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THE FILTH AND THE FURY (2000)
Julien Temple

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Le mouvement Punk était inévitable pour un pays dans l'état de l'Angleterre à la fin des années 70. Étouffés par leurs propres déchets entassés dans les rues par la faute d'une grève générale des éboueurs, épuisés par les frasques pompeuses des formations progressives en tous genres, les habitants du royaume de Margaret Thatcher étaient dû pour une révolution en bonne et due forme. Les Sex Pistols furent l'élément catalyseur de cette révolte qui fit frémir un pays en pleine crise conservatrice. The Clash était un meilleur groupe et l'éthique de travail de formations telle que Sham 69 était plus foncièrement punk, les Ramones et les Stooges vinrent avant, mais les Pistols demeurent le fer de lance du mouvement Punk, son icône ultime. Pourtant, ils n'existèrent que 27 mois et ils étaient fort mauvais musiciens. The Filth and the Fury analyse d'une manière fascinante le phénomène Sex Pistols, remet les pendules à l'heure quant à leur authenticité fort souvent remise en question et en profite pour dresser un portrait fascinant d'une époque trouble de l'histoire de l'Angleterre.

Que l'on apprécie ou non la musique du groupe, il est impossible de douter de l'importance historique de la bande de Johnny Rotten et de la révolution Punk en général. Tant au niveau musical que social, tant dans l'univers de la mode que sur les rues du monde entier, son impact est évident encore aujourd'hui. Le punk remettait en question toutes les bases de la musique. Soudainement, il n'était pas nécessaire d'être un technicien habile pour être digne de partager ses idées avec les gens. Il s'agissait d'avoir une idée et le courage nécessaire pour prendre un instrument. Les excentriques de tous genres pouvaient se réunir en un même endroit pour célébrer leur différence. La frustration de la population à l'endroit de la misère ambiante était tangible et bien visible. Le punk faisait exploser au grand jour toute la haine d'une génération pour le mécanisme d'exploitation systématisé que l'idéalisme des années 60 n'avait pu faire tomber. La guerre idéologique était bien plus que politique. Les gens avaient trouvé une façon de protester par d'autres moyens.

Ce que The Filth and the Fury du réputé «sexologue» Julien Temple permet, c'est de poser un regard plus sérieux sur cette période charnière de l'histoire du rock et sur cette formation clé. Si l'étude de la culture populaire n'est pas encore une science exacte et totalement respectée, il y a fort à parier que l'on parlera encore de ce documentaire dans dix ou quinze ans. En fait, le film s'impose comme une nouvelle norme dans le domaine du documentaire musical. Non seulement Johnny Rotten s'avère-t-il un locuteur étonnamment articulé dont les opinions sont fort intéressantes et plutôt posées, mais Temple fait preuve d'une grande rigueur en présentant le groupe et l'époque qui l'a engendré. Après tout, c'est Temple qui avait réalisé The Great Rock and Roll Swindle, l'étrange film commandé par le gérant Malcolm McLaren afin de démonter le mythe des Pistols. Le film établi un milieu entre l'image de boys band vulgaire entretenue par McLaren au sujet du groupe et la légende des punks vicieux et foncièrement authentiques qui s'est installée au fil des années. Ici, les Sex Pistols sont plutôt présentés comme un groupe dynamique et naïf qui éclata le jour où ses membres comprirent qu'ils étaient manipulés par un gérant un peu mégalomane et transformés en carnaval anarchiste bon marché.

Toutefois, la sensibilité avec laquelle Temple traite de la fin scabreuse de Sid Vicious est tout aussi honorable que l'intelligence avec laquelle il étudie le phénomène social et musical qu'était le groupe. Comme tout bon épisode de la série Musicographie, on a droit à la chute libre et au passage dans l'enfer des drogues. Cependant, il n'y a pas de morale édifiante ou de fin remplie d'espoir, tout juste de l'amertume et du regret. The Filth and the Fury n'en demeure pas moins une expérience vivifiante et explosive, à l'image de son sujet. Souvent drôle et constamment révélateur, c'est un film construit avec passion et ingéniosité par un expert fasciné par son sujet. N'empêche que Temple et Rotten se permettent quelques commentaires sarcastiques sur tout ce cirque. Le charismatique chanteur lance par exemple à propos des punks qu'ils ont perdu l'essence du mouvement le jour où ils ont adopté un uniforme «officiel». Quiconque s'intéressant à l'histoire du rock, qu'il aime ou non le punk, doit absolument voir The Filth and the Fury. Rarement a-t-on vu un documentaire aussi bien communiquer l'esprit de son sujet que Temple le fait ici.




Version française : -
Scénario : -
Distribution : Paul Cook, Steve Jones, John Lydon, Glen Matlock
Durée : 108 minutes
Origine : Angleterre, États-Unis

Publiée le : 15 Février 2005