LA GRANDE SÉDUCTION (2003)
Jean-François Pouliot
Par Louis-Jérôme Cloutier
Depuis quelque temps, le cinéma québécois semble
se porter de mieux en mieux. Certains de nos films sont exportés
et connaissent du succès ici même. Je remarque aussi que
nous avons droit à une comédie québécoise
à chaque été. Cette année, nous avons droit
à Mambo Italiano et à La Grande séduction.
J’avais très hâte de voir ce dernier film. Ken Scott
en a signé le scénario et c’est un auteur que j’apprécie
beaucoup pour son humour et la qualité de ses textes. Son précédent
film, La Vie après l’amour, était bon,
mais je peux vous assurer que son dernier le surpasse totalement.
La Grande séduction raconte l’histoire d’un
petit village perdu de la Côte-Nord. Vivant autrefois de la pêche,
les habitants survivent maintenant grâce à l’assistance
sociale. Cependant, un promoteur envisage d’y construire une usine,
mais a une condition: un médecin doit y habiter en permanence.
Les gens du village mettent donc en branle tous leurs moyens pour attirer
un médecin et le convaincre de rester dans le beau village de
Sainte-Marie la Mauderne. Ils planifient une énorme mise en scène
et un tissu de mensonges pour le séduire.
Intelligent, drôle, charmant: ce sont les principales qualités
de La Grande séduction. Je préfère de
loin ce genre d’humour à celui de Louis Saïa et cie.
Ken Scott nous réserve toujours de belles surprises, il évite
plusieurs clichés et ne tombe jamais dans la facilité.
L’humour dans le film est intelligent et il n’y a aucune
farce du genre «pipi-caca». Ça me rappelle les bonnes
comédies françaises où l’interprétation
des acteurs et les situations l’emportent sur le reste. Scott
a également pondu de bonnes répliques qui sont parfois
fort amusantes. Certaines trouvailles sont vraiment géniales
dont le fameux «Criquet» qui devient un gag dont on ne se
lasse pas. Bref, il se surpasse par rapport à son dernier film
et nous présente une histoire assez originale qui change des
habituelles comédies québécoises. Aussi, le message
véhiculé dans le film à propos de la tromperie
et des mensonges passe étonnamment bien en étant servi
avec finesse. Les éléments dramatiques sont amenés
au bon moment et nous touchent. Aussi, le scénario évite
de suivre la voie de toutes les autres comédies : celle des relations
amoureuses. On dirait que chaque comédie ne peut s’empêcher
d’insérer une idylle entre deux personnes. Est-ce vraiment
nécessaire? Personnellement, ça finit par me tomber sur
les nerfs. On y fait quand même référence dans La
Grande séduction mais avec beaucoup plus de simplicité
et de réalisme.
Engager le réalisateur des publicités de Bell me semble
avoir été une bonne décision. Le visuel du film
est très intéressant alors que l’on se retrouve
dans un bled perdu. Les paysages sont très beaux et l’ensemble
est charmant. Les acteurs nous aident d’ailleurs à être
séduits par cette comédie. Raymond Bouchard joue avec
sincérité son personnage et forme un très bon duo
avec Pierre Colin. Benoît Brière joue un peu Monsieur
B parfois, mais est très satisfaisant dans son interprétation.
Même chose pour David Boutin qui démontre bien qu’il
est maintenant un acteur plein d’assurance sur la scène
québécoise. Les adeptes de Bruno Blanchet seront heureux
de le retrouver dans un petit rôle. Chacune de ses présences
nous fait rire seulement en voyant sa mimique. Ken Scott s’insère
aussi dans un petit rôle sans grande importance, mais une séquence
risque de bien vous amuser alors que le personnage de Raymond Bouchard
lui parle de sa maison. Les présences féminines font un
bon contrepoids tout en étant bien ancrées dans l’histoire.
C’est bien la première fois que je trouve Clémence
Desrochers drôle, c’est tout dire.
La Grande séduction est donc une réussite totale.
Ce film est du calibre des meilleures comédies que nous offre
Hollywood. Je dirais que l’humour y est beaucoup plus européen.
Je m’attendais à rire un peu plus, mais disons que vous
aurez le sourire durant toute la durée du film et que certaines
séquences combleront amplement les moments moins amusants. Je
pense que le film aura droit à un bon succès vu la réaction
de la foule : les gens ont applaudi à la fin de la représentation!
C’était la première fois que j’assistais à
une telle démonstration qui se fait plus fréquemment aux
États-Unis. Le tout était amplement justifié. Ken
Scott mérite une grande main d’applaudissements ainsi que
tous les artisans de ce film. À voir au cinéma sans tarder.
Version française : -
Scénario :
Ken Scott
Distribution :
Raymond Bouchard, David Boutin, Benoît Brière,
Bruno Blanchet
Durée :
108 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
19 Juillet 2003