HALLOWEEN (1978)
John Carpenter
Par Jean-François Vandeuren
À supposé que le slasher, désormais un des sous-genres
les plus mal exploités du cinéma d’horreur, n’ait
été qu’une simple trilogie aux idées controversées
mais fort prolifiques, nul doute que cet élan s’est conclu
par l’entremise d’Halloween. De ce fait, le film
de John Carpenter est donc le fils prodige et digne descendant du Psycho
d’Alfred Hitchcock et de The Texas Chainsaw Massacre
de Tobe Hooper. En plus de jouer sur les bases littéraires du
genre, ces trois films marquent de par la façon audacieuse avec
laquelle ils traitent le mythe du tueur en série. L’un
se concentra sur le profil mental dérangé de l’être
se terrant derrière la lame, alors que l’autre esquissa
la barbarie macabre de ses actes. De son côté, Carpenter
vient fouiller par une approche des plus intrigantes le méthodisme
surréaliste présent dans la chair de ce personnage dérangé
et sa valeur symbolique. Car il faut dire qu’étrangement
au cinéma, et particulièrement à la manière
des Américains, autant le personnage du tueur en série
porte les attributs du maniaque sanguinaire, à quelque part il
arbore également le masque du défenseur de la moralité
et des valeurs typiques à nos voisins du Sud.
Le film débute en soi par un plan séquence filmé
de la perspective du tueur qui mènera au meurtre d’une
adolescente. La scène se termine lorsque le mystérieux
meurtrier se fait démasquer, dévoilant le visage glacial
d’un bambin âgé d’environ six ans. De ce point
de départ, le film nous amène à l’évasion
de ce dernier de l’institution psychiatrique où il était
détenu depuis les évènements sordides de cette
nuit d’Halloween d’il y a quinze ans. Il sera par la suite
pris en chasse par le docteur chargé de son cas qui dit n’avoir
vu en lui que le mal. En ce sens, le personnage de Michael Myers tel
que présenté à l’écran par ses créateur
John Carpenter et Debra Hill vient adéquatement endosser la symbolique
de la grande faucheuse, ou la mort si vous préférez. Par
l’entremise d’une approche plutôt lente mais fort
bien manipulée, Halloween développe cette idée
en laissant planer cette menace au dessus des personnages d’avant-plan,
et en particulier celui de Laurie Strode, laquelle croit être
constamment épiée par cet étrange individu masqué
qui se manifeste tel un spectre en apparaissant aussi rapidement qu’il
se volatilise. L’évolution de ce concept se poursuivra
tout aussi astucieusement lors de la mise en scène du passage
à l’action du tueur, dévoilant un procédé
théâtral dans ses exécutions. Il faut dire qu’en
soi, le suspense de l’essai repose en majeure partie sur les épaules
de Myers où les mouvements de ce dernier semblent suivre la cadence
d’un métronome réglé au quart de tours, agençant
une accalmie des plus inhabituelle à une furie malsaine et inexpliquée.
Le but ici n’est donc pas de faire sursauter à outrance
le spectateur, mais bien de le plonger dans un suspense constant face
à la suite des évènements, ce que réussit
à faire le réalisateur avec un contrôle étonnant.
Celui-ci affiche tout aussi bien ses talents dans la direction d’acteurs
en exploitant le naturel de la mise en situation afin de ne pas donner
dans la caricature ordinaire des personnages en détresse de ce
genre d’efforts, initiative qui fait à juste titre ressortir
le talent d'une distribution fort convaincante.
D’entrée de jeu, l’opus de Carpenter vient se situer
entre deux tendances, voire deux époques, comme c’est souvent
le cas pour bon nombre de mouvements artistiques au tournant d’une
décennie. Au départ, il affiche un désir de témoigner
ses respects envers les artisans qui ont fait progresser le genre avant
lui en réutilisant efficacement certaines formules antérieures
d’usage, notamment par le biais du mémorable support musical,
tout en cherchant à les faire avancer et à y installer
sa propre vision des choses. Si le récit s’articule en
premier lieu dans les veines du film policier par l’entremise
du personnage du Dr. Loomis, dont il se sert également pour élaborer
l’état d’esprit incohérent de cet être
demeuré muet qui a attendu patiemment le moment le plus opportun
pour se manifester de nouveau, il utilise un tournant assez inusité
en nous dévoilant dès les premières minutes l’identité
de cette menace. De cette manière, le film ne progresse plus
parallèlement à une intrigue à la recherche d’un
tueur, mais plutôt par une quête sournoise, et diablement
bien articulée au développement du personnage de Michael
Myers, cherchant à découvrir le motif entourant ses actes.
La signature de Carpenter et de son acolyte Debra Hill vient s’acharner
par la suite sur une direction sociale. D’une part, la psychologie
de Myers semble le placer étrangement au bout des ficelles du
diable. Mais à bien des égards, ces cordes pourraient
tout aussi bien être manipulées de la main de Dieu dans
sa définition américaine. En ce sens, Halloween
a fortement contribué à l’instauration d’un
code propre au déroulement meurtrier de la plupart des slashers
qui suivront, commandements d’ailleurs mentionnés dans
l’étonnante satire du genre Scream de Wes Craven.
La plupart de ces nouvelles entrées dans le genre furent malencontreusement
menées par le caractère du plus flagrant des bouffons
que fut Jason Voorhees dont son évidente stupidité n’avait
d’égale que son dévouement à l’émission
de pamphlets de mises en garde morales où il ira même jusque
dans l’espace pour conformer une jeunesse décadente aux
valeurs antérieures en punissant ces adolescents «irresponsables»
s'étant aventurés dans le tabagisme, l’alcool, la
drogue et la sexualité.
Il s’agit bien évidemment d’une série de principes
qu’Halloween suit à la lettre. Par contre, le
film de John Carpenter possède le mérite de ne pas être
l’excuse d’une histoire abrutie où un groupe d'adolescents
ne cherchant qu’à faire la fête se fera massacrer
en ne laissant en vie que la jeune fille coincée connaissant
la bible par cœur puisque dans le cas présent, cet avertissement
ne constitue pas la seule idée de base de l'histoire. De cette
façon, le génie derrière le personnage de Michael
Myers s’explique par l’ambigüité du rôle
qui lui est donné et dans la place qu’occupe ses actions
dans la trame du récit devant mener à son ultime but.
John Carpenter a su mettre en place une œuvre au scénario
arborant de multiples facettes et qui vient se placer au cœur de
ce que le genre sait faire de mieux. Et contrairement à la suite
des évènements, cet opus bénéficie d’une
mise en scène fort bien dirigée, se préoccupant
beaucoup plus du soin apporté à l’esthétisme
qu’au déversement de litres de sang. Un classique de l’horreur
dont le seul thème musical a de quoi à donner la chair
de poule.
Version française :
Halloween : La nuit des masques
Scénario :
John Carpenter, Debra Hill
Distribution :
Donald Pleasence, Jamie Lee Curtis, Nancy Kyes,
P.J. Soles
Durée :
91 minutes / 101 minutes (version TV)
Origine :
États-Unis
Publiée le :
31 Octobre 2004