EVANGELION 1.0 : YOU ARE (NOT) ALONE (2007)
Masayuki
Kazuya Tsurumaki
Par Laurence H. Collin
Rares sont les séries anime qui ont su conserver leur feu sacré
exceptionnel comme Neon Genesis Evangelion. Depuis sa première
diffusion en octobre 1995, le dessin animé scénarisé
par Yoshiyuki Sadamoto (à qui l'on doit principalement Gunbuster)
aura engendré un prodigieux suivi d'admirateurs aux opinions
divergentes, incitant ceux-ci à porter de sérieuses réflexions
sur l'univers proposé ainsi que sa philosophie. De constater
que sa popularité ne présente quasiment aucun signe de
fatigue presque 15 ans après ses débuts est facilement
intelligible : tout comme les meilleures oeuvres du genre auquel il
appartient, l'intérêt d'Evangelion ne réside
non pas dans ses gadgets élaborés ni dans l’extravagance
de sa science-fiction, mais bien dans la complexité de son monde
et dans l’évolution de ses personnages. Après un
total de vingt-six épisodes et six longs-métrages originaux,
les créateurs de la série acclamée mondialement
auront cette fois-ci choisi de piloter leur engin différemment,
vu la conclusion plutôt radicale de leur récit. L’idée
d’une sorte de « remodelage » entier de la trame narrative
pour pouvoir en façonner quatre nouveaux longs-métrages
aura conséquemment été adoptée - question
d’introduire Evangelion aux néophytes en simplifiant
sa mythologie, d'une certaine façon. Question aussi d’esquisser
de scènes de combat de qualité rehaussée grâce
à une animation plus raffinée, notamment avec l’ajout
de la technologie 3D CG dans les dessins. Surtout, diront certains,
question d’aller empocher encore beaucoup de billets verts sur
le dos des fans dévoués d’une série au statut
culte immortalisé.
Nous projetant dans l’action sans préambule véritable,
Evangelion 1.0 : You Are (Not) Alone introduit le spectateur
à un jeune adolescent, Shinji Ikari, attendant une certaine jeune
femme prénommée Misato Katsuragi dans la ville de Tokyo-3.
L’on apprendra rapidement qu’il s’agit de la plus
importante métropole reconstruite à la suite du «Second
Impact», soit une catastrophe mondiale ayant décimé
la moitié de la population humaine. Convoqué sur les lieux
par son père qu’il n’a pas vu depuis 10 ans, Shinji
se voit tout de suite pris en plein centre de l’attaque d’un
« Ange », créature immense aux apparences vampiriques
et au pouvoir destructeur inimaginable. Sauvé de justesse par
Misato, il sera informé de son devoir futur de piloter l’Eva-01,
une arme humanoïde titanesque permettant à une organisation
secrète, la NERV, de défendre l’humanité
contre les attaques imprévisibles et épouvantables des
Anges. Déchiré entre ses obligations extrêmement
intransigeantes et le désir de vivre une vie d’adolescent
parfaitement normal, Shinji se verra brutalement confronté à
un dilemme qui ne remettra rien de moins que son existence même
en question…
Si l’on retiendra quelque chose de percutant de cette redite de
Neon Genesis Evangelion, c’est certainement que l’on
trouve un plaisir incontestable à se faire réintroduire
des personnages dont nous avons pu être témoin du laborieux
parcours intrapersonnel auparavant. Relancés sur la même
piste que dans leurs tribulations précédentes, les êtres
peuplant cette ère futuriste sous une terrible pression se révèlent
toujours aussi fascinants et d’une grande vérité
psychologique. La version plus épurée du scénario
original des premiers épisodes que nous présente Evangelion
1.0 n’est pas sans ses fâcheuses amputations, mais
elle parvient à tenir la route. Il va sans dire que ses développements
sont sans véritable surprise pour les connaisseurs—hormis
quelques apparitions étonnamment hâtives d’éléments
narratifs ne s’étant présentés que plus tard
dans les épisodes d’origine, le récit tout à
fait linéaire est manipulé avec toute la souplesse qu’un
projet de la sorte le méritait. Il en va de pair pour les séquences
plus mouvementées. Le duo de réalisateurs Masayuki et
Tsurumaki savent indéniablement manier le suspense : orchestrant
les affrontements violents avec une grande clarté et utilisant
leur bande sonore tonitruante à leur plein potentiel, ces derniers
dosent savamment les moments forts et ceux plus restreint dans leur
récit. L'humour relatif à la tension sexuelle subconsciente
entre Shinji et sa nouvelle ''gardienne'' (!) en sort d'ailleurs intact,
malgré la présence d'un moins grand nombre de scènes
exploitant cette dynamique. L'énergie se dégageant de
l'ensemble, cependant, reste assez télévisuelle malgré
son format : malgré le panache des combats opposant les Anges
à l'Eva-01, la structure de l'oeuvre nous donne l'impression
d'assister à trois ou quatre épisodes bavards collés
ensemble et chacuns ponctués de leur moment d'adrénaline
requisitoire.
Le véritable bémol de cet exercice ne s'avère donc
pas concernant sa fidélité de fond et de forme à
l'entreprise originale, ni sa construction routinière mais bien
son utilité plutôt sommaire en bout de ligne. Que reste-t-il
de vraiment pertinent à raconter sur la quête intérieure
de Shinji? Si Neon Genesis Evangelion illustrait avec poésie
et subtilité la conscience tourmentée d'un être
qui prend conscience de son utilité capitale en tant que pilote
mais également de sa futilité en tant qu'être humain,
cette reformulation reste plutôt en surface. On a même cru
bon rajouter une voix off du personnage central soulignant l'importance
de quelques moments puissants à l'origine silencieux. Ce type
d'ajout pourrait donc témoigner du genre de simplification que
Evangelion 1.0 propose aux nouveaux venus curieux-- avec un
tel exemple, est-il vraiment nécessaire de spécifier que
les habitués seront tentés de leur pointer vers l'assemblage
original? Il faudra tout de même laisser le bénéfice
du doute à la nouvelle direction prise par les concepteurs d'Evangelion.
Si l'on connaît déjà la tempête qui se manifestera
dans l'histoire de la NERV et de son protagoniste (un sinistre futur
présagé par une apparition inattendue à la toute
fin du récit), il faudra admettre que même si la disposition
des cartes sur la table nous laisse sur notre faim, notre appétit
est encore bel et bien présent...
Version française : -
Version originale :
Evangerion shin gekijôban: Jo
Scénario :
Hideaki Anno
Distribution :
Megumi Ogata, Megumi Hayashibara, Kotono Mitsuishi,
Akira Ishida
Durée :
98 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
26 Juillet 2009