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GOODFELLAS (1990)
Martin Scorsese

Par Frédéric Rochefort-Allie

Le gangster a toujours été présenté d'une façon un peu caricaturale. Tant chez les vieux films noirs des années 30 que chez la méga saga du Godfather. Il projette toujours cette image du personnage inaccessible, cette figure mythologique à qui l'on jette un regard admiratif. Avec l'apparition de Martin Scorsese dans le décor, les choses étaient destinées à changer. Tout comme dans Mean Streets, Scorsese transporta le gangster au niveau de la rue, en Amérique. C'est un détail qui fait toute la différence.

Se basant sur l'histoire du véritable gangster Henry Hill (Ray Liotta), le film traverse les hauts et les bas de sa carrière criminelle dans le milieu de la pègre. Voici donc l'histoire d'un personnage issu de la classe ouvrière, qui fit son ascension au sein d'une équipe de légendes. Alors que Tommy Vercetti et Vito Corleone sont du monde de la fiction, Henry lui, est véridique.

À priori, soyez mis en garde que Martin Scorsese ne fait absolument aucune concession par rapport à la violence. Goodfellas est un film brutal qui annonce ses couleurs dès son introduction, avertissant les âmes sensibles de vite quitter cet univers ou de sérieusement bien se cramponner. Retournant en force après plus d'une décennie sans nouveau classique à se mettre sous la dent, Martin Scorsese a pris un regain d'énergie et de créativité, tel qu'il n'avait pas eu depuis Raging Bull, prouvant que son génie ne s'était pas éteint. La braise étant rallumée, Scorsese a forgé le cinéma américain des années 90 comme l'a fait Taxi Driver pour les années 70, en traçant le chemin que prendront les Quentin Tarantino, Richard Linklater, et Wes Anderson à peine un an ou deux plus tard. Scorsese reprend plusieurs procédés stylistiques du passé en les transformant d'une façon tout à fait ingénieuse et inusitée. La narration par exemple, qui généralement est preuve de paresse chez un scénariste, lie le spectateur à l'univers d'Henry par son approche plus personelle. «Un jour un gamin a accompagné ma mère jusqu'à la maison en portant ses courses. Vous savez pourquoi? Par respect.» nous dit-il. Henry ne relate pas de faits, il nous raconte son histoire, dans ses propres mots et surtout à sa propre façon, tel un témoignage.

C'est à Nicholas Pileggi, ce même qui nous a offert par la suite Casino, que l'on doit un scénario si rafraichissant. Alors que le crime semble la voie la plus amusante et valorisante au début du film, on change bien vite de perception quand le côté obscur se pointe et que la fête se termine. C'est alors qu'entre deux bains de sang, on réalise que la vie de gangster n'est pas chose facile et que Monsieur Pileggi évite à tout prix de glorifier cet univers. Mais force est d'admettre que même dans ses moments les plus durs, Goodfellas est un film amusant et extrêmement divertissant et ce, même si la violence n'est pas chose à prendre à la légère. C'est un aspect dont le scénariste et Martin Scorsese ont pris le temps de représenter correctement.

Tout juste introduit au gang Scorsese pour l'espace d'un film, Ray Liotta n'avait pas du tout la complicité avec son réalisateur que Robert De Niro ou Joe Pesci. Pour cette raison, l'acteur semble toujours un peu à part et cette impression joue largement en faveur de son personnage, incarnant l'initié à l'univers criminel. De Niro et Pesci sont pour leur part d'une forme légendaire, marquant l'histoire du cinéma une fois de plus. De toute façon, le duo que forme Scorsese et De Niro aura produit deux chefs-d'oeuvre incontestés à lui seul et plusieurs classiques. Pourquoi devrions-nous nous en surprendre? À l'inverse de Raging Bull, cette fois De Niro incarne la tête et Pesci les bras. Leurs rôles sont inversés et Pesci surprend par une rigidité à tout casser, livrant ses scènes avec tact et génie et un charisme à en donner des frissons dans le dos. Le film est composé d'une équipe de tonnerre et même les rôles secondaires, de Paul Sorvino en mafieux au moindre figurant, ont leur importance pour créer cet univers composé de sang et de gueules patibulaires.

Dans le panthéon des films de mafia, généralement Goodfellas fait partie des tops 3. C'est l'une des meilleures oeuvres de la décennie passée. Étonnamment, c'est la clique des italo-américains découverts par Roger Corman et Sam Arkoff qui aura produit les plus grands classiques de son genre, les fondateurs d'un nouveau cinéma. Le film frôle la perfection et une fois de plus, Martin Scorsese ne récolte que des éloges trop minces pour un telle preuve de génie.




Version française : Les Affranchis
Scénario : Nicholas Pileggi, Martin Scorsese
Distribution : Robert De Niro, Ray Liotta, Joe Pesci, Lorraine Bracco
Durée : 145 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 19 Juillet 2005