FREE ZONE (2005)
Amos Gitai
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Peut-on trop souvent parler du conflit israélo-palestinien? Est-il
utile de revenir une fois encore sur cette histoire qui dure depuis
des lustres sans qu'une vraie solution ne s'élève au dessus
de la mêlée? Le nouveau film d'Amos Gitaï, fort probablement
le réalisateur israélien ayant obtenu le plus de succès
sur la scène internationale, a-t-il quelque chose de neuf à
nous dire sur cet enfer où règne la zizanie et l'incompréhension?
Puisqu'il se conclut en queue de poisson sur une interminable engueulade
dont la question a perdu toute pertinence, on est en droit de se dire
que Free Zone n'a pas sa raison d'être. Pourtant, le
plus récent film d'Amos Gitaï offre des ébauches
d'idées intéressantes qui, si elles avaient été
mieux exploitées, auraient sans doute pu aboutir sur un film
plus intéressant que celui un peu tiède auquel nous avons
affaire.
Hanna (Hana Laszlo) et Moshe (Uri Klauzner) ont le gagne-pain le plus
cynique qui soit: ils vendent des véhicules blindés à
un marchand Palestinien qui les refile par la suite à la Jordanie.
Partant de ce qu'on pourrait qualifier de fait divers géopolitique,
soit l'existence d'une zone de libre-échange au coeur du Moyen-Orient
où se transigent entre ennemis jurés argent et automobiles,
Free Zone se transforme bien vite en une autre de ces fables
humanistes sur la tolérance et la communication que le réalisateur
israélien a adopté comme marque de commerce. C'est ainsi
que sous la forme du voyage initiatique d'une jeune Américaine
(Natalie Portman), Free Zone nous fait traverser douanes après
douanes avant de nous plonger dans un désert de bitume et de
moteurs. Le tout pour aboutir sur un autre bel exemple d'opportunisme
capitaliste amoral dont les acteurs ne sont pourtant pas des individus
mal intentionnés et foncièrement mauvais.
Mais après une très belle introduction d'abord avare de
plans et économe de moyens qui se métamorphose progressivement
en complexe enchevêtrement de superpositions et de transparences,
le film perd son rythme ainsi que le fil de ses idées en se concentrant
sur des personnages qu'il n'arrive jamais à cerner vraiment.
Le périple prometteur commence sérieusement à pencher
du côté de la visite touristique restrictive et lorsque
nous arrivons finalement à cette fameuse zone libre, notre intérêt
est au mieux ténu. Même les beaux yeux de Natalie Portman
ne peuvent soutenir notre attention indéfiniment. Il faut dire
que cette Rebecca qu'elle interprète demeure nébuleuse
et mince comme une feuille de papier, lançant ici et là
quelques répliques vides censées illustrer son désarroi
existentiel profond. Dommage que ce trio d'actrices exceptionnelles
qui sert de point d'ancrage n'ait pas de film à soutenir.
Car si les personnages sont au fur et à mesure qu'avance le film
de moins en moins engageants, le scénario ou plutôt, disons
les choses telles qu'elles sont, le peu de scénario souffre du
même genre d'essoufflement. Sur la base d'une prémisse
intéressante, Gitaï n'a édifié qu'un amoncellement
d'images sans substance réelle qui semble affirmer que c'est
en changeant des pneus ensembles que Palestiniens et Israéliens
arriveront enfin à faire la paix.
Certes, nous avons encore besoin de disséquer cette terrible
défaillance de l'humanité qu'est l'insensible chicane
entre ces deux nations voisines. Mais nous avons besoin pour ce faire
de films éloquents et articulés, capables de dépasser
la simple morale à deux sous. Le trop gentil Free Zone
n'est jamais de ce calibre. Il reste bien quelques scènes intéressantes
à glaner à gauche et droite ainsi que cette efficace mise
en situation promettant un propos riche et nuancé qui ne se matérialise
malheureusement jamais. Mais rien, au-delà de ce spectre d'un
film meilleur, ne justifie l'existence de ce nouveau film d'Amos Gitaï.
Version française : -
Scénario : Amos Gitai, Marie-Jose Sanselme
Distribution : Natalie Portman, Hana Laszlo, Hiam Abbass, Carmen
Maura
Durée : 90 minutes
Origine : Israël, Belgique, France, Espagne
Publiée le : 19 Octobre 2005
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