FOLLOWING (1998)
Christopher Nolan
Par Louis-Jérôme Cloutier
Christopher Nolan a eu droit à la consécration grâce
à Memento qui fut l’un des films les plus ingénieux
depuis fort longtemps. Cependant, en regardant le travail fait sur son
film antérieur (Following), on ne pouvait que conclure
à un avenir doré pour ce jeune réalisateur. Tourné
sans grands moyens et avec d’illustres inconnus, Following
est un exercice de style et d’ingéniosité qui nous
rappelle le deuxième opus du réalisateur tout en ayant
un cachet bien particulier. L’histoire commence par une narration
du personnage principal expliquant ce qu’est le « following
». Étant un auteur en manque d’inspiration, il se
met à suivre au hasard des gens pour voir où ils vont.
Un jour, il suit de trop près un homme, brisant ses propres règles,
et commence alors le début de ses problèmes.
Tourné en noir et blanc, utilisant fréquemment un montage
qui retourne sans cesse de l’avant vers l’arrière,
Following prouve hors de tout doute que faire un bon film nécessite
surtout de l’imagination et du talent plutôt que des moyens
financiers imposants. Déstabiliser le spectateur est une activité
que Nolan aime pratiquer. Plusieurs séquences nous sont incompréhensibles
du fait que l’on n’a pas encore vu et compris ce qui a mené
le personnage dans cette situation. À ce niveau, le montage est
diablement efficace tout comme la structure du film qui est à
rebrousse-poil des conventions. En revenant aux personnages, la comparaison
avec Memento est encore plus évidente. D’un côté,
les relations entre les protagonistes sont presque semblables tout comme
les enjeux à savoir qui dit vrai et qui ment. Rien n'est prévisible.
Nolan cache son jeu avec brio jusqu’à la toute fin. Certains
éléments que l’on penserait anodins prennent une
importance capitale dans les moments clés de l’intrigue.
C’est ce qui constitue les moments les plus savoureux du film.
Du même coup, on veut revoir avec en-tête les aboutissements.
David Julyan exprime avec justesse l’ambiance mystérieuse
du récit tout en amenant une touche d’amertume par sa musique.
Le noir et blanc se justifie de lui-même à travers ce climat.
Simple histoire racontée différemment ou excellent essai
cinématographique? Comme dans le cas de Memento, certains
auront tendance à choisir la première option alors que
la seconde est bien plus proche de la réalité. Tout comme
un casse-tête, Following doit être reconstitué
dans notre esprit et une écoute attentive est plus que nécessaire.
La déstabilisation sera inévitable pour ceux ne saisissant
pas les moindres morceaux d’informations et devant se contenter
d’un film incomplet à leur esprit. Habitués de Memento,
les plus attentifs se délecteront avidement des moindres dialogues
tout comme des théories parfois « tylerdienne » du
personnage de Cobb. Il est à noter que le film traite aussi d’un
deuxième niveau : celui du voyeurisme et de la vie privée.
Voir les personnages découvrir l’univers et l’intimité
des autres est présenté comme un plaisir malsain, mais
on ne peut qu’approuver les grandes idées qui y sont développées
à propos de l’homme, surtout à l’heure de
la société individualiste. Dommage tout de même
qu’à la surface, l’histoire puisse paraître
conventionnelle si on exclut la façon dont elle est racontée.
Aussi, la performance de l’actrice principale n’est pas
des plus subtiles et elle laisse malheureusement parraître très
clairement qu’elle est une amatrice, contrairement au reste de
la distribution qui est parfaite.
Tout de même, Following a tout du film culte que l’on
appréciera presque uniquement pour son cachet d’inconnu.
Il constitue un morceau essentiel à voir pour apprécier
et comprendre la démarche de Nolan bien que l’ensemble
n’atteigne pas la perfection de Memento. Même si
Insomnia n’a pas été à la hauteur
des productions précédentes, Nolan reste un réalisateur
prometteur ayant déjà à son actif un film qui restera
dans les mémoires et un autre qui gagne à être découvert.
Version française :
Le Suiveur
Scénario :
Christopher Nolan
Distribution :
Jeremy Theobald, Alex Haw, Lucy Russell, John Nolan
Durée :
69 minutes
Origine :
Angleterre
Publiée le :
9 Octobre 2003