GHOST IN THE SHELL (1995)
Mamoru Oshiii
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Le public qui consomme avidement des films d'animations nippons est
une sorte de secte particulière, plus ou moins exclue des cercles
cinéphiles traditionnels, à laquelle tous n'adhèrent
pas. Heureusement pour ceux d'entre-nous qui n'en sommes pas membres,
certains de ces dessins animés ne demandent pas une sensibilité
particulière au spectateur afin d'être appréciés.
Ils s'affirment tout bonnement comme étant de bons films, point
à la ligne. On pense tant au Akira de Katsuhiro Otomo
qu'à la Princesse Mononoke d'Hayao Miyazaki, productions
marquantes dans leur genre respectif nonobstant leur caractère
animé. À ce club sélect s'ajoute sans l'ombre d'un
doute l'excellent Ghost in the Shell de Mamoru Oshii, adaptation
consistante d'un manga de Shirow Masamune qui s'impose comme un solide
film de science-fiction dans la plus pure tradition de Blade Runner
en plus d'être de toute évidence l'une des sources d'inspirations
majeures de la populaire trilogie des Matrix.
Ce sont les questions philosophiques qu'ose poser Oshii dans le cadre
d'un divertissement tout d'abord axé sur l'action qui surprennent
le spectateur et permettent à Ghost in the Shell de
prétendre au titre de film d'auteur. Car au-delà de cette
intrigue mêlant piratage informatique, diplomatie et robotique
se cache une réflexion sur l'individu et l'identité qui,
à défaut d'être toujours livrée subtilement,
a le mérite d'être au coeur du récit. Dans un avenir
trouble, l'intégration d'éléments cybernétiques
à des êtres humains ordinaires a permis une sorte d'évolution
artificielle de l'espèce. Si certaines greffes sont utilitaires,
d'autres plus radicales altèrent la nature même de l'homme.
Ne subsiste alors de l'hôte originel qu'un «fantôme»,
sorte d'âme qui différencie les humains modifiés
des androïdes purs et simples.
Lorsqu'un terrible criminel informatique simplement connu sous le nom
de marionnettiste commence à s'attirer l'attention de la section
9 des services secrets japonais, les membres de celle-ci découvrent
peu à peu la nature réelle de leur adversaire. Chamboulement
total de croyances établies, ce fameux marionnettiste est en
fait le premier individu purement virtuel, donc conçu de cellules
binaires dans le perpétuel flot d'informations du cyber espace.
La vie artificielle vient d'entrer dans la chaine de l'évolution.
Expérience visuelle relevée, le film de Mamoru Oshii intègre
habilement des images de synthèse à ses fondations réalisées
par l'entremise de méthodes d'animation traditionnelles. Il en
résulte une symbiose solide entre modernité et classicisme
qui vient consciemment ou non appuyer le propos du film au niveau stylistique.
En dehors de ces considérations intellectuelles, ce que livre
ici le réalisateur avec son Ghost in the Shell est une
solide production d'action aussi rythmée et explosive que ses
contreparties «organiques» produites en Amérique
comme ailleurs.
Bien sûr, Mamoru Oshii n'arrive pas à intégrer tous
les détails de la bande dessinée originale à son
film. Il en résulte certes un amoindrissement du contenu par
rapport au spectre ambitieux du scénario original. Ghost
in the Shell perd au jeu de l'adaptation une partie de sa connotation
religieuse et prophétique. Mais en moins d'une heure et demie,
le réalisateur réussit à traduire l'essentiel de
l'oeuvre originale au grand écran, à la condenser en un
film de science-fiction intelligent et dynamique qui vise un public
alerte. Remarquable pierre d'assise de l'animé japonais, Ghost
in the Shell s'impose comme l'une des meilleures productions en
son genre et, même, comme l'un des meilleurs dessins animés
des dix dernières années.
Version française : -
Version originale :
Kokaku Kidotai
Scénario :
Kazunori Ito, Shirow Masamune
Distribution :
Atsuko Tanaka, Akio Otsuka, Tamio Oki, Iemasa Kayumi
Durée :
82 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
7 Mai 2005