GHOST RIDER (2007)
Mark Steven Johnson
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Quelqu'un chez Marvel doit s'être fendu le crâne quelque
part entre 2003 et 2004. Le rapide déclin observé dans
la qualité des productions signées par la division cinématographique
de la célèbre maison d'édition américaine
est sans doute parmi les plus catastrophiques de l'histoire du cinéma
commercial occidental. Car, après quelques bons coups dont un
ludique premier Spider-Man signé Sam Raimi et deux volets
forts réussis des aventures des X-Men, rien ne va plus
chez le numéro un de l'industrie du comic book. Bien sûr,
l'infect Punisher de Jonathan Hensleigh donnait à la
version de 1989 mettant en vedette Dolph Lundgren des allures de chef
oeuvre du cinéma d'action populaire. Certes, la première
mouture des Fantastic Four était d'une bêtise
mortelle. D'accord, The Last Stand n'était pas en soi
un « mauvais » film mais il n'offrait dans les faits qu'une
piètre redite des enjeux dramatiques de ses prédécesseurs.
Sauf qu'il est essentiel de remettre en question l'état d'esprit
de producteurs qui, après avoir autorisé la mise en chantier
d'un spin-off du médiocre Daredevil, le tout aussi nul
Elektra, offrent au principal responsable de cet échec
rabroué par le public et la critique, le réalisateur Mark
Steven Johnson, une seconde chance. Seconde chance qui, cette fois-ci,
prend la forme d'une invitation à adapter pour le grand écran
la bande dessinée Ghost Rider - une franchise qui tire
de la patte depuis la fin des années 90. On ne peut qu'être
éblouit par le manque de jugeote d'une boîte qui, en période
de crise, décide de parier sur un cheval blessé en prenant
bien soin de le faire monter par son pire jockey. Il ne s'agit plus
de courage ou même de générosité, mais bien
de pure et simple stupidité.
Stupidité. Le mot résonne dans l'esprit du spectateur
tout au long de cette interminable aberration filmique qu'est le plus
récent navet de Mark Steven Johnson. Car Ghost Rider
semble être le fruit d'un effort acharné pour repousser
les frontières du mauvais goût; tout potentiel qu'aurait
pu avoir le personnage, interprété par un Nicolas Cage
explorant de nouveaux sommets de sa phase auto-dérisoire, est
d'emblée ruiné par une direction artistique d'un ridicule
consommé. Les costumes sont nuls: le pauvre revenant a plus souvent
qu'autrement des allures de clown rock n' roll tandis que la galerie
de démons envoyée à ses trousses semble avoir été
assemblée à partir des restes de toutes les autres productions
Marvel des sept dernières années. Les effets spéciaux,
quant à eux, sont incroyablement nuls: rarement mascarade numérique
a-t-elle semblé aussi risible, dépassée et excessive
tout à la fois dans une production lourde hollywoodienne. Mais
au-delà de ce problème d'ordre esthétique se pose
celui d'un scénario qui refuse obstinément de décoller,
où même de formuler quelques hypothèses quant à
la direction qu'il pourrait prendre tout au long de l'interminables
heure quarante sur laquelle il s'étire.
Ici, toutes les lois de la logique narrative sont bafouées aux
dépends du rythme d'un film qui ne devrait avoir que le mot «
endiablé » en tête: la mise en situation s'éternise
sans pour autant que les personnages y gagnent en substance, l'intrigue
fantastique est plus souvent qu'autrement éclipsée au
profit d'une intrigue romantique qui tombe à plat et les failles
béantes se multiplient à même un scénario
décousu lui aussi signé Mark Steven Johnson. L'homme à
tous les défauts impose de plus à son oeuvre une mise
en scène particulièrement flasque, tape-à-l'oeil
et maladroite, cumulant les effets de style ratés en s'assurant
de n'en laisser aucun échapper à sa vigilance de publiciste
glorifié. Comme bon nombre de films hollywoodiens des dernières
années, Ghost Rider a pour principal défaut de
n'être en aucun sens cinématographique; son imagerie vulgaire
est dépourvu de toute substance, de toute présence physique,
et ce ne sont pas de minces références à Easy
Rider marmonnées par un Peter Fonda tristement mal employé
qui pourront le sauver de sa vacuité virtuelle abyssale. Ghost
Rider n'offre pas même d'imaginaire à son public.
Son univers est un collage de clichés abrutis qui réduisent
l'humanité à sa plus basse expression, lui refusant toute
forme de dignité en s'interdisant toute forme d'intelligence.
Certes, le spectacle est aberrant. Mais force est d'admettre qu'il n'a
plus rien d'exceptionnel à une époque où les médias
encouragent l'individu à définir son rapport à
la réalité au gré d'une réflexion matérialiste
fondée sur une logique publicitaire. L'essence même du
personnage de Ghost Rider, ce qui le rendait attirant, est
bafouée par ce lamentable exercice de mesquinerie mercantile;
les références superficielles à ces symboles purement
américain de liberté que sont le cow-boy et le motocycliste
ne trouvent aucune résonance au coeur d'une intrigue où
le seul désir profond du principal protagoniste semble être
de fonder une famille. Au diable l'esprit de rébellion, devenu
commodité digérée dont l'ultime icône cinématographique
Peter Fonda est réduit au rang de Satan de pacotille pour les
besoins d'une bécane mal huilée, navrante série
B ayant de piètres ambitions de blockbuster sans même
déballer le savoir-faire technique actuellement associé
au genre. Il serait possible de discuter en long et en large des défauts
de Ghost Rider, en commençant par mentionner le manque
patent de charisme du Blackheart de Wes Bentley et de ses acolytes.
Mais ce serait perdre notre temps sur un film qui n'en vaut aucunement
la peine, sur un prétendu divertissement qui ne fait qu'exacerber
la médiocrité ambiante. Que se passe-t-il chez Marvel?
Où se dirige sa prestigieuse écurie de super-héros?
Chose certaine, Ghost Rider sonde en son genre de nouveaux
recoins du fond du baril.
Version française :
Ghost Rider
Scénario :
Mark Steven Johnson
Distribution :
Nicolas Cage, Eva Mendes, Peter Fonda, Wes Bentley
Durée :
114 minutes
Origine :
États-Unis, Australie
Publiée le :
19 Juin 2007