HARBOUR BROTHERS (2004)
Pekka Mandart
Par Jean-François Vandeuren
À la fin des années 50, aux abords des quais d’une
petite ville portuaire de Finlande, quelques travailleurs amoureux de
la musique qui n’ont alors rien à perdre et tout à
gagner créent un véritable phénomène au
cœur de cette petite communauté en achetant le restaurant
le Fienna pour en faire une boîte de nuit où allaient y
régner en maître les rythmiques improvisées du jazz.
Retraçant les nombreux hauts et les quelques bas de cette belle
époque, Pekka Mandart nous convie à un film tout ce qu’il
y a de plus simple, suivant principalement le personnage de Trempo,
le batteur du groupe, qui se retrouvera malgré lui sur la corde
raide entre son amour pour Aila et ses ambitions découlant de
celle pour la musique.
Sans relater avec exactitude les bases de vérités éparpillées
sur lesquelles se base cette histoire, le film de Mandart fait tout
de même un portrait léger et intéressant d’une
période assez importante de la scène musicale finlandaise,
où ici les docks de la ville de Kotka n’étaient
pas seulement remplis de marchandises diverses, mais aussi d’une
passion débordante pour le jazz et le blues que traînaient
dans leur tête les marins venus d’un peu partout dans la
monde. Pour supporter cette idée, il fallait évidemment
une trame sonore assez solide sans qu’elle ne soit trop raffiné,
particulièrement lorsque l’effort s’attarde à
mettre en scène l’évolution de la réponse
de la clientèle grandissante du Fienna face à cette forme
de musique. Mandart soulève d’ailleurs adroitement du même
coup cette éternelle polémique entre le désir artistique
et le souci du succès et de la reconnaissance qu’il positionne
particulièrement bien dans un genre où l’improvisation
et les aspirations peuvent nuire à la complicité entre
certains musiciens.
Sans nécessairement nous submerger dans une avalanche de détails
abracadabrants, Pekka Mendart parvient tout de même à effectuer
une reconstruction d’époque convaincante vu les moyens
du film. À la base, ce dernier fait preuve d’une adresse
assez intéressante en comblant ce manque par l’élaboration
d’un univers dont les grandes lignes rappellent à l’occasion
celle d’une bande dessinée. Impression qui se fait sentir
pas nécessairement par les couleurs, qui demeurent ici assez
fades pour la cause, mais plutôt par son ensemble de cadres fort
simples et ses personnages optimistes au possible, sans que cela ne
devienne excessif. Le problème par contre est que le tout a tendance
à manquer de vigueur et même d’imagination et donc,
au lieu de nous faire entrer complètement dans cet univers passé,
on nous expose à une facture visuelle pas étrangère
à celle d’un téléfilm, même si bien
au dessus de la moyenne. De sorte qu’en final, nous nous retrouvons
devant le testament d’une ère bien rendu, mais malheureusement
pas totalement immersif.
Harbour Brothers ne forme pas non plus un film à ce
point comique et affiche un penchant dramatique que Pekka Mandart tente
de maintenir autant que possible à distance, lequel, de toute
façon, relate une histoire un peu trop traditionnelle et prévisible,
voire même inutile, pour le contexte premier du film. Car l’effort
ne nous inspire peut-être pas à rire aux éclats,
mais se positionne avant tout comme étant une comédie,
offrant un film réalisé de manière aussi sympathique
que possible tout en rendant cette passion pour la musique contagieuse
à souhait. Il s’agit d’ailleurs d’une des qualités
premières de ce petit film qui ne changera pas le monde ni le
cinéma, mais dont la franchise et l’enjouement des comédiens
parviennent à en faire une expérience agréable.
Mandart offre d’autant plus à son groupe une conclusion
fort à propos et convoité par tout artiste oeuvrant dans
le domaine musical qui un jour, à sa façon, aura atteint
un certain sommet.
Version française : -
Version originale :
Keisarikunta
Scénario :
Sami Kesti-Vähälä, Pekka Mandart
Distribution :
Mikko Leppilampi, Maria Ylipää, Mikko
Nousiainen, Petteri Summanen
Durée :
99 minutes
Origine :
Finlande
Publiée le :
11 Novembre 2005