GUNNER PALACE (2004)
Petra Epperlein
Michael Tucker
Par Jean-François Vandeuren
Nul besoin de soulever à nouveau l’impopularité
flagrante du dernier conflit irakien, duquel découla déjà
plusieurs formes de protestation, et à quoi les médias
auront porté une importance particulière sans nécessairement
avoir en tête le même objectif. La télévision
américaine en aura fait son tout dernier cirque de télé-réalité.
Le cinéma, pour sa part, en aura profiter pour appuyer le récent
gain de popularité du documentaire. À l’approche
des présidentielles américaines, les détracteurs
des politiques de George W. Bush utilisèrent massivement le genre
pour montrer l’absence de raison d’une guerre aux idéaux
toujours floues. Présentant du même coup les soldats au
front comme des bouffons barbares trop jeunes, trop pauvres, trop dépendants
du système pour juger du bon sens de leurs actions, on remarqua
de ce fait que tous les cinéastes couvrant «l’évènement»
se penchèrent sur une part de vérité qui dévoilait
rarement les deux côtés de la médaille. Eh oui,
c’était désormais la paix plus que la guerre qui
avait un urgent besoin de redorer son image aux États-Unis.
C’est dans cette mesure que le point de vue offert par Gunner
Palace parvient à se distinguer des autres films ayant couvert
de près ou de loin le cas irakien en 2004. Sans tenter de justifier
en soi ce conflit ou même de sortir de ce moule aux idées
fixes, le film de Petra Epperlein et Michael Tucker y va à tout
le moins d’une vision différente de ce qui se passe sur
le terrain, cherchant à démontrer que certains soldats
avaient vraiment l’intention d’aller y servir une noble
cause et non pas seulement assouvir leurs instincts patriotiques. Les
deux cinéastes nous présentent donc les Gunners, dont
le quartier général se situe dans l’immense palais
en ruine, quoique toujours accueillant d’une certaine manière,
du fils de Saddam Hussein, Uday. Quatre mois après la fin des
combats majeurs en sol irakien, les troupes commencent à se sentir
isolées dans un non-sens grandissant entre leur phobie des bombes
improvisées placées par les rebelles sur les routes et
camouflées dans les ordures, et les opérations en pleine
nuit qui s’avèrent la plupart du temps infructueuses et
inutilement destructrices.
L’objectif de Gunner Palace était évidemment
de renverser un peu la vapeur en prouvant que toute cette histoire n’aura
pas été qu’un maladroit, et même parfois scandaleux,
abus de pouvoir. Mais le film de Petra Epperlein et Michael Tucker a
cependant tendance à prendre les allures de ce qu’il dénonce,
reprenant l’approche du documentaire pop pour nous dire en bout
de ligne que le conflit irakien sera devenu pour l’Amérique
qu’un spectacle détournant son regard des véritables
enjeux. Aux abords d’une musique de transition donnant dans le
hip hop, le film forme d’ailleurs quelques-uns de ses moments
les plus intéressants en laissant certains soldats effectuer
un rap sur leurs expériences personnelles sur le terrain. Une
initiative pour le moins originale exploitée à répétition
qui accompagne bien le portrait d’ensemble d’une jeunesse
militaire confuse et trop facilement malléable, faisant ressortir
une certaine ironie entre la réalité selon Washington
et les confidences de ceux qui voudraient bien que la population américaine
sache de quoi il en retourne réellement.
Gunner Palace n’oublie toutefois pas le peuple irakien
dans cette situation plutôt chaotique, faisant état d’une
population qui ne s’oppose pas entièrement à la
venue des Américains, même si le film d’Epperlein
et Tucker prend fort heureusement le temps de souligner la colère
et la haine que leur présence peut susciter, s’intéressant
au cas d’une nation désormais prisonnière d’un
mode de pensée où la guerre et le contrôle politique
démesuré du passé auront à quelque part
empêché celle-ci d’imaginer son existence sans eux.
Sans être totalement objectif, le présent effort propose
néanmoins une vision différente d’une guerre se
situant à des miles des politicailleries de Wahsington, où
certains avaient réellement en tête d'y faire le bien.
Ce qui aurait pu être qu’un simple coup publicitaire en
faveur de l’intervention en Irak et du système militaire
ne franchit jamais cette barrière grâce à l’authenticité
et la sincérité de ses divers témoignages, où
plutôt que de tenter de chercher à redorer l’image
de l’armée américaine, Gunner Palace s’acharne
simplement sur le fait qu’il ne faut pas, même dans ce cas-ci,
placer tous les œufs dans le même panier. Un effort qui nous
offre donc un morceau de plus de cette réalité martelée,
mais dont il faudra savoir en prendre autant qu’en laisser.
Version française : -
Scénario : -
Distribution : -
Durée :
85 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
17 Août 2005