G.I. JOE: THE RISE OF COBRA (2009)
Stephen Sommers
Par Jean-François Vandeuren
Suite au succès planétaire des deux premiers volets de
la série Transformers, il était plus qu’évident
que la compagnie Hasbro et les studios Paramount finiraient par unir
de nouveau leurs forces pour démarrer une nouvelle franchise
cinématographique basée sur une autre marque de jouet
populaire, et ce, pour le plus grand plaisir des petits et des grands.
Mais même s’il aurait sûrement été le
candidat idéal pour mener un tel projet à terme vu son
amour inconditionnel pour tout ce qui touche de près ou de loin
au militarisme, ce n’est pas à Michael Bay que revint la
tâche fastidieuse de transposer l’univers de G.I. Joe
au grand écran. Les grands honneurs revinrent plutôt à
Stephen Sommers, qui avait réussi à faire tourner quelques
têtes en 1999 avec un The Mummy somme toute assez efficace
avant de perdre une bonne partie de sa crédibilité suite
à l’excessif The Mummy Returns et l’insipide
Van Helsing. Il faut dire qu’à voir la façon
dont la production et la mise en marché du présent effort
se sont déroulées, la Paramount avait visiblement beaucoup
moins foi en ses soldats à la fine pointe de la technologie que
ses robots venus de l’espace. The Rise of Cobra raconte
ainsi l’histoire d’un sinistre marchand d’armes qui,
après avoir vendu une poignée de missiles révolutionnaires
à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, fera
tout en son pouvoir pour récupérer ceux-ci et mettre en
oeuvre son plan diabolique de domination mondiale. Ce dernier sera épaulé
dans son délire par un savant fou ayant quelques problèmes
de santé, une jolie baronne en costume de cuir, un ninja des
plus sadiques, et un groupe de sous-fifres prêts à obéir
à n’importe quel ordre. Il en reviendra alors aux membres
d’une division secrète de l’armée connue sous
le nom de « G.I. Joe » de renverser la vapeur et de sauver
le monde.
The Rise of Cobra, c’est une escapade de deux heures
dans la salle de jeu d’un enfant de huit ans dont les parents
sont visiblement bien nantis. Le dernier Noël du gamin semble d’ailleurs
avoir été des plus profitables, lui qui aura pu mettre
la main sur une bonne douzaine de figurines G.I. Joe en plus
de quelques vaisseaux supersoniques, d’un repère souterrain
pour vaillants soldats et d’une gigantesque forteresse sous-marine
pour vilains terroristes comme nous n’en avions pas vu depuis
la fameuse station spatiale du délirant Moonraker de
Lewis Gilbert. Celui-ci s’amuse ainsi avec ses jouets, élaborant
une histoire invraisemblable et abracadabrante à mesure que les
idées lui viennent en tête. C’est à peine
si l’on n’aperçoit pas à l’écran
les mains du jeune conquérant en train de déplacer les
Channing Tatum, Marlon Wayans, Lee Byung-hun et Sienna Miller vers le
lieu de leur prochain affrontement. Évidemment, le tout donne
au final un récit tout ce qu’il y a de plus bordélique
qui semble avoir été écrit sur le tas par trois
scénaristes qui ne se sont sans doute jamais arrêtés
pour questionner le sens des événements passés
et leur incidence sur ceux à venir. Tout devient soudainement
possible grâce à l’apport de la technologie qui permet
ici de détruire des villes entières, d’accélérer
le corps humain ou de modifier en quelques secondes l’apparence
d’un individu. Accoutrés de costumes ridicules dans un
univers filmique qui n’aurait pu être plus artificiel, il
n’est pas vraiment étonnant de voir les différents
acteurs camper leur personnage respectif avec toute la rigidité
et le charisme d’une figurine de plastique. De cette distribution
pourtant fort respectable sur papier, il ne ressort qu’un Joseph
Gordon-Levitt en futur commandant Cobra dont la gestuelle incongrue
et le regard terrifiant réussissent à faire oublier le
masque hideux que ce dernier porte pourtant en permanence sur son visage.
D’une certaine façon, nous ne pouvons aucunement reprocher
à Stephen Sommers et son équipe de ne pas avoir réussi
à s’imprégner de l’esprit du matériel
d’origine. Et il ne faut pas se leurrer non plus : aussi violent
soit-il, The Rise of Cobra demeure avant tout un film pour
enfants. Mais si un tel raisonnement peut à tout le moins expliquer
la forme que finit par prendre le projet à l’écran,
il ne saurait excuser la totalité de ses fautes techniques et
scénaristiques qui abondent ici en quantité industrielle
(c’est le cas de le dire). Il est tout aussi louable que les scénaristes
aient cherché à rajouter un peu de chair autour de l’os
en se plongeant dans le passé de leurs différents personnages.
Mais encore là, l’initiative ne se traduit que par une
série de flashbacks abominables répétant toujours
la même routine dans laquelle la caméra se rapproche de
plus en plus du visage d’un protagoniste avant de révéler
la relation qui unissait jadis deux grands rivaux. Une séquence
de demande en mariage pourrait d’ailleurs trôner un jour
au sommet d’une liste des scènes les plus surjouées
de l’histoire récente du cinéma hollywoodien. Et
pourtant, toutes ces lacunes découlent essentiellement d’un
simple problème de mise en scène. Car bien que les intentions
de Sommers soient perceptibles du début à la fin, leur
application ne fonctionne tout simplement pas dans un tel cadre cinématographique.
Ainsi, plutôt que d’adopter une esthétique un peu
plus désinvolte et « bédéesque », l’Américain
propose une facture visuelle terne et sans imagination qui tente tant
bien que mal d’ancrer un scénario saugrenue dans un registre
où il n’a tout simplement pas sa place. G.I. Joe
oscille du coup entre le dessin animé et le vulgaire film d’action
de série B, avec tout ce que cela implique en termes de bande
originale horriblement tapageuse et d’effets spéciaux complètement
dépassés.
Mais même s’il ne se prend jamais trop au sérieux,
The Rise of Cobra demeure un film bâclé qui n’obéit
à aucune logique physique ou narrative, si ce n’est celle
permise par les limites de l’imagination et du hasard. Nous ne
retrouvons ici aucun réel effort de création alors que
les artisans du présent essai ne se contente en soi que de mettre
un pied devant l’autre, proposant au final une production tout
ce qu’il y a de plus simpliste édifiée dans le seul
but de réaliser les fantasmes de batailles futuristes d’un
public pas très âgé. Nous n’avons ainsi affaire
qu’à des héros et des vilains plus grands que nature
déployant des moyens qui semblent carrément infinis pour
se taper sur la gueule à qui mieux mieux. Mais au-delà
des accusations de glorification du militarisme que plusieurs seront
certainement tentés de lui coller, il n’y a pas la moindre
trace ici d’un quelconque discours ou même d’une once
de réflexion sociopolitique sur l’état actuel de
notre planète. L’effort est d’autant plus dépourvu
de toutes traces du patriotisme crasse auquel ce genre de films nous
a depuis longtemps habitués - quelqu'un aura même eu la
brillante idée de dépouiller la franchise de son célèbre
sous-titre « A Real American Hero ». G.I. Joe
se veut ainsi un divertissement boursouflé qui ne fait aucunement
dans la dentelle et qui coupe les coins ronds à chaque fois qu’il
en a l’occasion. Mais à la défense de Stephen Sommers
et de ses acolytes, nous ne pouvons pas non plus dépeindre The
Rise of Cobra comme une production malhonnête. Car après
tout, pour ce que cela veut dire, nous devons bien admettre que G.I.
Joe remplit amplement ses promesses alors que ce à quoi
nous pouvions nous attendre est exactement ce à quoi nous avons
droit. À vous maintenant de voir s’il s’agit du genre
de cinéma qui vous intéresse vraiment…
Version française : G.I. Joe: Le réveil du Cobra
Scénario : Stuart Beattie, David Elliot, Paul Lovett
Distribution : Channing Tatum, Sienna Miller, Rachel Nichols,
Christopher Eccleston
Durée : 118 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 12 Août 2009
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