FACTORY GIRL (2006)
George Hickenlooper
Par Jean-François Vandeuren
La courte histoire d’Edie Sedgwick en est une que nous avons entendue
que trop souvent et qui continuera de se répéter pour
les décennies à venir dans le paysage artistique mondial.
Comme plusieurs aspirants artistes, la jeune femme quitta le domicile
familial au milieu des années 60 pour s’installer à
New York dans l’espoir de faire tourner quelques têtes et,
surtout, quelques caméras. Son souhait fut un jour exhaussé
lorsqu’elle fit la connaissance d’un artiste plutôt
bizarre et réservé répondant au nom d’Andy
Warhol. Sedgwick devint alors une partie intégrante des projets
excentriques du roi du Pop Art, lesquels l’élevèrent
en un rien de temps au rang de star. L’idylle platonique entre
le créateur et sa nouvelle muse se transforma toutefois en véritable
cauchemar lorsqu’un certain chanteur folk très populaire
commença à tourner autour de la jeune femme. Prise entre
deux discours à une époque de changements pour le moins
radicaux, Edie s’isola progressivement avant de s’effondrer
sous le poids de ses habitudes dépensières excessives
et de sa forte dépendance à la drogue.
En soi, Factory Girl est l’exemple typique d’un
film biographique ne relatant que des faits déjà surexposés
sans chercher à aller plus loin que le bout de son nez. Le cinéaste
George Hickenlooper se porta volontaire pour mettre en images ce récit
superficiel dont la seule motivation semble être de capitaliser
avidement sur la bonne vieille formule du « rise and fall
» en mettant évidemment l’emphase sur les jours les
moins glorieux de la brève existence d’Edie Sedgwick. C’est
d’ailleurs d’une manière complètement désintéressée
que le scénario de Captain Mauzner scrute les moments forts de
la brève carrière de la jeune femme et ceux ayant alimenté
la popularité fort controversée dont jouissait Warhol
en en soulignant autant la beauté que l’étrangeté,
mais sans jamais aller au-delà de ce qui aurait pu être
lu dans n’importe quel magazine artistique de l’époque.
Factory Girl énumère ainsi ces événements
en quatrième vitesse tout en s’en tenant à une distance
considérable. Mais au-delà de cet escalade nous ramenant
à la démesure créatrice de cette période
de tous les excès, Mauzner semble surtout pressé d’arriver
à ce fameux point de chute que tout spectateur moindrement cruel
attendait avec impatience.
Si les écrits de Mauzner n’arrivent malheureusement pas
à rendre justice, voire même à ajouter le moindre
commentaire critique, à leur source d’inspiration, George
Hickenlooper réussit tout de même à minimiser les
dégâts grâce à une facture visuelle beaucoup
plus consistante. Le réalisateur de Mayor of Sunset Strip
recréé ainsi avec fougue cet esprit de liberté
dont les limites étaient constamment repoussées par le
mouvement de contre-culture de l’époque grâce à
une mise en scène qu’il n’hésite pas à
vieillir volontairement à quelques occasions tout en agrémentant
ses élans d’une trame sonore formée de choix musicaux
fort pertinents, à défaut d’être très
originaux. Le problème par contre est que les attributs techniques
d’Hickenlooper demeurent prisonniers des maladresses du scénario
de Mauzner, confirmant le résultat final comme un récit
biographique dont les faux-pas ne furent dissimulés qu’à
moitié sous un jolie emballage plastique. Pour leur part, Sienna
Miller et Guy Pearce offrent tous deux une performance admirable alors
qu’Hayden Christensen se tire bien d’affaire, même
s’il la joue parfois un peu trop zélé, dans la peau
d’un jeune Bob Dylan qui, suite à la demande du chanteur,
fut renommé ici Billy Quinn. La question se pose malgré
tout à savoir si le trio aurait pu offrir un jeu d’ensemble
de cette qualité si le film avait été un projet
de fiction vu le traitement des personnages plutôt limité
proposé par un Captain Mauzner qui finit par prendre un peu trop
pour acquis les rouages de son propre scénario.
Il est tout de même ironique que dans ses derniers instants le
film de George Hickenlooper tente de livrer un constat sur l’empreinte
que peut laisser une célébrité dans la culture
populaire, revenant alors sur une conversation téléphonique
entre Andy Warhol et sa muse imaginant la perception que le monde aurait
d’eux après leur mort. Une glorification pour le moins
étrange venant d’un effort qui aura survolé aussi
rapidement les quinze minutes de gloire de son sujet avant de concentrer
toutes ses énergies sur sa descente aux enfers. Factory Girl
présente ainsi l’histoire d’Edie Sedgwick comme un
simple fait divers au lieu de creuser un peu plus en profondeur et proposer
un portrait plus sensé des tourments de la célébrité
et de cette forme d’expression difficilement définissable
que l’on appelle communément l’art. Le coup le plus
digne de mention de Mauzner aura finalement été le court
affrontement entre les idéaux défendus respectivement
par Warhol et « Quinn » durant une période aussi
instable politiquement et socialement. Si Factory Girl ne déclare
aucun des deux partis vainqueurs, le film s’aventure malgré
tout sur plusieurs pistes remettant en question la validité du
Pop Art et d’un personnage comme Warhol à une telle époque,
mais sans jamais vraiment aller au bout de ses idées. Mauzner
et Hickenlooper préparent ainsi le terrain pour une éventuelle
visite réellement satisfaisante de la célèbre Factory
en signant un amuse-gueule bien apprêté, mais auquel il
manque toutefois plusieurs ingrédients essentiels.
Version française : -
Scénario :
Captain Mauzner
Distribution :
Sienna Miller, Guy Pearce, Hayden Christensen,
Jimmy Fallon
Durée :
90 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
17 Avril 2007