GLENGARRY GLEN ROSS (1992)
James Foley
Par François Verreau
Vous n’avez sans doute jamais entendu parler du film Glengarry
Glen Ross n’est-ce pas? Ce film, réalisé par
James Foley, est basé sur une pièce de théâtre
écrite par David Mamet, pièce qui lui a d’ailleurs
valu un prix Pullitzer en 1984.
L’histoire, pouvant sembler banale à première vue,
est peut-être la cause du fait que le film n’ait pas connu
le succès escompté. Le film met en scène des vendeurs
de propriétés immobilières. Blake (Alec Baldwin),
le représentant de la compagnie arrive et leur explique que le
vendeur ayant fait le plus gros chiffre d’affaires à la
fin du mois remportera le premier prix : une Cadillac Eldorado, le second
: des couteaux à steak et les troisième et quatrième
seront tout simplement renvoyés. Le problème est que leurs
fiches leur permettant de cibler des clients facilement sont toutes
vieilles. Ils ne réussiront pas à vendre une seule propriété.
Après son discours, Blake remet de nouvelles fiches: les fiches
Glengarry à John Williamson (Kevin Spacey), le superviseur de
nos quatre vendeurs. La prémisse du film, très efficace,
donne le ton au reste du récit. On se délecte de voir
les différents personnages essayer de trouver des solutions qui
leurs sont propres de façon à garder leur emploi. Tout
d’abord, Dave Moss (Ed Harris) et George Aaronow (Alan Arkin)
travaillent de concert et tentent de mettre sur pied un plan pour voler
les fiches Glengarry du bureau de Williamson. De son côté,
Shelley Levine (Jack Lemmon), un vieux vendeur pathétique tente
par tous les moyens possibles de s’associer avec Williamson pour
qu’il lui donne des fiches Glengarry en échange d’un
pourcentage qu’il retirerait de la vente. Finalement, Ricky Roma
(Al Pacino), lui, est dans un café en train de discuter avec
un total inconnu (Jonathan Pryce), qui ne se retrouve sur aucune fiche,
et essaie de faire une vente.
Le lendemain matin, alors que tout le monde retourne au bureau, une
surprise les attend : il y a eu un vol et les fiches Glengarry ont été
dérobées. Qui l’a fait? Pourquoi? L’intrigue
se conclue dans la deuxième partie du film.
Mais cette intrigue, bien qu’elle soit très efficace, n’est
que secondaire dans le film. En effet, Glengarry Glen Ross
est plutôt ce qu’on pourrait appeler un «film de personnages»,
c’est-à-dire que ceux-ci prennent toute la place dans le
récit et que tout le reste n’est qu’accessoire. Dans
un tel contexte, on ne se surprend pas de voir que les acteurs font
un travail exceptionnel sur tous les plans. Jack Lemmon réussit
bien à nous faire sentir son désespoir et réussit
bien à transmettre l’image d’un vieil homme misérable,
incapable de vendre quoi que ce soit. Avec ce film, Lemmon donne probablement
la meilleure performance de toute sa carrière. Ed Harris et Alan
Arkin sont surprenants dans leur rôle et livrent, selon moi, le
meilleur dialogue que j’ai pu entendre dans un film lorsqu’ils
discutent de leur intention de commettre un vol au bureau. Les répliques
qu’ils se lancent sont cinglantes et spontanées. Harris
et son acolythe les donnent sur un ton parfait. C’est tout simplement
magnifique, surtout avec la vulgarité du dialogue, qui est le
propre de Mamet. De son côté, Pacino joue avec brio le
rôle de Roma : le vendeur connaissant du succès et qui
est fier de ce qu’il accomplit. Le personnage est joué
avec assurance et Pacino lui donne une petite touche d’arrogance
qui fait sentir sa supériorité face à ses collègues.
On est donc aucunement surpris qu’il fut nominé aux Oscars
pour meilleur acteur de soutien. Il n’a malheureusement pas gagné;
il a toutefois remporté l’Oscar du meilleur acteur cette
même année pour son rôle d’un aveugle dans
Scent of a Woman. Ses scènes avec Jonathan Pryce sont
très intéressantes, proposant un contenu philosophique
et traitant de thèmes tels l’amour, l’argent et les
priorités, ce qui ajoute beaucoup de profondeur au personnage
de Roma.
Mais la plus grande surprise du film est sans aucun doute la prestation
tout à fait inattendue d’Alec Baldwin dans le rôle
de Blake. C’est, selon moi, la seule fois qu’un des frères
Baldwin a joué un rôle digne de ce nom, avec Stephen dans
The Usual Suspects. Alec Baldwin est méconnaissable,
il joue le cadre supérieur rude et irrespectueux à merveille.
Son texte est d’ailleurs largement utilisé comme test pour
les jeunes acteurs débutants, pour qu’ils montrent ce dont
ils sont capables.
Côté réalisation, je trouve un peu déplorable
le manque de dynamisme qu’on peut ressentir. Foley a voulu faire
honneur à la mythique pièce de théâtre en
présentant le tout de la façon la plus sobre possible.
Le véritable problème est qu’on a l’impression
de voir une pièce de théâtre qui aurait été
filmée. Mis à part ce petit bémol, le montage est
efficace et l’utilisation de filtres de couleurs, surtout dans
les scènes tournées la nuit, donne un style unique à
l’esthétisme du film.
Glengarry Glen Ross est donc un film hautement recommandé
si vous voulez voir des performances d’acteurs irréprochables.
Si vous êtes mordus de cinéma, vous aurez sûrement
envie de mémoriser les lignes de Baldwin et de les livrer avec
autant de précision. Selon moi, ce film n’a pas eu l’attention
qu’il aurait dû avoir et mérite d’être
découvert.
Version française :
Glengarry Glen Ross
Scénario :
David Mamet
Distribution :
Jack Lemmon, Al Pacino, Ed Harris, Kevin Spacey
Durée :
100 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
25 Juillet 2003