FIREWALL (2006)
Richard Loncraine
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Le pauvre Harrison Ford semble prisonnier d'un vortex temporel faisant
de lui un otage permanent des années 90. S'il s'avère
impossible de chasser cette impression insistante que Firewall
est un suspense d'une autre époque, c'est qu'il exploite les
conventions établies il y a de cela plus de dix ans par d'autres
véhicules au service de la carrière de Ford, tous autrement
plus convaincants que ce navet en bonne et due forme. Firewall
n'est pas de taille lorsque comparé à des films tels que
The Fugitive ou Clear and Present Danger dont il éveille
le souvenir sans en perpétuer la tradition de qualité.
Quelque part au tournant du nouveau millénaire, la bonne étoile
d'Indiana Jones s'est éteinte et sa carrière
est en chute libre depuis ce jour. Mais rien ne pouvait nous préparer
pour le choc que procure ce Firewall véritablement médiocre.
Une fois de plus, Ford interprète ici un bon bougre bienheureux
des échelons supérieurs de la pyramide sociale américaine
dont l'univers confortablement réglé à la minute
près est sur le point de s'effondrer. Il se nomme Jack, cette
fois-ci, et travaille comme chef de la sécurité pour le
compte d'une grosse banque de Seattle. Lorsque de malveillants voyous
dirigés par un certain Bill Cox (Paul Bettany) kidnappent les
membres de sa famille, l'intègre paternel doit déjouer
le système de sécurité qu'il a aidé à
mettre en place afin de voler à ses propres employeurs une grosse
somme d'argent. D'abord coopératif, le vaillant Jack désenchante
très vite lorsqu'il comprend que les hommes auxquels il se mesure
ont l'intention d'épingler tous ces méfaits sur son compte
et de déguerpir avec l'argent sans lui rendre sa famille saine
et sauve.
D'emblée, Firewall prouve que Ford a vieilli et son
public cible aussi : c'est un thriller aux préoccupations principalement
familiales tirant tout son suspense de situations aussi loufoques et
communes que l'allergie aux arachides de fiston. Les ingrédients
technologiques utilisés pour épicer l'intrigue sont périmés
depuis belle lurette, mais ils pourront inquiéter les esprits
qui nourrissent toujours une crainte particulière à l'endroit
de cette chose étrange qu'est l'Internet. On imagine aisément
des spectateurs dans la cinquantaine grimpant dans les rideaux à
l'idée de voir leur compte Accès D piraté par de
louches bandits. C'est sur ce genre de craintes que capitalise le film
de Richard Loncraine, bien qu'il ne s'y passe en fin de compte pas grand-chose.
Peut-être aurions-nous été plus cléments
à l'égard de celui-ci s'il avait proposé à
nos esprits espiègles une intrigue le moindrement fonctionnelle.
Mais ce n'est malheureusement pas le cas. Le scénario de Firewall
est plus troué qu'un gruyère ; sa logique interne est
totalement déficiente et mise sans l'ombre d'un doute sur les
malfaçons mémorielles du public pour dériver sans
conviction d'une scène à l'autre. Le personnage de Robert
Patrick, par exemple, est écarté par les événements
d'une manière totalement inconséquente. Son personnage
flou semble d'ailleurs avoir été charcuté au montage.
Tant et si bien que s'il révélait à mi-chemin dans
le film qu'il est en fait un robot envoyé du futur afin d'exterminer
Jack, nous ne serions aucunement surpris. Voilà tout ce qu'il
y a à dire en ce qui a trait à la qualité de la
caractérisation.
Grosso modo, Firewall est une caricature incohérente
dont la conclusion tirée par les cheveux vient prouver hors de
tout doute raisonnable l'absence totale d'intelligence. Alors qu'un
film mieux écrit aurait sans doute donné l'occasion au
personnage d'Harrison Ford de se servir de sa tête pour triompher,
Firewall le transforme soudainement en Rambo du troisième
âge pour clore le spectacle en vitesse. Le dernier plan, en ce
sens, demeure particulièrement hilarant. Notre héros et
les siens, libérés de leurs tortionnaires, sont accueillis
par leur sympathique chien dans un décor de carte postale. La
police arrive. Elle ne posera pas de questions quant aux cent millions
déviés vers le compte en banque de Jack, ne tentera pas
de comprendre la raison de toutes ces morts suspectes et croira sur
parole notre héros lorsqu'il expliquera que tout ce qui vient
de se produire est un ingénieux canular orchestré pour
simuler sa culpabilité. Tout va pour le mieux dans le meilleur
des mondes et l'Amérique, ce soir encore, pourra dormir sur ses
deux oreilles.
Version française :
Le Coupe-feu
Scénario :
Joe Forte
Distribution :
Harrison Ford, Paul Bettany, Virginia Madsen, Robert
Patrick
Durée :
105 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
16 Juillet 2006