme monsieur et madame tout le monde se
rend à son travail le matin. On nous le montre en action d’une
manière tellement nonchalante que cela réussit à
rendre l'essai d'autant plus sympathique. On s’est également
efforcé de nous le présenter comme un être au caractère
très humain, très bien campé par le charismatique
Ron Perlman qui semble s’amuser comme un petit fou, avec ses qualités,
ses défauts, et un désir de s’intégrer et
de réussir à venir à bout de ses problèmes,
par rapport auxquels on a surtout misé sur ceux d’ordre
affectif avec une histoire d’amour à la Belle et la
bête. D’autre part, assez ironique est l'image d'un
énorme démon tenant à la main un chapelet. Il faut
souligner, dans cet ordre d'idées, que Del Toro tente de nous
faire réfléchir sur la notion de choix en démontrant
que ce qui détermine ce qu'on est ne se situe pas par rapport
à nos origines, mais plutôt au niveau de nos intentions
et de nos actions.
C’est en même temps à ce niveau que l’opus
de Del Toro exploite les mêmes thématiques que celles de
la série X-Men dans son discours sur la tolérance,
développé ici d’une façon beaucoup moins
subtile. Il faut dire que c’est ce qui apporte un certain charme
au film. Oui, l’histoire est prévisible et souvent dépeinte
de façon assez caricaturale, particulièrement au niveau
des personnages secondaires, mais ce sont ces gros traits qui forment
un univers se rapprochant de la bande dessinée, autant par son
look extrêmement coloré visuellement que ses dialogues
assez primaires qui ne tombent jamais dans le trop ridicule. C’est
pourquoi le résultat final risque d’entraîner deux
types de réaction : le dédain, ou l’enjouement.
Le tout est appuyé par une réalisation maîtrisée
qui caractérise bien l'univers développé et qui
donne lieu à des scènes généralement bien
rendues.
C’est donc par une touche d’humour fort appréciable
et des personnages bien introduits que Del Toro rétablit un équilibre
avec un scénario beaucoup trop familier, mais composé
d’une approche honnête et bien pensée. Un effort
qui aurait pu être franchement mieux, mais qui a tout de même
une dose suffisante de qualités pour en faire un film digne d’intérêt.
À prendre à la légère.
Version française :
Hellboy
Scénario :
Guillermo Del Toro, Mike Mignola (bande dessinée)
Distribution :
Ron Perlman, Selma Blair, Doug Jones, John Hurt
Durée :
121 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
4 Avril 2004