HARRY POTTER AND THE HALF-BLOOD PRINCE (2009)
David Yates
Par Guillaume Labory
Il est à la fois surprenant et regrettable de remarquer un manque
considérable de créativité chez une adaptation
cinématographique d'un roman dont les prémisses fantastiques
ont assuré le succès. C'est bien seulement là où
Harry Potter and the Half-Blood Prince parvient à sortir
de l'ordinaire: en démontrant que les ingrédients ne font
pas la recette, sinon qu'on finit, à la longue, par s'en lasser.
Le film de David Yates (à qui l'on doit aussi Harry Potter
and the Order of the Phoenix) multiplie les pistes narratives au
détriment d'un récit grêle, qui dégage ainsi
une intensité dramatique manifestement édulcorée.
Le plus récent Harry Potter à atteindre les salles
de cinéma n'a rien de bien sorcier pour ceux qui auraient suivis
les épisodes précédents: le personnage-titre, qui
s'accommode graduellement à son statut de célébrité
et son rôle d'élu, amorce une sixième année
scolaire en compagnie de ses amis Hermione et Ron. Cette fois-ci pourtant,
le monde des magiciens est en émoi: le seigneur des ténèbres
Voldemort est revenu à la vie et ses sbires menacent d'attaquer
l'école d'Hogwarts, une institution qui, sous la direction du
puissant mage Dumbledore, constitue un sanctuaire pour les jeunes y
poursuivant leurs études. De plus, c'est à Severus Snape
que revient la responsabilité d'enseigner la défense contre
les forces du mal, celui-ci cédant sa place de professeur de
potions à Horace Slughorn. On suit ainsi plusieurs péripéties
en parallèle, sans que celles-ci ne dérogent de l'anecdotique,
à moins de satisfaire une quelconque nécessité
narrative, ce qui a comme conséquence d'encombrer le film. Les
rebondissements amoureux s'avèrent banals, ce que l'on pourrait
attribuer au jeu plafonnant des acteurs et au manque de profondeur des
personnages. En effet, nonobstant les précédents films
de la série, les adolescents au centre de l'histoire ne sont
que sommairement introduits; leurs relations, soulignées à
gros traits. Leurs aventures supportent la progression du récit
sans toutefois mener à une complexification de ses enjeux. Résultat:
le mélodrame (qui tout compte fait, n'a rien de surnaturel) se
révèle superflu, voire gêne une lecture limpide
de la résolution du film, lequel est autrement ponctué
ça et là de scènes d'action narcotiques.
Toutefois, le film se rattrape dans sa maîtrise technique. D'une
facture typique du blockbuster traditionnel, HBP aborde évidemment
plusieurs gammes d'émotions, donc des thèmes aptes à
bien en rendre compte. Par conséquent, une dichotomie amour/amitié
réussit à mettre en relief les tensions émergentes
entre les jeunes magiciens pour ainsi dire « torturés »
par leur instinct de reproduction. L'humour visuel, verbeux et sans
esprit s'immisce entre les scènes les plus prenantes afin de
détendre l'atmosphère. Le mystère entourant la
mission secrète de Draco Malfoy se dévoile à la
manière d'un suspense. Les scènes d'action sont quant
à elles peu nombreuses et abracadabrantes. L'oeuvre de Yates,
à l'instar du roman de J.K. Rowling, tire dans toutes les directions;
à savoir s'il atteint effectivement la cible, cela ne dépend
que du regard qu'on y porte. De la mise en scène autrement effacée,
on peut tout de même retenir dans la composition visuelle un souci
de s'approprier l'esthétique du courant pictural néoclassique
lorsque le besoin dramatique se fait sentir (notamment quand Malfoy
s'apprête à exécuter son plan ténébreux,
sa présence passant inaperçue aux yeux de couples plutôt
occupés à s'embrasser dans l'ombre des corridors de l'école).
Le pastiche est ici approprié, compte tenu du contenu moralisateur
intraitable de la série, qui ne trouve jamais de juste milieu
entre ce qui est à glorifier et ce qui est à diaboliser.
Si, par contre, Severus Snape garde ses intentions cachées, il
n'est cependant traître que d'un des deux partis auxquels il prête
allégeance.
Il serait tentant d'excuser les errances du sixième film de la
saga Harry Potter en évoquant le prochain épisode,
dont la présente oeuvre est sensée préparer le
terrain. Pourtant, aucun non-initié ne tient à prendre
l'engagement de visionner sporadiquement une série entière
dont les parties tout aussi irrégulières ne reposent que
sur un segment. En contrepartie, les fanatiques y trouveront assurément
leur compte, les lacunes de HBP risquant d'être comblées
par leur attente de la sortie du film ainsi que par des connaissances
occultes qu'eux seuls peuvent ausculter. Distribué comme un blockbuster,
mais ne s'adressant en réalité qu'aux lecteurs des romans,
le film de Yates a bien ceci d'incroyable: sa durée d'un peu
plus de deux heures trente, qui départagera les « moldus
» des magiciens, dont les talents d'alchimistes seront sollicités
afin de transformer un visionnement banal et pénible en moment
féerique.
Version française : Harry Potter et le prince de sang-mêlé
Scénario : Steve Kloves, J.K. Rowling (roman)
Distribution : Daniel Radcliffe, Emma Watson, Rupert Grint, Alan
Rickman
Durée : 153 minutes
Origine : Royaume-Uni, États-Unis
Publiée le : 10 Août 2009
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