GAZ BAR BLUES (2003)
Louis Bélanger
Par Chamsi Dib
Ayant d’abord co-réalisé et co-scénarisé
plusieurs courts métrages, Louis Bélanger parvient, avec
ce deuxième long métrage, à nous faire rentrer
et vibrer dans le microcosme qu’est Gaz Bar Blues.
Se déroulant en 1989 dans la ville de Québec, François
Brochu, un père veuf ayant la maladie de Parkinson, tente de
garder ses fils avec lui par l’intermédiaire du travail
au gaz bar. Entremêlée des désirs des fils, l’intrigue
réside dans l’amour du père pour ses enfants. Ce
dernier, surnommé le boss, gère le petit gaz bar Champlain
du mieux qu’il peut, bien que plusieurs holdups aient lieu à
répétition dans le quartier défavorisé.
À travers ces personnages, on en retrouve d’autres qui
forment la famille élargie des Brochu. Ce sont les habitués
du coin qui viennent flâner entre amis dans ce lieu rassembleur.
Les personnages sont pour la plupart des hommes ayant un âge différent,
ce qui permet une certaine transmission entre eux. Ils apportent tous
un petit quelque chose à autrui. Plusieurs manifestent le fait
que le film soit un monde purement masculin. Certes, les hommes sont
moins directs avec leurs sentiments. Par exemple, François dit
rapidement à un de ses fils qu’il l’aime, mais il
a le dos tourné. Cependant, il n’en demeure pas moins que
le film est étrangement féminin, avec l’amour quasi
maternel du père, de l’amitié et du respect entre
les habitués du coin, des pleurs en secret de François,
de la vulnérabilité de tous et de la douceur en général
qui s’en dégage. Pour être plus précis, ces
valeurs sont universelles et c’est pourquoi le film n’apparaît
pas comme un monde exclusivement masculin et viril mais plutôt
humain et authentique.
Pour ce qui est de la forme, elle est très discrète. La
narrativité, le montage son et image coulent; on ne voit presque
aucun jeu formel ou brisure pouvant déstabiliser le spectateur
pour provoquer une idée ou un sentiment. Cependant, deux petits
exemples échappent à ceci. Au début du film, François
se présente par la voix hors champ. On parlait d’un contact
direct plus haut, c’est le premier contact avec le spectateur
qui se fait via cette voix. L’autre exemple se situe à
la moitié du film quand Réjean est à Berlin. Une
suite de photographies en noir et blanc défilent avec le son
du paysage sonore des rues de Berlin (hommes marchant et discutant avec
le bruit des pickhours) et ensuite se rajoute, en voix hors
champ, le récit de la lettre qu’il écrit à
son père. C’est très esthétique et cela vient
se coller à la réalité du personnage. C’est
pourquoi le montage du film est transparent, car il se concentre sur
l’histoire des personnages et le fond ne fait qu’appuyer
le contenu. Il le soutient sans prendre sa place.
Par ailleurs, les dialogues sont précis et rythmés et
c’est pour cette raison que le film est aussi une comédie.
Il y a toujours un élément du dialogue ou de la mise en
scène qui nous fait décrocher du drame. Un dernier exemple:
lorsque le personnage de François rencontre le drame. On ressent
une tristesse pour lui et M. Savard prend le cendrier en guise de souvenir
de l’endroit. Cet objet, pas trop ravissant, est celui que François
avait fait lors d’exercices de motricité pour son Parkinson.
C’est un petit détail qui vient rendre la scène
moins tragique et qui se rapproche peut-être plus de la réalité.
Le film se conclut par la perte de point de repère de la part
des personnages. C’est la chute d’un idéal, comme
le mur de Berlin. La fin d’un temps et le début d’un
autre. Et c’est aussi là où le mot blues prend toute
sa signification. Cette musique accompagne toujours l’image et
les actions, elle brode les émotions véhiculées.
Puis, l’aboutissement nous fait sentir une certaine nostalgie
et ceci est la racine du blues. Pourtant, cela ouvre la porte vers une
nouvelle ère. Louis Bélanger a de la suite dans les idées.
C’est pourquoi le film se termine avec la scène initiale
de la projection, tel un leitmotiv symbolisant l’affaissement
d’un temps permettant la reconstruction d’un autre idéal.
Gaz Bar Blues, le Magnifique!
Version française : -
Scénario :
Louis Bélanger
Distribution :
Réal Bossé, Serge Thériault,
Claude Legault, Sébastien Delorme
Durée :
115 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
23 Novembre 2003