THE EVIL DEAD (1981)
Sam Raimi
Par Louis-Jérôme Cloutier
En 1981 apparaissait sur les écrans nord-américains le
premier long-métrage de Sam Raimi intitulé The Evil
Dead. Produit au cout de 375 000$, principalement recueilli auprès
de divers investisseurs, le film connut un important succès et
devient un classique du cinéma d’horreur américain
presque instantanément. Banni dans certains pays à l’époque
en raison de scènes jugées trop violentes ou encore trop
dérangeantes, Evil Dead ouvrit la voie à divers
successeurs, mais aussi à deux suites qui le surpasseront en
qualité. L’histoire est des plus classique: cinq amis se
rendent dans un vieux chalet perdu en plein milieu de la forêt
pour y passer quelques jours. Découvrant dans le sous-sol un
magnétophone ayant appartenu au propriétaire précédent,
mais aussi un étrange livre, ils éveillent malgré
eux une force maléfique.
Si Evil Dead II, et surtout Army of Darkness, ont
des penchants humoristiques très clairs, The Evil Dead
se veut plutôt un film d’horreur sérieux. Et ce n’est
pas sans raison que le film fut banni dans certains pays ou qu’il
doit subir d’imposantes restrictions ou remontage. Surtout si
l’on se remet en 1981, The Evil Dead est particulièrement
violent et sanglant. Coupure de membre à la hache, arrachage
de tête à la pelle, poignardages à grands coups
de couteau et même, viol d’une femme par des branches d’arbres!
D’ailleurs, c’est dans ce genre de moment que le sérieux
d’Evil Dead en prend un certain coup. Car si certains
moments ne sont qu’horrifiques, d’autres dont la scène
du viol sont plutôt amusants. De plus, au fil de la progression
du film, le ton semble perdre de plus en plus de son sérieux.
Cette progression s’effectue en même temps que celle du
personnage d’Ash. Personnage sans grande importance au départ,
il devient vers la moitié du film le héros, et c’est
à partir de ce moment que se déroulent les meilleurs moments.
Bruce Campbell jouit d’une bonne présence à l’écran
et s’est par ailleurs rapidement imposé par la suite comme
un incontournable des films de série B. Il n’est pas étonnant
de voir que ce personnage ait pris autant d’importance dans Evil
Dead II, Sami Raimi réalisant son potentiel et permettant
ainsi de tourner un film supérieur à son prédécesseur.
C’est donc sans surprise que la meilleure partie de ce premier
volet se déroule alors que Bruce Campbell se retrouve seul contre
les démons. Et c’est avec lui que se déroulent les
moments moins sérieux, par exemple la scène du sous-sol
où le sang se met à couler d’un peu partout exagérément,
une séquence reprise de façon encore plus forte dans le
second volet.
Et c’est précisément l’une des faiblesses
de ce premier film: une frontière mal définie entre humour
et sérieux. Car l’équipe derrière le film
ne semble pas toujours comprendre que certains moments, qui peuvent
paraitre légèrement ridicule lorsque joués sérieusement,
peuvent devenir extrêmement réussies mis dans un esprit
plus humoristique, voir Evil Dead II qui constitue le meilleur
mélange entre les deux. Mais quand même, cela ne veut pas
dire que ce volet n’est pas complètement dépourvu
de séquences d’horreur réussies. On retrouve un
climat de tension assez bien rendu et efficace, ne serait-ce que grâce
à l’étrangeté des lieux. Cependant, impossible
de passer à côté du volet sonore du film qui est
mi-fugue mi-raisin. Que ce soit la musique qui semble provenir d’une
casette que les gens font jouer dehors le soir de l’Halloween
ou encore les bruitages parfois bien utilisés, mais plus souvent
qu’autrement de qualité douteuse. Notamment, on pense à
celui d’un battement de cœur utilisé afin d’accentuer
le stress, mais d’une façon un peu trop simpliste pour
que le spectateur puisse se laisser prendre au jeu. Bien sûr,
il ne faut pas perdre de vue le budget du film, mais tout de même.
Ainsi, dès les premières images, les moyens très
limités mis à la disposition de Sam Raimi sont criants.
Alors qu’il débute un véritable projet de grande
envergure, il doit composer avec une marge de manœuvre très
limitée. Ainsi donc, il n’est pas étonnant de retrouver
cette caméra qui simule une quelconque force mauvaise se promenant
dans les bois, une façon inventive de pallier au manque de ressources.
Cet effet sera d’ailleurs repris dans les deux autres volets,
étant une marque de commerce de Sam Raimi à travers sa
trilogie. En outre, la patte de ce dernier est déjà aisément
reconnaissable bien que son talent ne soit pas encore complètement
développé. Le choix des plans est intéressant,
la caméra effectue parfois des déplacements bien pensés,
on assiste au début d’un très bon réalisateur.
Par contre, il va sans dire que certains effets sont répétitifs
sans nécessairement en nommer un en particulier, tout comme les
effets spéciaux qui sont franchement cheap par endroits.
Mais peu de blâmes peuvent être portés contre les
artisans de ce film, car il faut toujours avoir en tête le peu
d’argent dont ils disposaient pour mener à terme ce projet.
Tout de même, certains trucages sont très réussis,
dont les maquillages, et grâce à Sam Raimi, le film parvient
souvent à masquer ses défauts par de très bons
choix de mise en scène.
Au final, Evil Dead reste un film d’horreur culte de
série B. Cependant, il faut prendre le tout avec un grain de
sel et garder en tête que les artisans possédait un budget
qui limitait leur marge de manœuvre. Il faudra également
passer au travers des éléments les plus cheezy,
comme les dialogues, qui deviendront une qualité dans Evil
Dead II. Le premier film d’une excellente trilogie, mais
aussi les premiers véritables pas de Sam Raimi et de Bruce Campbell
qui ont permis de lancer leur carrière respective et mutuelle.
Cet opéra de la terreur est idéal pour l’Halloween,
mais les deux autres volets sont davantage des incontournables.
Version française :
L'Opéra de la terreur
Scénario :
Sam Raimi
Distribution :
Bruce Campbell, Ellen Sandweiss, hal Delrich, Betsy
Barker
Durée :
85 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
29 Octobre 2004