GODZILLA: KING OF THE MONSTERS (1956)
Ishirô Honda
Terry O. Morse
Par Frédéric Rochefort-Allie
Qu'est-ce qui est destructeur, nucléaire et qui fit sa première
apparition au Japon? Non, ce n'est pas la bombe atomique, mais bien
son fils, le terrible Godzilla. Créé en réponse
à King Kong, ce monstre nippon lance l'hypothèse
que les bombes atomiques auraient pu, dans leur pouvoir d'extermination
totale de la vie, créer une bête dont l'objectif est notre
destruction. Film de son temps, en pleine guerre froide, Godzilla
n'est pas de ce courant où des créatures robotiques se
combattent interminablement en heurtant des maquettes au passage, ou
comme son remake du même nom, une vulgaire excuse pour faire un
film d'action populaire. Non, Godzilla: King of Monsters est
avant tout une critique sociale.
À en croire sa pochette dvd, ce Godzilla de 1956 serait
«celui qui a tout commencé», mais c'est faux! Preuve
comme quoi il ne faut pas toujours se fier à ce qu'on nous dit.
En fait, si c'est le premier, c'est simplement sous la bannière
américaine car ce film n'est en fait qu'un remake de Gojira,
sorti à peine quelques années auparavant.
Déjà, au niveau du scénario, le point de vue plus
Américain empêche la critique d'approfondir comme elle
se devrait au sujet des horreurs que peuvent causer la guerre et les
bombes atomiques. Normal, qui aurait volontairement envie de s'attribuer
le mauvais rôle? On déculpabilise alors les Américains,
expliquant que ce sont des tests nucléaires qui ont causé
la naissance de ce monstre. Mais Hiroshima fait sérieusement
ombre à cette hypothèse et se lie que trop logiquement
à l'histoire pour que l'on puisse porter attention à cette
excuse. Un personnage américain est même introduit à
l'intérieur de plusieurs scènes récupérées
du Gojira original, visant cette même fin. Dans une histoire
se déroulant à Tokyo, la présence d'un Américain
et de l'anglais dérange au plus haut point. À quand des
Japonais dans King Kong? À la base, Godzilla
raconte simplement l'histoire d'un Japon terrifié par l'ampleur
du pouvoir de la légende des mers, un pays qui doit lutter contre
ce dernier pour l'exterminer. L'Américain, piètrement
interprété par Raymond Burr, n'est donc qu'un témoin
inutile. Le scénario s'en voit beaucoup moins intéressant.
Dans ses meilleurs moments, Godzilla baigne dans une ambiance
très sombre, où la destruction démontre ses effets
du point de vue humain. La créature n'attaque pas que du carton
pâte, le poids de ses actions se remarque sur le visage de ses
victimes. C'est par une idée de génie des scénaristes
que le film débute après le chaos total. Suivant un peu
les traces de King Kong, Godzilla n'est pas présenté
d'un seul coup. Une tension se construit peu à peu, où
l'on apprend l'étendue des dégâts que peut produire
le monstre. Puis finalement, cette «arme de destruction massive»
se dévoile en déchainant sa colère dans les rues
de Tokyo. Même 50 ans plus tard, sa première apparition
à encore de quoi faire peur. Ce qui est étonnant, c'est
qu'avec les moyens de l'époque, ils ont réussi à
substituer énormément d'effets spéciaux par des
alternatives peu couteuses. Les F-18 par exemple, faute de moyens, sont
des jouets soutenus par des fils. Godzilla a un charme naïf
qui plait immédiatement aux amateurs de série-B, et qui
se marie à un récit très dramatique.
S'il est vrai que King Kong des années 30 demeure l'ultime
film de monstre et que Godzilla s'est aussi vu plus engagé
politiquement dans le très contreversé Godzilla vs
King Ghidorah, sa première aventure américaine demeure
intéressante pour tout ceux qui n'ont pas les moyens de mettre
la main sur une copie de Gojira ou qui craignent le Japonais
comme la peste. En fin de compte, après plus de 50 ans d'aventures,
Godzilla n'avait besoin que d'un seul volet pour toucher son but, c'est
à dire sensibiliser les gens face au pouvoir destructeur des
bombes atomiques et aux répercutions de ces dernières.
Simplement dommage que ce fut retouché par les Américains!
Version française : Godzilla
Scénario : Ishirô Honda, Shigeru Kayama, Takeo Murata
Distribution : Raymond Burr, Akira Takarada, Momoko Kôchi,
Akihiko Hirata
Durée : 80 minutes
Origine : Japon, États-Unis
Publiée le : 23 Août 2005
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