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FIRE AND ICE (1983)
Ralph Bakshi

Par Alexandre Fontaine Rousseau

En 1983, il était devenu évident que Ralph Bakshi resterait à jamais une figure culte de la contre-culture animée. Une tentative évidente de courtiser le grand public, son adaptation inachevée du Lord of the Rings de J.R.R. Tolkien, s'était soldée par un échec au box-office tout comme son expérience de réinvention loupée intitulée American Pop. Confiné à la marge, Bakshi ne désespère pas et s'associera dans les années 80 au célèbre dessinateur Frank Frazetta pour concevoir un autre film fantastique. Le résultat final, baptisé Fire and Ice, sera en définitive l'un des films les plus professionnels de la carrière du célèbre animateur américain ainsi que l'un des plus médiocres. Probablement le plus conventionnel des produits signés Bakshi, Fire and Ice exploite à fond la veine de la fantaisie adolescente avec tout ce que cela implique de guerriers à gros muscles et de princesses à gros seins. Ce faisant, le réalisateur évacuera tous les éléments insolites et l'humour absurde qui avaient fait de son excellent Wizards un classique de l'animation psychédélique pour signer une version allongée et complètement barbante de He-Man and the Masters of the Universe.

Techniquement, Fire and Ice est le long-métrage le plus raffiné qu'ait produit Bakshi. L'animation rotoscopique est d'une fluidité remarquable et les infinies variations stylistiques incongrues qui étaient à ce jour la signature visuelle des films du réalisateur de Fritz the Cat cèdent le pas à une esthétique unie et totalement cohérente. Mais la finition ne fut jamais la grande force du cinéma de Bakshi et l'intérêt de son oeuvre réside ailleurs, dans des domaines ou Fire and Ice échoue pour sa part lamentablement. L'imaginaire éclaté et foncièrement moderne d'un film tel que Wizards, qui superposait la technologie et la propagande de l'Allemagne nazie à un univers d'elfes et d'orques traditionnel, descendait des préoccupations urbaines et sociales de ses premiers films tels que Fritz et Heavy Traffic.

Alors que le fantastique classique en prenait pour son rhume dans Wizards, Fire and Ice en propose une vision étouffée sous les clichés visuels et narratifs du père de Conan The Barbarian et de Vampirella. Frank Frazetti, figure éminente de l'histoire de la bande dessinée américaine, s'approprie ici tout l'espace créatif. Fire and Ice n'est qu'une version mouvante de ses comics. Mais des dialogues complètement débiles, débités par des personnages aussi anonymes qu'ils restent sans substance, détachent le spectateur de l'ébauche de scénario proposée. Sans soutenir l'imagerie éloquente de Wizards ou la portée mythique du monde de Lord of the Rings, l'histoire de Fire and Ice s'effondre en quelques minutes pour ne jamais se relever.

Ne reste plus, en bout de ligne, que des scènes d'actions compétentes mais sans aucun nerf ainsi qu'une héroïne en sous-vêtements pour nous garder éveillés. Aussi primitif que l'univers qu'il dépeint, l'attrait du film de Bakshi se limite finalement à cette équation dominant trop souvent le cinéma fantastique. Qui plus est, la compétence technique étalée tout au long de Fire and Ice ne signifie pas pour autant que le film de Bakshi est visuellement intéressant. On remarque surtout une surabondance d'arrière-plans génériques de même qu'un travail fade des couleurs.

Ainsi, Fire and Ice troque l'amateurisme sympathique des premiers Bakshi pour une facture générique que le réalisateur met au service d'un scénario déficient à tous les niveaux. En ajoutant de surcroît une trame sonore sans aspérités à ce menu tiède, Bakshi s'assura un échec commercial encore plus marqué que celui de Lord of the Rings sur lequel s'arrêtera sa carrière au grand écran. Son retour presque dix ans plus tard à cet univers, marqué par le raté Cool World, scellera son destin. Enfant terrible de l'animation américaine des années 70, Bakshi et son cinéma resteront à jamais prisonniers de cette décennie qu'ils auront par ailleurs marqué de manière intéressante. Cette troisième percée dans le monde du cinéma de sorciers et de dragons est pour sa part à éviter.




Version française : Tygra, la glace et le feu
Scénario : Gerry Conway, Roy Thomas, Ralph Bakshi, Frank Frazetta
Distribution : Randy Norton, Cynthia Leake, Steve Sandor, Sean Hannon
Durée : 81 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 25 Mars 2006