HEAT (1995)
Michael Mann
Par Jean-François Vandeuren
Le long-métrage (et c’est le cas de le dire) Heat
du réalisateur américain Michael Mann propose au départ
une prémisse publicitaire des plus attrayantes en réunissant
à l’écran les acteurs Al Pacino et Robert De Niro,
deux habitués de longue date du film de gangster et surtout deux
véritables légendes vivantes du cinéma américain.
Qui plus est, Mann ne se limite pas qu’à cette affrontement
entre ces deux figures mythiques pour faire de sa saga criminelle une
franche réussite. Le cinéaste semble en effet avoir fait
plus que ses devoirs et élabore d’une façon magistrale
plusieurs éléments de cet opus dont on reproche bien souvent
l’absence de ce genre de film.
Heat, c’est d’abord l’opposition de deux
mondes. D’entrée de jeu est introduite une équipe
préparant un assaut plus que lucratif contre une institution
bancaire. S’entrechoquera par la suite à cette histoire
le camp représentatif des forces de l’ordre et ainsi s’en
suivra une mise en scène où chaque partie se jouera de
l’autre pour arriver à sa fin, soit un vol couronné
de succès, où la mise à l’arrêt de
la bande. Mais le film de Mann dévoile par la suite une façade
beaucoup plus ambitieuse en amenant à cette histoire typique
de casse des enjeux pour chacun des personnages d’avant plan qui
dépassent les questions financières ou celles du devoir.
C’est ce qui fait d’abord la particularité de Heat
alors que dans un premier temps, les attraits de base du film policier
et du film d’action se mêlent efficacement à la dynamique
d’une œuvre à tendance beaucoup plus dramatique, mais
qui n’en demeure pas moins d’une incroyable efficacité.
L’évidence de cette amalgame s’esquisse en premier
lieu par l’entremise d’un traitement des personnages qui
se dévoile au fur et à mesure que les différentes
pièces du puzzle se mettent en place comme l’enjeu majeur
de cette saga. C’est d’ailleurs en ce sens que Mann évite
avec brio la manière unilatérale dont les clichés
d’usures assurent bien souvent le développement des principaux
protagonistes de ce type d’intrigue. Le secret d’une telle
réussite est associable à l’importance que prend
cet aspect à l’écran et qui en vient d’ailleurs
à éclipser celle de l’action, ou plutôt, à
prolonger cette façade hors des scènes qui lui sont consacrées,
rendant ainsi les moments forts de l’essai beaucoup plus significatifs.
Chaque action est susceptible d’entrainer une série de
conséquences qui se répercuteront sur un éventail
de personnages dépassant les actants. De ce fait, les scènes
semblant les plus anodines, voire inutiles à l’intrigue
au départ, prennent par la suite une importance marquée
démontrant du même coup que le cinéaste n’a
rien laissé au hasard.
Ce dernier y va d’autant plus de ses prouesses esthétiques
habituelles toutefois agencées dans le cas présent d’une
manière beaucoup plus cinématographique que réaliste
si l’on compare le travail de Mann pour Heat par rapport
à ses trois projets les plus récents, soit The Insider,
Ali et Collateral. Par contre, l’apport réaliste
du réalisateur n’est pas pour autant absente de l’oeuvre
et c’est au niveau du scénario que se dévoilent
des intentions visant la mise en scène d’une bonne dose
d’artifices qui garde néanmoins comme but premier de rendre
l’expérience prenante par l'entremise d'un récit
ne se déroulant pas dans un contexte noir ou blanc. L’ambiance
palpable jouant sur les deux facettes de la tempête que l’on
retrouve d’ordinaire dans les films de Michael Mann occupe encore
une fois une place prédominante dans ce mélange et c'est
dans les scènes nocturnes de Heat que ce dernier affiche
le mieux le contrôle exceptionnel qu’il a sur cette atmosphère
en prenant soin d’utiliser du même coup avec la finesse
espérée tout le potentiel de la sublime élaboration
musicale venant des Elliot Goldenthal, Moby, Lisa Gerrard (Dead Can
Dance), Brian Eno, etc.
Si le dicton veut que l’essence même d’un bon casting
débute avant tout par une sélection minutieuse des interprètes,
Mann fut plus que choyé en pouvant compter sur un groupe d’acteurs
jouant au sommet de leur art réunissant, outre les rivales d’avant
plan représentés par De Niro et Pacino, des noms tels
Val Kilmer, Ashley Judd, Tom Sizemore, Diane Venora et même une
jeune Natalie Portman amorçant à l’époque
sa montée vers une carrière des plus prometteuses. Mais
de cet ensemble, nul doute que De Niro ressort comme la figure de proue
du groupe en volant littéralement la vedette par un jeu sobre,
mais diablement convainquant où la seule intensité de
son jeu de regard lui mérite amplement tous les honneurs. En
résumé, la grande histoire du film de Mann en est une
des plus simples. Il s’agit de celle d’un réalisateur
qui a voulu contourner l’ordinaire et qui a compris qu’une
scène de fusillade, par exemple, est beaucoup plus saisissante
si elle se retrouve au milieu d'un contexte savamment développé.
C’est cette détermination à mettre en relief ce
qui est d’ordinaire laissé à plat qui fait en définitive
de Heat une des œuvres les plus satisfaisantes d’un
genre qui ne prend ironiquement que très peu de risques la plupart
du temps.
Version française :
Tension
Scénario :
Michael Mann
Distribution :
Al Pacino, Robert De Niro, Val Kilmer, Tom Sizemore
Durée : 171 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
4 Octobre 2004