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LE FABULEUX DESTIN D'AMÉLIE POULAIN (2001)
Jean-Pierre Jeunet

Par Jean-François Vandeuren

La romance au cinéma est certes un des genres les plus populaires, mais dont l’exploitation permet toutefois beaucoup plus souvent le pire que le meilleur. En soi, un dérapage typique résulte dans la plupart des cas d’un manque flagrant d’inspiration dans le traitement des idées qui ne sont pas toujours des plus originales. Il faut dire que la comédie romantique est un des genres les plus entrains à susciter des réactions avançant que le résultat présenté à l’écran aurait déjà été vu des centaines de fois auparavant, sinon plus. Soit, les réels problèmes qu’éprouve ce type de films pris dans une sauce hollywoodienne souvent mal mijotée ont été mis en évidence à plus d’une reprise au fil des dernières années par le biais des meilleurs efforts qui en ont émané, appartenant à des cinéastes de talent ayant réussi à donner à leur œuvre respective autant de charme et de créativité que de personnalité. Jean-Pierre Jeunet, tout comme P.T. Anderson et Michel Gondry, fait parti de ces réalisateurs. Tout en utilisant l’univers fantastique de ses efforts précédents, Jeunet parvient ici à créer une romance devenant contagieuse. Le cinéaste français nous présente donc son Amélie Poulain dans un contexte inspiré du réel, mais avec toute la féerie que nous pouvions espérer le voir y insuffler.

L’héroïne de Jeunet peut tout d’abord fortement remercier son créateur d’avoir su mettre en scène son fabuleux destin sans jamais le faire tomber à plat par l’entremise d’une simple amorce amusante ordinairement marquée d’une signature terre-à-terre devant servir un faux effet de réalisme, prémisse tenant d’ailleurs que très rarement ses promesses. Heureusement, Jeunet a pu trouver un compromis pour le moins majestueux afin d’établir un certain équilibre, élaborant un traitement sur papier comme en image qui vient confondre la réalité du monde actuel aux attributs d’un conte pour enfant. La vision du sentiment amoureux dans le présent film est d’ailleurs fortement alimentée d’une touche d’innocence enfantine venant toutefois se situer dans un monde typiquement adulte, qui est d’ailleurs le public cible de cet hommage peu subtil à la beauté des choses les plus simples. Comme quoi la féerie peut exister même dans le quotidien le plus banal et qu’en fait, tout ne serait qu’une simple question de perception. Intentions déjà nobles au départ, afin de les rendre palpables, Jeunet vient garnir son opus de personnages flamboyants possédant une personnalité respective disons… plutôt particulière. Un ensemble agréablement mené par le charme inconditionnel d’Audrey Tautou, où tous s’animent dans un récit suivant une narration exceptionnelle récitée par André Dussolier.

Bien évidemment, Jeunet et ses talents incomparables de raconteur visuel sont mis en évidence tout au long du film où ce dernier se permet même de continuer son expérimentation technique qu’il réussit à mener vers des sommets plutôt vertigineux et ce surtout pour un film de ce genre. Le cinéaste utilise à nouveau ses stratagèmes narratifs et visuels de hasard et de causalité qui ont alimenté des scènes fascinantes de par leur ingéniosité hors du commun dans Delicatessen et La Cité des enfants perdus, sans toutefois les pousser aussi loin qu’auparavant. Mais en soi, l’effort technique de Jean-Pierre Jeunet demeure encore une fois tout aussi saisissant. Même s’il s’éloigne de son répertoire habituel, le réalisateur français n’a vraisemblablement rien perdu de sa touche de maître valsant sur des ambiances surnaturelles et fantastiques qu’il transpose d’une manière on ne peut plus adéquate à l’esprit et aux intentions de son quatrième film. S’y fond une fois de plus la majestueuse direction photo laissant de côté les habituelles teintes fades des oeuvres de ce dernier pour des couleurs beaucoup plus éclatantes. L’expérience est d’autant plus bercée par l’incomparable musique de Yann Tiersen qui aura enfin pu sortir de l’ombre grâce à la présente collaboration.

Jean-Pierre Jeunet a donc su malaxer une guimauve ne devenant jamais indigeste et dont il semble bien être un des rares à en connaître les ingrédients. Et même s’il en force régulièrement la dose, son approche exceptionnelle vient conférer à son récit d’une manière ahurissante les attributs d’une drogue douce et planante sans jamais s’approcher de l’overdose. Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain est donc un ajout de marque à une filmographie déjà plus qu’enviable qui saura illuminer et attendrire autant les fans ardentes de romance qui en feront leur coqueluche, que les cinéphiles en quête d’une poésie visuelle exaltante et d’un sens du lyrisme inventif et soigné.




Version française : -
Scénario : Guillaume Laurant, Jean-Pierre Jeunet
Distribution : Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz, Rufus, Serge Merlin
Durée : 122 minutes
Origine : France

Publiée le : 1er Janvier 2005