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FUNKY FOREST : THE FIRST CONTACT (2005)
Katsuhito Ishii
Hajime Ishimine
Shunichiro Miki

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Asseyez-vous confortablement dans votre chambre d'hôtel et saisissez la télécommande. Dérivez durant deux heures et demie d'un poste à l'autre en évitant soigneusement tout bulletin de nouvelles, tout contact quel qu'il soit avec la réalité. Ne consommez que couleurs et dynamisme. Les images étranges et incohérentes forment une masse brute assommante. Vous êtes au Japon ; l'éclatement de cette bouillabaisse visuelle est donc d'emblée décuplé. Mais l'expérience n'est en rien enrichissante. L'absence d'un fil conducteur est autrement plus tangible puisque nous sommes privés des référents culturels nécessaires au décodage de ce casse-tête. Qui plus est, les morceaux n'ont jamais été conçus pour s'emboîter les uns dans les autres.

Funky Forest impose par son déroulement sans queue ni tête une sensation similaire. On peut difficilement parler d'un film lorsque l'on traite de ce projet commun de Katsuhito Ishii, Hajime Ishimine et Shinchiro Miki : le produit final est plus proche du festival publicitaire déjanté que du cinéma expérimental à proprement parler, car l'essence même de cet ensemble plutôt confus descend du petit écran plutôt que du septième art. Dans ce Funky Forest où l'humour est nécessairement absurde et la forme toujours triomphante, nos sens sont bombardés, mais notre cerveau délaissé. La télévision y triomphe sur le cinéma, comme c'est le cas dans le monde réel, au plus grand désespoir des cinéphiles que ce spectacle douteux laissera probablement de glace.

Certes, un tel film à sketches ne peut pas être raté du début à la fin et Funky Forest ne fait pas exception à la règle, affichant quelques moments franchement inspirés au sein des décombres fumants de ce bordel inégal. Règle générale, ces instants de grâce s'élèvent du tumulte ambiant lorsque l'avalanche d'humour absurde et de gags faciles cesse l'instant d'un songe halluciné ou d'un fragment de sentiment isolé. Car malgré toutes les gesticulations et l'excès qu'il met de l'avant, ce fourre-tout a toutes la misère du monde à afficher une personnalité qui lui soit propre. Funky Forest ne trouve son humanité que par éclairs épars. Cette débauche d'idées finit par sombrer dans l'anonymat, ses segments interchangeables et sa construction arbitraire lui donnant des allures de défilé de mode.

Branché presque à outrance, Funky Forest s'avère malheureusement d'une vacuité abyssale une fois sa carapace superficielle effritée. Le film d'Ishii, Ishimine et Miki est victime de ses abus tendancieux. Il embrasse certes le dynamisme éblouissant de la culture pop nippone, mais n'arrive jamais à prendre ses distances par rapport à l'univers étourdissant dont il est le produit. Ce First Contact n'est pas un commentaire sur la domination de la publicité et de la télévision sur le monde de l'image : c'est l'invasion de cette esthétique dans les sphères d'influences du cinéma. Funky Forest est symptomatique de cette dictature du commerce sur l'image et le son.

Spectacle en apparence léger et inconséquent, Funky Forest nous plonge en réalité dans un univers où la frontière entre les impératifs mercantiles et les aspirations artistiques est complètement brouillée. Y a-t-il une âme dans la machine? Deux séquences de rêves inventives, généreuses, drôles et étranges nous donnent l'impression qu'il bat sous la surface lustrée de ce gigantesque vidéoclip un authentique coeur humain. Le film se permet dans un premier temps d'orchestrer une illustration complètement délirante des jeux tordus de l'amour pour ensuite célébrer avec une chaleur organique et luxuriante le plaisir que peut procurer la musique. Mais, entre-temps, nous devons endurer toutes sortes de vignettes comiques très moyennes et dignes d'une sitcom bien ordinaire...

Ainsi, cet énorme cirque se voulant imaginatif et différent en vient à nous proposer exactement ce à quoi nous aspirons à échapper lorsque nous nous réfugions dans les salles de cinéma : un monde de saturation sensorielle perpétuelle où les images vides, conçues pour accrocher l'esprit rapidement et superficiellement, s'entrechoquent à un rythme effarant. Funky Forest est une autre tornade de sottises que certains embrasseront, momentanément, pour son exotisme apparent. Mais au-delà de ses couleurs flamboyantes et de son illustration iconoclaste, ce film n'est qu'un autre rêve bruyant de publiciste vacant. On pourra sans doute s'inspirer de son absurdité délurée pour trouver de nouvelles façons de vendre des bidules inutiles à des consommateurs endettés, mais tout cela n'a rien à voir avec le cinéma qui, lui, a d'autres chats plus pertinents à fouetter.




Version française : -
Version originale : Naisu no mori: The First Contact
Scénario : Katsuhito Ishii, Hajime Ishimine, Shunichiro Miki
Distribution : Andrew Alfieri, Hideaki Anno, Moyoco Anno, Tadanobu Asano
Durée : 150 minutes
Origine : Japon

Publiée le : 19 Juillet 2006