A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

HARRY POTTER AND THE ORDER OF THE PHOENIX (2007)
David Yates

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Beaucoup d'encre a déjà été versée au sujet de la saga Harry Potter : elle aurait à elle seule ressuscité une industrie littéraire chancelante, alors que la droite chrétienne - prouvant une fois de plus l'absurdité consommée de ses préoccupations - l'avait condamnée sous le prétexte farfelu qu'elle présente une vision séduisante du paganisme à de jeunes esprits encore malléables. Sa contrepartie cinématographique n'a pas non plus été exempte de controverses. Comme c'est l'usage lorsqu'une oeuvre culte fait le saut au grand écran, des hordes de passionnés se sont empressé de reprocher à ces adaptations - somme toute fidèles à leur source - la moindre scène coupée de même que le moindre écart de conduite narratif. Malgré cela, la série s'est imposée au fil des ans comme l'une des franchises les plus constantes d'une époque où l'industrie cinématographique multiplie les suites aseptisées pour assurer sa survie. En 2004, suite aux deux films plus académiques dirigés par l'Américain Chris Colombus, le cinéaste mexicain Alfonso Cuarón signait un troisième volet exceptionnellement maîtrisé : truffée de sous-entendus renvoyant aux thématiques de ses oeuvres plus personnelles, la mise en scène techniquement aguerrie de son Prisoner of Azkaban soutenait à la fois une certaine poésie visuelle ainsi qu'une diabolique efficacité, que celle, plus convenue, du Goblet of Fire de Mike Newell n'avait pu égaler.

Transfuge du monde de la télévision britannique, le réalisateur David Yates s'attelle pour sa part à la tâche avec une indéniable compétence, à défaut de briller par son originalité; son travail respecte, à quelques ruptures d'axe près, la philosophie de mise en scène invisible propre au médium à travers lequel s'est édifiée sa méthode. La caméra reste donc proche de ses sujets, son mouvement constant reposant essentiellement sur le bon vieux champ/contre-champ, lorsqu'elle n'est pas tenue à la main pendant des séquences d'action tournées dans un style « documentaire » actuellement à la mode. Le style de Yates est sobre et direct, l'antithèse incarnée des films chargés et emphatiques de Colombus. Son arrivée aux commandes est synonyme de gros bon sens : une nécessité, compte tenu de la tendance qu'ont eue les romans de J.K. Rowling à épaissir à vue d'oeil à chaque tome. Dans cette optique, il est tout naturel que Yates poursuive le processus d'émondage des romans entamé avec le remarquable film de Cuarón pour mener à bon port un cinquième Potter sans longueurs notables, au ton nettement plus sombre que ses prédécesseurs.

Bref, les constatations habituelles sont une fois de plus de mise: les jeunes acteurs gagnent en aisance avec l'expérience, et la magie a perdu son lustre initial pour devenir un événement commun dans un univers où la naïveté de l'enfance cède peu à peu le pas aux tourments de l'âge adulte. La transition, présentée avec un doigté étonnant compte tenu de la situation du film dans une série de blockbusters produits à la chaîne, place les personnages de Harry Potter and the Order of the Phoenix en plein coeur d'une adolescence que le film injecte de la dose requise de rébellion. Après avoir dompté - un peu maladroitement sous la tutelle de Newell - leurs hormones dont l'ébullition avait été illustrée avec humour par Cuarón, nos héros doivent cette fois faire face à des figures d'autorité dont la légitimité est au mieux douteuse. The Order of the Phoenix est le Rock 'N Roll High School de la série, faisant de la remise en question des institutions l'enjeu principal de son récit: l'hypocrisie aveugle de la classe dirigeante y devient aussi dangereuse, sinon plus, que l'adversaire réel de nos protagonistes.

De cette progression entre les épisodes se dégage la plus singulière des qualités de la suite de films, c'est-à-dire cette volonté d'évoluer de manière formelle et thématique avec son public et ses héros à la fois. Le jeune sorcier maître du box-office n'est pas un Antoine Doinel, et Daniel Radcliff ne sera jamais Jean-Pierre Léaud, mais l'attachement à ces protagonistes vieillissants, sur lequel capitalisent les Harry Potter, confère à ceux-ci une dimension humaine à laquelle peut difficilement prétendre le «blockbuster» moyen. Si bien que, même s'ils proposent une vision somme toute assez convenue du cheminement menant de l'enfance à l'âge adulte, ils ont à tout le moins le mérite de le faire avec une rigueur peu commune. Ces films dégagent une aura remarquable de qualité, une impressionnante régularité subsistant malgré les fréquents changements de garde, standards remarquables auxquels ne déroge pas ce cinquième chapitre d'un tout dont chaque morceau a été, à ce jour, érigé avec le plus grand soin.

La suite des choses s'annonce heureusement plus que prometteuse: s'il ne possède pas un style personnel clair, Yates arrive néanmoins à orchestrer un récit cohérent à partir d'une source riche en détails et en bifurcations superflues. Il n'est plus question pour lui d'établir l'univers dans lequel évoluent ces personnages, ce que The Philosopher's Stone avait déjà accompli de manière assez faste pour qu'un néophyte s'y retrouve. The Order of the Phoenix s’avère être au service de ses péripéties, s'en tenant à l'essentiel pour que la saga avance. Ce Potter simplement esquissé fera donc sans doute écumer les fanatiques, dont les attentes quant à une « adaptation » de l'oeuvre de J.K. Rowling frôlent l'intégrisme, mais comblera ceux qui s'attendent à un divertissement attachant et rondement mené. Certes, il est quelque peu dommage que l'affrontement final se résume à une simple « bataille de flash-backs » montée à la manière d'un vidéoclip; mais plus paresseux s'est vu auparavant dans le merveilleux royaume des suites, et le sorcier le plus populaire au monde se tire admirablement bien d'affaire pour son cinquième passage au grand écran.




Version française : Harry Potter et l'ordre du Phénix
Scénario : Michael Goldenberg, J.K. Rowling (roman)
Distribution : Daniel Radcliffe, Harry Melling, Emma Watson, Rupert Grint
Durée : 138 minutes
Origine : Royaume-Uni, États-Unis

Publiée le : 25 Août 2007