GENIUS PARTY (2007)
Atsuko Fukushima
Yoji Fukuyama
Hideki Futamura
Shôji Kawamori
Shinji Kimura
Shinichirô Watanabe
Masaaki Yuasa
Par Mathieu Li-Goyette
Un cyborg à forme d’autruche anciennement humain à
la recherche d’un coeur enfoui à l’intérieur
de crânes abandonnés dans les steppes d’un nouvel
Éden de créativité. Création au royaume
des créateurs, le court-métrage d’ouverture d’Atsuko
Fukushima annonce en trombe le grand spectacle de l’imaginaire
qui va suivre. Avec comme grandes lignes directrices les sources ainsi
que les applications de la créativité, le collectif de
Studio 4°C offre une brochette de petits trésors conçus
par des artistes de renom de l’animation japonaise. Amalgame unique
qui jouit d’une cohésion certaine de part en part des différents
styles mis à l’épreuve. Dans un voyage au creux
de l’inconscient, chaque artiste propose à sa manière
de nous faire réaliser à quel point l’apellation
de Genius Party n’était pas faussement superlative.
À commencer donc par ce thème récurrent de l’importance
de la création, l’introduction semble définir cette
dernière dans cet immense spectre verdâtre s’éjectant
soudainement d’un crâne abandonné du désert.
Représentation de l’imaginaire jaillissant du néant
dans un univers parallèle, le filon de la folie des cinéastes
se poursuit rapidement à travers le « Shanghai Dragon
» de Shoji Kawamori, deuxième animation en tête de
liste. Ici, pas d’univers mutant, mais plutôt le quotidien
exténuant d’un jeune garçon de cinq ans à
la morve au nez tenant le rôle de souffre-douleur auprès
des écoliers. Dans son cas, la découverte d’un crayon
en cristal tombé du ciel dans l’arrière-cour de
son école élémentaire lui permettra d’animer
à sa guise ses dessins enfantins. Repéré ensuite
par un ennemi interstellaire, inconnu et robotique, le jeune garçon
se doit de dessiner pour sauver le monde de la destruction. Si la suite
s’annonce inévitablement comme une montagne russe chez
les créateurs rassemblés de Genius Party, l’extravagance
restera le mot d’ordre pour épater les amateurs du genre
; sorte de porte de sortie aux manques épisodiques d’harmonie.
« Deathic 4 » de Kimura, par exemple, rencontre
le monde gothique de Tim Burton pour l’y battre sur son propre
terrain tandis que les deux suivants s’installent parmi l’animation,
soit la plus traditionelle (« Doorbell » de Fukuyama),
soit la plus éclatée et expérimentale («
Limit Cycle » de Futamura). D’ailleurs, en les
mettant côte-à-côte, le contraste des genres nous
éclaircit sur le fait primordial que les deux se contentent pratiquement
de la même réflexion. Retombé à plat avec
les ténèbres de « Deathic 4 », la
mort de l’imaginaire s’empare des deux épisodes suivants
retraçant le parcours d’un questionnement sur l’identité
propre et sa crédibilité dans l’apparence. C'est
donc «Limit Cycle» (court-métrage de loin
le moins intéressant) qui propose un questionnement assomant
sur la relation spirituelle de l’homme et sa perte d’identité
auprès de son créateur infini: Dieu. Mort puis réflexion,
cette dernière dans un cinquième court-métrage,
réfléchit les préoccupations identitaires et cosmiques
d’un homme-machine du future (notre future) pour qui la renaissance
suivante arrive comme un don du ciel après la logique métaphysique
dangereusement longue du précédent.
Avant-dernier voyage, « Happy Machine » de Masaaki
Yuasa raconte la venue au monde d’un enfant qui voit ses parents
devenir écrans de télévision. Abandonné,
il part à l’aventure dans une trop courte fable de l’enfance
rappelant l’émerveillement des premiers instants du Petit
Prince de Saint-Exupéry. À chevaucher un énorme
mille-pattes carburant aux papillons, le petit bébé apprend
à voler puis retrouve sa maison mécanique. Lieu de paix
où il pourra retrouver le sommeil – bordé par un
Père Noël cybernétique – « Happy
Machine » aligne un à un les symboles de l’évolution
de nos premières années de vie. Phénix du collectif,
il ouvre après coup la porte au brillant «Baby Blue»
qui lui, clôt magistralement Genius Party après
avoir trouvé la meilleure solution possible à l’atteinte
d’un imaginaire absolu. En bout de ligne, la clôture de
la fête des génies se signe par le périple d’un
étudiant et d’une de ses amies d’enfance à
la recherche d’une liberté éphémère.
Décider de partir le plus loin possible. Décider de ne
plus penser au lendemain. Le jeune adolescent fuit sa condition qui
l’obligera bientôt à déménager loin
du cœur de sa bien-aimée. Après avoir voyagé
jusqu’au sud du pays où il ne peut aller plus loin et affronter
la mer, « Baby Blue » procure un désir d’évasion
et une peur de la nostalgie qui devient vite contagieuse.
Définitifs de la culture japonaise, le collectif de Studio 4°C
est principalement intéressant dans sa diversité. Jamais
extraordinaire sauf pour deux ou trois épisodes, l’ensemble
fournit cependant un bon échantillon des inspirations/aspirations
de l’anime contemporain en général. Probablement
uniquement une démonstration des capacités créatrices
des animateurs, l'assemblage s’essouffle graduellement suite aux
courts-métrages pivots trop prétentieux pour ce qu’ils
tentent d’exprimer réellement. Objets de passe-temps garanti
lorsqu'on exclut leurs lacunes respectives, ils procurent facilement
quelques instants d’épanouissement et d’esthétisme
qui plairont autant aux novices qu’aux vétérans
de l’animation japonaise. Création en superposition avec
l’existence, les artères qui unissent finalement la diversité
de Genius Party se veulent un hommage à cette capacité
si singulière à l’espèce humaine de voir
à travers le monde un autre monde. Un monde où rêves
et cauchemars s’écorchent à la conquête du
phantasme.
Version française : -
Scénario : Yoji Fukuyama, Hideki Futamura, Shôji
Kawamori, Mitsuyoshi Takasu
Distribution : Tomoko Kaneda, Rinko Kikuchi, Lu Ningjuan, Taro
Yabe
Durée : 85 minutes
Origine : Japon
Publiée le : 11 Juillet 2008
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