THE FEARLESS VAMPIRE KILLERS (1967)
Roman Polanski
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Seule excursion de Roman Polanski dans l'univers de la comédie,
Le Bal des vampires est le premier film que le réalisateur
polonais tourna en couleurs, en plus d'être sa première
expérience aux commandes d'un projet à gros budget. Somptueuse
parodie du cinéma d'horreur s'inspirant grandement des productions
de la Hammer, le film divisa néanmoins critique et public à
sa sortie en 1967. Il faut dire que Le Bal des vampires est
difficile à classer de façon catégorique tant Polanski
tient constamment son film en équilibre entre le monde de l'horreur
et celui du comique. Les producteurs non plus ne savaient trop que faire
du produit final et en vinrent même à en changer le titre
et à distribuer aux États-Unis, où le film fut
échec commercial total, une version remontée de 94 minutes
que Polanski renia officiellement. Pourtant, le temps a été
plutôt clément à l'égard de ce sympathique
Bal des vampires qui demeure presque quarante ans après
sa sortie un divertissement remarquable, et souvent très drôle,
imprégné malgré tout d'une ambiance gothique sombre
et envoutante.
Un chasseur de vampires étourdi (Jack MacGowran) et Alfred (Roman
Polanski), son jeune apprenti peu dégourdi, se rendent au coeur
de la Transylvanie dans le but de trouver l'une de ces mythiques créatures
de la nuit qu'ils rêvent d'éliminer. Ils confirment qu'ils
sont sur la bonne piste lors de leur séjour dans une auberge
isolée où les tresses d'ail sont plus nombreuses que les
clients. Alfred tombe bien vite sous le charme de Sarah (Sharon Tate),
ravissante fille de l'aubergiste bien vite capturée par le comte
Von Krolock (Ferdy Mayne), le monarque vampirique du coin. Le dynamique
duo se lance ainsi sur la piste du comte et aboutit dans le lugubre
château ancestral des Von Krolock où le professeur, dans
un formidable élan de subtilité, se présente comme
étant un éminent biologiste versé dans l'étude
de la chauve-souris. Pris entre les attaques d'un vampire juif qui ne
réagit aucunement à la vue d'une croix et les avances
du fils homosexuel du comte, qui développe une obsession malsaine
pour Alfred, nos deux chasseurs de vampires ne sont pas au bout de leurs
peines.
Duo comique attachant et efficace, Polanski et MacGowran valent à
eux seuls le détour. Leur jeu caricatural et enjoué n'est
cependant pas la seule force d'une distribution détendue qui
s'amuse à jouer gros pour le plus grand plaisir du public. Le
film baigne dans un humour bien souvent purement visuel, tant et si
bien que la première moitié du Bal des vampires
pourrait presque passer pour du cinéma muet. Comme c'est l'habitude
chez Polanski, le rythme du Bal des vampires est très
lent et caricature à ce niveau celui des films d'horreur de l'époque,
qui misaient sur cette vitesse réduite pour faire monter la tension.
Toutefois, les relâchements de cette tension ont ici des effets
comiques plutôt qu'horrifiques. Si le film réussit à
créer un climat inquiétant malgré les divers coups
de saucissons que reçoivent ses personnages et ses nombreux accélérés
spontanés dont ils sont victimes, c'est surtout grâce à
un travail visuel époustouflant qui donne au Bal des vampires
l'aspect d'un grand conte de fées tout droit sorti du folklore
européen. Des décors somptueusement expressifs et une
riche photographie alternant entre une chaleur réconfortante
et le froid morbide fascinent et ajoutent une dimension lugubre à
cette grande farce diaboliquement drôle...
... Pourtant, il demeure difficile de totalement dissocier le film de
Polanski des sinistres évènements qui l'ont entourés.
Le personnage de Sharon Tate prend une autre dimension lorsque l'on
songe à la fin terrible qui attendait la jeune actrice quelques
temps plus tard. Quant à ces vampires qui se regroupent pour
le fameux bal du titre français, ils peuvent facilement prendre
l'allure d'un clin d'oeil critique au satanisme en vogue à Hollywood
lors de cette époque étrange de son histoire, ce même
mouvement qui allait couter la vie à Tate. Que ces évènements
purement externes au film altèrent ou non notre perception de
celui-ci, la façon pessimiste par laquelle Polanski conclut son
film et les compositions angoissantes à souhait de Christopher
Komeda qui servent de tapisserie sonore à cette mémorable
parodie confirment que Le Bal des vampires n'était pas
qu'une simple comédie, même au moment de sa création.
À voir et à revoir avec un plaisir sans cesse croissant,
Le Bal des vampires est la source d'inspiration première
de bien des hybrides comédie/horreur parus depuis.
Version française : Le Bal des vampires
Scénario : Gérard Brach, Roman Polanski
Distribution : Jack MacGowran, Roman Polanski, Sharon Tate, Alfie
Bass
Durée : 108 minutes
Origine : États-Unis, Angleterre
Publiée le : 29 Octobre 2004
|