THE GOOD SHEPHERD (2006)
Robert De Niro
Par Frédéric Rochefort-Allie
L'hiver est définitivement la saison des Oscars, puisque c'est
durant la période des fêtes que les salles de cinéma
sont envahies par des films qui cherchent à avoir le plus de
visibilité possible. Si Robert De Niro l'acteur ne pouvait pas
espérer en récolter un de si tôt (puisqu'il enchaîne
les navets depuis quelques temps), Robert De Niro le réalisateur,
au contraire, tente bien cette fois de se tailler une place parmi les
nominations de l'an 2006. Même si il a déjà fait
ses premiers pas avec A Bronx Tale, c'est avec The Good
Shepherd qu'il a décidé d'entrer dans les ligues
majeures avec l'ambition principale d'y récolter un pactole de
prix.
Loin de l'action et de l'exotisme des Mission : Impossible
et multiples James Bond, The Good Shepherd pose un
regard réaliste et intelligent sur l'espionnage. Ici, le fusil
est troqué pour des fillières top secrètes et la
majeure partie de l'action ne se déroule pas dans la base secrète
d'un méchant mégalomane qui cherche à dominer le
monde, mais plutôt dans des conversations composées de
chuchotements et de signes subtils. On nous y raconte la vie d'Edward
Wilson (Matt Damon), l'un des premiers agents de la CIA. qui au fil
des années sera confronté à un gigantesque problème
éthique opposant ses valeurs personelles au patriotisme que requiert
son métier.
L'idée de base est excellente, la prémisse nous fait saliver
à l'idée d'un film critique qui jetterait un regard plus
introspectif sur la CIA, mais, malheureusement, la déception
vient vite nous chercher. Sous ses bonnes intentions, The Good Shepherd
se perd dans un montage trop mou et un scénario trop long, qui
fait subir au spectateur d'intolérables longueurs pour introduire
des personnages tout simplement inutiles. Ceux-ci ralentissent le déroulement
du récit sans y apporter d'impact en contre-poids. Le scénariste
Eric Roth a trop cherché à développer son protagoniste
(déjà insensible) plutôt que de simplifier son intrigue.
La complexité du scénario est telle que plusieurs personnes
dans les salles de cinéma, déçues et ennuyées
par les longueurs, se lèveront pour ne plus jamais revenir. The
Good Shepherd est un jeu de chat et de la souris qui se tient loin
du moule habituel auquel collent bon nombre de films d'espionnage. Même
si le film est signé Robert De Niro et qu'on note un retour sympathique
de Joe Pesci, Eric Roth s'est intéressé à la froideur
d'un homme qui n'existe que de par son habilité à garder
des secrets au lieu de présenter des interrogatoires ou des opérations
militaires musclées.
S'il est un prix que Robert De Niro peut toujours espérer récolter
pour son film, c'est définitivement celui de meilleure direction
photo. Il ne fait aucun doute que Robert Richardson et Robert De Niro
forment une paire incroyable dans The Good Shepherd. Peu de
films ont paru aussi éblouissants en 2006. L'éclairage
est absolument sublime et démontre un souci technique qu'on retrouve
rarement au cinéma. Il est à remarquer que De Niro s'entoure
ici d'experts; il s'agit du directeur photo de l'Aviator de
Scorsese et des deux Kill Bill! Même dans sa réalisation,
De Niro fait preuve d'un sens inné du cadrage, par ses compositions
de plans particulièrement léchées qui rapellent
vaguement la touche de Francis Ford Coppola, lequel devait d'ailleurs
réaliser le film à une certaine époque.
De Niro, acteur de profession, est aussi particulièrement habile
dans sa direction d'acteurs, exception faite d'une Angelina Jolie qui
manque sérieusement de crédibilité. Mais de Matt
Damon à William Hurt, aucun acteur célèbre n'arrive
à rivaliser avec la légion d'acteurs secondaires qui collent
tous impeccablement à leur rôle respectif, même si
ceux-ci peuvent être inutiles. Les scènes les plus intéressantes
concernent à peine Matt Damon au-delà de sa simple présence.
Mais n'enlevons rien au talent du jeune acteur, qui supporte quand même
sur ses épaules un rôle plutôt difficile. Il s'en
sort d'ailleurs plutôt bien, si ce n'est d'un mauvais casting
au niveau de celui qui incarne son fils et d'un mauvais maquillage.
Sans avoir la trempe d'un classique, The Good Shepherd est
un nouveau départ très intéressant marquant la
renaissance d'un acteur que l'on apprendra probablement plus à
connaître en tant que réalisateur dans les prochaines années
puisque, de toute façon, le De Niro d'autrefois semble mort et
enterré depuis Ronin. Bref, il s'agit d'un film plutôt
lent qui exige beaucoup de patience de la part des spectateurs, mais
qui, en bout de ligne, en vaut la chandelle.
Version française :
Le Bon berger
Scénario :
Eric Roth
Distribution :
Matt Damon, Angelina Jolie, Alec Baldwin, Billy
Crudup
Durée :
167 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
14 Janvier 2007