GARDEN STATE (2004)
Zach Braff
Par Frédéric Rochefort-Allie
Sundance est un de ces festivals qui, d'années en années,
est rapidement devenu ce que sont les majors américains
de la production pour les blockbusters, pratiquement la seule voie de
passage pour le cinéma indépendant américain. Les
découvertes qui y sont faites sont souvent un témoignage
de l'importance qu'on y accorde. Les quelques noms tels Aronofsky, Kevin
Smith ou Tarantino sont eux-mêmes le fruit des trouvailles de
ce festival. Cette année, c'est au tour à Zach Braff.
Garden State, c'est lui.
Son film raconte l'histoire d'un jeune homme (Zach Braff) qui doit retourner
dans sa ville natale suite au décès de sa mère.
S'en suivra une quête dont le sens prendra tranquillement forme.
Qu'on le veuille ou non, Zach Braff s'approprie ce film du début
à la fin. Il est à la fois scénariste, réalisateur,
acteur et producteur (d'une certaine forme). Un surprenant début
dans le métier car sa marque se retrouve sur l'ensemble de son
oeuvre, ce que peu peuvent se permettre. À commencer par un scénario,
dont la liberté du cinéaste transparait, car Braff insiste
dès le départ pour se séparer des conventions structurelles
scénaristiques. Il est pratiquement impossible de deviner précisément
où se dirige véritablement le cours du récit. Ce
détachement, qui fait preuve d'une certaine audace chez ce jeune
omni-cinéaste, s'amuse à entrainer les cinéphiles
dans un univers imprévisible au profit d'une histoire qui, au
delà des apparences, devient ce qu'elle évite d'être
à tout prix, cliché. Braff, qui en est quand même
à ses débuts, peut être excusé d'avoir puisé
chez certaines banalités associés aux comédies
romantiques pour étoffer son intrigue. Le cinéaste y trouve
quand même son lot d'originalité par le traitement des
dialogues, tous les plus inusités les uns que les autres et par
son habile développement des personnages. Sans eux, cette fable
existentialiste ne serait jamais venu chercher l'attention de cette
masse de jeunes.
Le regard du jeune cinéaste explique aussi la fascination que
lui porte la nouvelle génération. Bien de son temps, Zach
Braff a tout d'un cinéaste in. Bien qu'il s'agisse seulement
d'une première oeuvre, cet essai rappelle un peu les cinéastes
Richard Linklater, Wes Anderson et surtout Mike Nichols, qui ont tous
un peu marqué le cinéma à leur façon. C'est
un début de bonne augure! Portant un peu la signature Sundance,
la réalisation de Braff est fortement influencée du dynamisme
et de l'esthétique des clips MTV. Même la trame sonore,
assemblée par Zach Braff lui-même, reflète bien
cet aspect, puisant du Coldplay, du Frou Frou, et autres groupes qui
passent habituellement sur les radios étudiantes. Le résultat:
un film qui brille par son énergie sympathique contagieuse.
Omniprésent, Zach Braff est surtout devant la caméra où,
un peu à la Orson Welles, il a décidé d'être
la star de son propre film. À défaut d'être un grand
acteur, son interprétation est intrigante et cocasse et crée
un peu le ton qu'il cherche, cette fois comme réalisateur. Mais
Zach Braff sait surtout aussi s'entourer d'acteurs talentueux et les
diriger. Peter Sarsgaard par exemple, qui est pourtant souvent un acteur
dans l'ombre, y trouve un rôle à sa mesure où, malgré
le fait de toujours jouer des loques, il arrive à se présenter
sous un nouveau jour. Ian Holm, que plusieurs identifient plus spécifiquement
à Bilbo le hobbit, y fait une belle, quoique brève, apparition
en tant que père distant qui tente de renouer avec son fils.
Mais notre regard ne peut qu'être porté sur le jeu remarquable
de Natalie Portman qui dégage un charme et un charisme indéniable
en tant que menteuse compulsive. Bien loin de ses interprétation
glaciales des deux derniers Star Wars, il fait bien de retrouver
cette actrice depuis longtemps perdue dans une série de navets.
Sa complicité avec l'acteur est crédible et le contraste
entre le jeux des deux acteurs est d'autant plus amusant que le scénario
lui-même.
Au bout du compte, Garden State est l'une des belles surprises
de 2004. Avec sa trame sonore du tonnerre, sa distribution pratiquement
impeccable et surtout son énergie qu'il dégage, il est
dur de ne pas tomber sous le charme du premier film de Zach Braff. Malgré
ses quelques imperfections, le film nous annonce la venue d'un réalisateur
à surveiller de très près. Si Zach Braff continue
sur cette lancée, il pourrait bien devenir ce que tente de devenir
son film, la voix d'une génération.
Version française :
Garden State
Scénario :
Zach Braff
Distribution :
Zach Braff, Natalie Portman, Peter Sarsgaard, Ian
Holm
Durée :
109 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
25 Janvier 2005