THE FISHERMAN AND HIS WIFE (2005)
Doris Dörrie
Par Frédéric Rochefort-Allie
Les frères Grimm sont (une fois de plus) de retour! Nous pensions
n’avoir sous la dent cette année que l’étrange
divertissement fortement mitigé signé Miramax intitulé
par le nom des auteurs. Or, contre toute attente, ils nous reviennent
cette fois sous une autre forme, dans une modernisation du Pêcheur
et sa femme. Tandis que Brothers Grimm coupait tout lien
avec les récits et se concentrait sur la reproduction de leur
univers, le nouveau film de Doris Dörrie lui fait situation contraire,
n’étant fidèle qu’à l’idée
d’origine.
Le « pêcheur », Otto (Christian Ulmen), un vétérinaire
nomade en visite au Japon se spécialisant chez les poissons,
rencontre un jour une jeune aspirante créatrice de mode nommée
Ida (Alexandra Maria Lara), chez qui l’attraction réciproque
fait naître une relation amoureuse des plus problématique.
L’un visant une vie de bohème et l’autre la gloire
et la notoriété.
À l’origine de cette histoire, deux humains réincarnés
en poissons se demandent si un couple pouvait survivre plus de 3 ans
dans l’amour, leur réponse en est automatiquement qu’il
vaut mieux rêver! Comme le souligne plusieurs personnages tout
au long du film, le même mot qui désigne poisson en Japonais
illustre aussi l’amour. Les deux thèmes sont donc constamment
liés, jusqu’au point où la situation amoureuse du
couple trouve son reflet chez nos deux amis marins de l’introduction.
Ida et Otto vivent, à leur insu, dans une relation « bombe
à retardement », où tout risque de leur exploser
au visage. Malgré les bonnes intentions pour maintenir le couple
en vie, ils ne cessent de nourrir mutuellement cette tension qui vient
les déranger. Les personnages sont d’une grande force chez
le film de Dörie, en particulier dans les dialogues, où
la cinéaste fait preuve d’une grande originalité.
«Avec un seul baiser, on échange 40 000 bactéries
», dit un personnage en guise de déclaration d’amour.
Peu habituel tout de même!
Doris Dörie s’avère d’abord et avant tout être
une réalisatrice de grand talent, qui rappelle la nouvelle vague
de cinéastes américains par son approche dynamique. Notamment
dans sa bande sonore, réunissant Jack Johnson, Interpol, Maximo
Park et bien d’autres artistes anglophones populaires sur une
trame sonore (que s’arracheront certainement les mélomanes),
pour créer une ambiance sonore très actuelle. Mais à
défaut d’avoir le même punch visuel que les Sophia
Coppolla ou Spike Jonze, la cinéaste fait preuve d’une
grande sensibilité. Sa réalisation est très instinctive
et mise beaucoup sur les émotions. Toutes ces émotions
quasi indescriptibles, comme le coup de foudre par exemple, sont merveilleusement
reproduites. Le film est rempli de beaux moments de cinéma qui
n’attendent que d’être découverts! Cependant,
il souffre d’un grave problème de rythme, pour lequel il
réussit à compenser par sa réalisation légère
et son sens de l’humour charmeur.
Les acteurs y sont aussi pour beaucoup. L’actrice Alexandra Maria
Lara sera certainement une actrice à surveiller au cours des
prochaines années. Dès ses premières secondes d’apparition
à l’écran, on s’y attache automatiquement.
Pas surprenant qu’elle soit attachée aux projets allemands
les plus populaires en Amérique, comme Le Tunnel ou
La Chute, elle crève l’écran! Cette jeune
demoiselle dégage aussi une excellente chimie avec les deux acteurs
principaux, plus particulièrement Christian Ulmen, qui tire bien
son épingle du jeu avec un personnage à la base si antipathique.
Enfin, annoncé sans tambours ni trompettes à la programmation
officielle de ce nouveau Festival International de Films de Montréal,
Le pêcheur et sa femme est une très belle surprise
pour un film au titre si horrible (avouons le tout de même). Il
laissera de nombreux couples sur des réflexions, et plus important
encore, le sourire. Il a tout pour plaire à un très vaste
public, si ce dernier peut outrepasser ses craintes dues à sa
nationalité allemande. Bref, un coup de cœur!
Version française :
Le Pêcheur et sa femme
Version originale :
Der Fischer und seine frau - warum frauen
nie genug bekommen
Scénario :
Doris Dörrie
Distribution :
Young-Shin Kim, Alexandra Maria Lara, Christian
Ulmen
Durée :
102 minutes
Origine :
Allemagne
Publiée le :
20 Septembre 2005