GHOST IN THE SHELL 2 : INNOCENCE (2004)
Mamoru Oshii
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Si le premier Ghost In The Shell étonnait par l'intrusion
d'une réflexion philosophique à même la trame narrative
d'un film d'action rondement mené, cette suite ambitieuse au
populaire dessin animé de 1995 aspire tout d'abord à l'introspection
et garde les explosions et le tumulte pour quelques séquences
isolées. Première animation nipponne à s'être
retrouvée dans la couse à la Palme d'Or au Festival de
Cannes, le second film de Mamoru Oshii à être tiré
du manga de Shirow Masamune porte encore une fois sur la définition
et la nature de la vie dans un univers où la robotique et les
manipulations génétiques sont au service du quotidien.
Des interrogations déjà soulevées par Isaac Asimov
et Blade Runner, deux références inébranlables
auxquelles Oshii doit une fière chandelle tant son univers, régit
par les trois lois de la robotique, s'inspire du film noir futuriste
de Ridley Scott.
Deux agents de la section 9 des services secrets japonais enquêtent
sur une série de meurtres commis par des robots conçus
spécifiquement pour accomplir des services de nature sexuelle.
La compagnie responsable ayant réglé toutes les poursuites
potentielles à l'amiable et vu le rang social élevé
des victimes, on juge que l'affaire mérite d'être clarifiée.
En fait, les ramifications de cette sordide histoire repoussent les
limites de la robotique et impliquent un crime organisé toujours
aussi puissant dont le réseau de prostitution traditionnel n'est
pas loin de cette forme perverse de perfectionnement cybernétique.
Ghost In The Shell 2: Innocence intrigue et éblouit
de façon intermittente mais n'arrive jamais à développer
son propos de façon assez satisfaisante pour justifier une certaine
prétention dont il fait preuve au niveau du ton. En accumulant
citations et références philosophiques de même que
littéraires sans faire preuve de dosage, Oshii s'embourbe dans
des dialogues parfois aussi lourds que ceux du Waking Life
de Richard Linklater. À la différence près qu'Innocence
a une histoire à faire avancer. Une histoire qui prend rapidement
le champ pour laisser presque toute la place à des échanges
flous et verbeux desquels on ne retire qu'une satisfaction momentanée
et partielle. Ceux qui reprochaient au premier film de la série
cette tendance à s'étendre en dialogues abstraits rageront
sans réserve devant cette suite trop souvent statique.
Reste un travail esthétique éblouissant, seule véritable
force constante de ce film en dents de scie. Encore une fois, les animateurs
japonais n'hésitent pas à fusionner imagerie numérique
et dessin traditionnel en une foire visuelle époustouflante dont
la précision et les détails finement ciselés révèlent
un travail de moine imposant. Il n'y a pas que les amateurs du genre
qui se pâmeront devant le spectacle orchestré par Oshii.
Visuellement, Ghost In The Shell 2 est un régal qui
amalgame le style cyber-punk traditionnel au film noir sans lésiner
sur les surprises. À ce niveau, la seconde moitié du film
demeure un véritable festin pour les yeux et déborde d'une
imagination vibrante que l'on n'oubliera pas de sitôt.
N'en demeure pas moins que de ce film lent et quelque peu pompeux, on
retiendra quelques échanges intéressants sur la flexibilité
de la frontière entre la matière inerte et le vivant mais,
surtout, ces splendides images et ces décors fastes qui repoussent
les limites de l'infographie. Mais Innocence est un film confus
dont le propos demeure mal présenté. Cette idée
d'égalité entre les formes de vie, de redéfinition
de l'existence en fonction d'une âme hypothétique devient
plus que jamais un charabia dense derrière lequel se cache une
narration mal menée. De bonnes idées et de bons débats
se cachent derrière cette surface luisante que nous propose le
réalisateur. Mais compte tenu de son discours incessant sur l'âme
que posséderaient certains robots, Ghost In The Shell 2
est un film froid et bavard dont la coquille semble inhabitée.
Voilà une machine bien étrange dont on peut difficilement
déterminer la nature réelle. Les fanatiques du premier
film, à tout le moins, y trouveront leur compte.
Version française :
Ghost in the Shell 2 : Innocence
Version originale :
Inosensu: Kôkaku kidôtai
Scénario :
Masamune Shirô, Mamoru Oshii
Distribution :
Akio Ôtsuka, Atsuko Tanaka, Kôichi
Yamadera, Tamio Ôki
Durée :
100 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
13 Septembre 2005