HELL (2005)
Tanit Jitnukul
Sathit Praditsarn
Teekayu Thamnitayakul
Par Jean-François Vandeuren
Difficile de faire la promotion de l’enfer de nos jours. À
en juger par ce film s’affichant sous le nom on ne peut plus recherché
de Hell, la grande région de la damnation éternelle
n’est définitivement plus ce qu’elle était.
Même le diable en personne a de la difficulté à
mettre la main sur des cols bleus compétents par les temps qui
courent. D’un autre côté, il ne doit pas être
toujours évident de garder un œil sur ces millions d’âmes
perdues lorsqu’il fait plus de 100 degrés Celsius à
l’ombre. Parlez-en à ces jeunes reporters thaïlandais
qui, à la suite d'un grave accident de la route, durent répondre
des actes commis de leur vivant dans cet univers barbare et sous-administré.
Ces derniers tenteront évidemment d’échapper à
leurs supplices et seront du coup pris en chasse par une horde de démons
ayant visiblement profité du solde de l’Halloween chez
Wal-Mart. Tous les éléments sont alors mis en place pour
que ce spectacle des plus ambitieux nous en mette plein la vue et nous
fasse de nouveau redouter ces lieux peu cléments.
Si Hell avait été produit de ce côté-ci
de l’Atlantique, il n’aurait probablement jamais été
projeté sur un écran de cinéma. Comme tout bon
déchet cinématographique qui se respecte, il aurait été
lâchement catapulté sur les étagères des
clubs vidéo entre les derniers exploits de Steven Seagal et l’affrontement
ultime entre un groupe d’humains désemparés et d’énormes
reptiles mutants. Se situant quelque part entre l’épisode
d’une série télévisée médiévale
peu convaincante et le film d’horreur bas de gamme, Hell
a tout d’une mauvaise blague empilant les séquences bidon
et confuses pour former un ensemble ne faisant souvent aucun sens. Les
trois cinéastes (oui, trois!), responsables de cette grandiose
épopée mystique partagent ainsi leur propre vision de
l’enfer d’une manière on ne peut plus inspirée.
Le trio arriva à ses fins grâce à un vénérable
filtre orangé placé avec le plus grand soin devant la
caméra, énormément de maquillage rouge, un boisé
tout ce qu’il y a de plus banale et un coin de terre un peu plus
désertique. Il ne faudrait surtout pas oublier de mentionner
également la pléthore d’effets spéciaux dont
la qualité renversera assurément tous ceux et celles qui
n’ont pas eu la chance de visionner un seul film depuis 1994.
Ce non-sens absolu aurait tout de même pu être moindrement
sauvé par une mise en scène éclatante. L’occasion
était d’ailleurs rêvée pour offrir un spectacle
visuel pas nécessairement extravagant, mais tout de même
fort substantiel. À l’opposée, Hell propose
probablement la direction artistique la plus navrante depuis le pitoyable
Mortal Kombat Annihilation. Ces décors à peine
plus solides que du carton et ses costumes sortis tout droit d’un
film amateur réalisé par une bande d’étudiants
ayant un peu trop joué à Dungeons & Dragons
dans leur jeunesse n’apportent évidemment aucune crédibilité
à l’effort. Ne connaissant vraisemblablement pas la définition
du mot «retenue», les trois cinéastes thaïlandais
signent pour leur part une réalisation accumulant de façon
aberrante les effets de style totalement superficiels et les scènes
de torture et de combat sorties tout droit d’un mauvais jeu vidéo.
Nous pouvons au moins leur accorder que l’incompétence
flasque de leur mise en scène rend parfaitement justice au scénario
tout aussi débile de Marisa Mallikamarl.
Hell forme au final un film aussi gênant que pathétique
qui ne va nulle part et finit par agresser les sens plutôt que
de divertir. La triste réalité pour quiconque s’approchera
témérairement de cette horreur cinématographique
est que les cinéastes responsables de ce fiasco n’avaient
aucunement les ressources nécessaires, voire le talent, pour
mettre en image autre chose qu’un lamentable échec voué
à décevoir tous ceux qu’une telle prémisse
aurait pu potentiellement intriguer. Les acteurs qui ont bien voulu
participer au projet (sûrement par pitié) ne sont pas vraiment
à blâmer pour leurs performances risibles. Aucun acteur
ne peut faire de miracle si on ne lui donne rien pour travailler. Le
plus insultant dans toute cette histoire est que les trois réalisateurs
se prirent visiblement au sérieux et trouvèrent même
le moyen de terminer leur film sur une note moralisatrice comme s’ils
venaient d’accoucher d’une œuvre nécessaire
au bon fonctionnement de l’humanité. Selon eux, chacune
de nos actions sur Terre aura des répercussions sur le sort qui
nous sera réservé dans l’au-delà. Souhaitons-leur
d’avoir tort. Car autrement, la sentence pour l’existence
de cette abominable cochonnerie risque d'être plutôt sévère.
Version française : -
Version originale :
Narok
Scénario :
Marisa Mallikamarl
Distribution :
Nathawan Woravit, Baworanrit Chantasakda, Kom Chauncheun
Durée :
90 minutes
Origine :
Thaïlande
Publiée le :
19 Juillet 2006