FAMILIA (2005)
Louise Archambault
Par Frédéric Rochefort-Allie
Le cinéma Québécois, faute de moyens, gravitera
presque toujours autour du drame familial. C'est une triste réalité.
Même si un courant semble vouloir se détacher de cette
tendance, l'année 2005 fut définitivement celle de la
remise en question. L'audition, Horloge Biologique
et bien d'autres, ont tous un thème central : la famille en état
de crise. Famillia, tout comme eux, vise à nous faire
réaliser cette nouvelle réalité. Le film démarre
en jouant déjà cartes sur table son questionnement ultime
: sommes-nous prisonniers de notre propre génétique ou
disposons-nous de la capacité de forger notre propre personnalité
?
La prémisse est bonne et laisse même présager une
critique virulente de la vie familiale québécoise, mais
le scénario ne se déroule pas aussi bien que l'aurait
prévu Louise Archambault. La cinéaste semble complètement
détachée de la nouvelle réalité adolescente.
Les "raves", le viol et l'obsession à propos de la
sodomie font-ils partie de la vie d'une majorité d'adolescentes
de 13 ans? Laissez-moi en douter! Les dialogues semblent faux et déphasés,
particulièrement dans les moments les plus tragiques, où
le tout semble vouloir imiter l'impact de Thirteen (Catherine
Hardwicke) ou Kids (Larry Clark). En revanche, Louise Archambault
manipule admirablement bien ses personnages, particulièrement
les adultes, pour créer des dynamiques vivifiantes et des scènes
originales.
Les dialogues, les personnages et même l'histoire seront néanmoins
mis au second plan, puisque devant la direction photo grandiose d'André
Turpin, le spectateur est plus souvent en train d'admirer la splendeur
d'un plan que de suivre le cours du récit. Si on y reconnaît
sa signature, Turpin semble définitivement s'être inspiré
des plus récents films américains. Dans son esthétisme,
Familia provoque des rapprochements plus qu'évidents avec le
style de Paul Haggis, pour en faire une forme de Crash au niveau
familial. Même si la réalisation de sa collègue
est tout à fait respectable, l'absence d'André Turpin
aurait été plus que nuisible en réduisant un bon
film à une oeuvre aux allures d'un épisode de téléroman
quelconque.
Force est d'admettre, par contre, que les acteurs surpassent ce niveau,
du moins pour la plupart. Seule la jeune Juliette Gosselin n'a peut-être
pas le charisme nécessaire pour porter son personnage. Difficile
même d'y voir celle que certains proclament déjà
« la prochaine Karine Vanasse », comme si le Québec
se devait absolument de passer à une autre starlette. Les meilleurs
acteurs jouent ici dans la cour des grands. Le plus troublant d'entre
eux demeure Jacques L'Heureux, qui a établi dans l'imaginaire
collectif québécois le personnage du bon vieux Passe-Montagne
(Passe-Partout). Difficile tout de même de l'imaginer
en vieux pervers vicieux qui fait prostituer sa belle-fille pour satisfaire
ses fantasmes : l'effet est plutôt percutant. Mais il ne s'agit
que d'un rôle à contre-emploi et non d'une véritable
révélation de talent. Comme à l'habitude, Sylvie
Moreau vole la vedette. Bien que peut-être un peu prisonnière
du même type de personnage depuis quelques années, elle
s'en tire toujours à merveille.
Familia fait partie du lot des belles surprises au cinéma
en 2005, mais comme il s'agit d'un premier essai pour Louise Archambault,
le film ne vient pas sans sa part de petites imperfections. La réalisatrice
a encore beaucoup d'expérience à gagner. Quand on est
si bien entouré lors d'un bon départ, il est difficile
de faire fausse route par la suite, pour qui sait maintenir le cap!
Le film est peut-être garni de moments guimauves, de jeunes acteurs
un peu douteux et de piètres dialogues d'ados, mais on ne peut
reprocher à Familia de manquer de coeur. Pour Louise
Archambault, il suffirait simplement de trouver un sujet qu'elle peut
maîtriser davantage. Elle est à suivre de près...
Version française : -
Scénario :
Louise Archambault
Distribution :
Sylvie Moreau, Macha Grenon, Juliette Gosselin,
Mylène St-Sauveur
Durée :
102 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
10 Février 2006