GUIDE DE LA PETITE VENGEANCE (2006)
Jean-François Pouliot
Par Jean-François Vandeuren
Osant défier les plus grosses productions hollywoodiennes en
pleine saison estivale, le scénariste Ken Scott (qui avait déjà
tenté le coup avec La Vie après l’amour)
et le réalisateur Jean-François Pouliot séduirent
(c’est le cas de le dire) le public québécois en
2003 avec un petit film qui devint en un rien de temps un franc succès
commercial et critique. Il faut dire que La Grande séduction
possédait tous les éléments nécessaires
à sa réussite tout en présentant de façon
modeste, mais extrêmement sincère, un scénario et
des personnages aussi authentiques que sympathiques. Le duo fit mouche
et les producteurs attendent depuis maintenant trois ans de pouvoir
lancer la campagne publicitaire d’une nouvelle collaboration entre
les deux artistes en misant sur le traditionnel « Des créateurs
de… » C’est maintenant chose faite avec ce Guide
de la petite vengeance. Scott et Pouliot répètent-ils
l’exploit de leur première association? Où se sont-ils
assis trop rapidement sur leurs lauriers?
S’il est à nouveau question d’entourloupes à
l’endroit d’un individu, les péripéties de
Scott et Pouliot alimentent cette fois-ci un récit beaucoup plus
sombre et amer. Si Guide de la petite vengeance explore sensiblement
les mêmes thèmes, les buts visés par les protagonistes
du présent effort sont à l’opposée totale
de ceux de La Grande séduction. Les manigances des habitants
de Sainte-Marie-La-Mauderne avaient pour objectif le bien de l’ensemble
d’une communauté. À présent, il n’est
question que de satisfaire les désirs vengeurs de deux personnages.
L’éloge du travail s’est pour sa part transformé
en un portrait peu flatteur d’une entreprise dont le patron, qui
semble être un proche parent de M. Burns, s’acharne à
pourrir l’existence de ses employés. Afin de mettre leur
poids dans la balance, Bernard (Marc Béland) et Robert (Michel
Muller) organisent un petit vol symbolique dans la bijouterie du sinistre
Vendôme (Gabriel Gascon). Un projet dont les retombées
psychologiques doivent normalement permettre à Bernard, le comptable
de ce dernier, de reprendre le contrôle de sa vie et de ne pas
donner au cinéma québécois un nouveau cas de père
absent, et à un fils d’attirer l’attention d’un
père qui ne l’a jamais encouragé.
Comme La Grande séduction, ce deuxième long-métrage
de Jean-François Pouliot dresse le portrait d’une situation
affectant bon nombre de travailleurs en ce début de millénaire.
Le cinéaste s’intéresse cette fois-ci à la
pression constante émanant des obligations professionnelles et
familiales avec laquelle ces derniers doivent composer. Il s’agit
d’autant plus de deux sphères avec lesquelles il peut devenir
assez difficile de jongler, nous obligeant à faire certains choix
et même à changer l’ordre de nos priorités.
Le scénario de Ken Scott cerne cet enjeu de façon quelque
peu caricaturale, voire même sur un ton bon enfant, sans en amoindrir
l’importance pour autant. Là où l’effort en
arrache toutefois est sur le plan dramatique. Bien que la réalisation
de Pouliot demeure en soi tout ce qu’il y a de plus respectable,
ce dernier ne parvient jamais à décider dans quel genre
il désire inscrire son film, finissant par situer celui-ci quelque
part entre le drame social aux accents humoristiques un peu trop prononcés
et la comédie noire dénuée de tout mordant. Un
autre élément problématique se veut le dit «
Guide de la petite vengeance » que Bernard rédige tout
au long du récit. Si l’ouvrage a son utilité en
toute fin de parcours, il n’est prétexte autrement qu’à
une utilisation malhabile de la fameuse narration en voix off, laquelle
parsème un récit pourtant fort simple de réflexions
frôlant souvent l’insignifiance pure et dure.
Le problème majeur de ce Guide de la petite vengeance
est que ses maîtres d’œuvres n’en assument tout
simplement pas la forme plus dramatique et le discours aux vertus parfois
fort discutables. Pouliot et Scott voulurent créer quelque chose
de foncièrement différent de leur première collaboration,
mais se lancèrent dans cette entreprise d’une manière
beaucoup trop prudente et naïve. Ainsi, les événements
plus sombres devant tracer à gros traits le caractère
de certains personnages se collent de peine et de misère au reste
d'un récit qui, pour sa part, semble toujours prisonnier du moule
de la comédie légère. Ce détail est également
perceptible au niveau de la prestation des différents acteurs,
lesquelles parviennent difficilement à tirer leur épingle
du jeu dans une mise en scène aussi brouillonne. Il n’y
a au final que Michel Muller et Gabriel Gascon qui se démarquent
véritablement du lot aux côtés de la toujours excellente
Pascale Bussières qui doit se débrouiller ici avec un
rôle assez limitée, et d’un Marc Béland à
qui l’on a un peu trop voulu donner un air de chien battu pour
obtenir la sympathie du public alors que le sujet du film était
déjà amplement suffisant.
Version française : -
Scénario :
Ken Scott
Distribution :
Marc Béland, Michel Muller, Gabriel Gascon,
Pascale Bussières
Durée :
104 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
25 Novembre 2006