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LES ÉTATS-UNIS D'ALBERT (2005)
André Forcier

Par Jean-François Vandeuren

Au milieu des années 20, alors que le cinéma s’apprête à devenir parlant, un jeune acteur du nom d’Albert Renaud quitte Montréal et entreprend un périple en train vers Hollywood qui pourrait bien lui amener la gloire. Durant son parcours sur rails, l’aspirant comédien rencontrera une jeune mormone luttant pour les droits des femmes de sa communauté dont il tombera amoureux, et un reporter jaloux qui le jetera par dessus bord à son insu. S’ensuivra une marche follement mouvementée en péripéties dans le désert de l’Arizona aux côtés de l’exilé Jack Dekker. Ce dernier aidera alors Albert à retrouver son chemin jusqu’en Californie grâce à ses élans aux golf. Les États-Unis d’Albert se présente ainsi comme une épopée aux couleurs fantastiques doucement déjantée, et donc une entreprise pour le moins rarissime dans le paysage du cinéma québécois. André Forcier relève pourtant agréablement bien le défi grâce à une mise en scène dans laquelle les éléments semblent prendre un malin plaisir à se battre entre eux pour obtenir le plus beau rôle.

Le dernier né d’André Forcier prend forme dans une mise en situation rapidement amenée à l’écran et qui ne perd pas vraiment de sa fougue de départ d’un bout à l’autre de l'essai. Cette vigueur nous donne d’ailleurs l’impression de valser entre les cases d’une bande dessinée d’aventures et les pages d’une fable sur les rêves et la volonté d’accomplissement qui les accompagne, où le cinéaste québécois développe son scénario d’une façon très directe, ne perdant pas de temps avec des dialogues ou autres détails superflus. Cette traversée des États-Unis prend évidemment les attraits d’une sorte de road movie où l’on ne voit pas nécessairement la route, et dont les points de repères se retrouvent éparpillés en une série de personnages plus étranges les uns que les autres, lesquels occupent une place à l’écran beaucoup plus importante que celle du récit qui, pour sa part, demeure quelque peu mécanique. Ceux-ci sont également campés d’une manière caricaturale et souvent déphasée, les personnages anglophones s’exprimant même dans un français impeccable, tout cela pour servir évidemment les circonstances du film d’André Forcier, par un casting impressionnant où, en plus d’Éric Bruneau dans le rôle titre et Roy Dupuis, l’effort se permet quelques apparitions éphémères de Céline Bonnier et Marc Labrèche pour ne nommer que ceux-ci.

Il s’agit d’autant plus d’un principe sur lequel Forcier culmine sans cesse grâce à une forme d’exagération aux abords de laquelle son récit en vient à piétiner l’espace de sa facture visuelle, celle-ci empiétant alors sur celui des acteurs, et ainsi de suite. Cette approche plutôt improbable donne pourtant lieu à un mélange fascinant que Forcier caractérise d’une absence presque totale de rythme, nous plongeant de ce fait tête première dans un conte où les éléments physiques, principalement les décors, dévoilent leurs allures très bédéesques dans un cadre tout aussi coloré d’une réalisation composée de plans assez inhabituels, pour ne pas dire étranges. Le réalisateur fond du même coup dans tous ces rouages une dose d’absurdité fort bien manœuvrée, mais qui freine ses élans à quelques reprises en rendant le ton général de l’effort un peu trop lourd, particulièrement lors des apparitions spectrales de la défunte comédienne et professeure d’Albert dans les rêves de ce dernier.

Les États-Unis d’Albert plaira avant tout aux cinéphiles ayant un faible particulier pour une forme de cinéma un peu plus excentrique sans que cela n’inclue forcément un montage au rythme effréné. André Forcier nous fait part en ce sens de ses talents de raconteur en adoptant une mise en scène pour le moins originale dans un moule pourtant assez sobre, mais un peu inégal, même dans un univers aux concepts aussi décalés. Il n’en demeure pas moins une autre preuve irréfutable que notre cinéma en terme de qualité est dans une forme tout à fait exceptionnelle. Mais il est clair que le présent film demandera un effort plus significatif pour être apprécié à sa juste valeur.




Version française : -
Scénario : André Forcier, Linda Pinet
Distribution : Éric Bruneau, Émilie Dequenne, Roy Dupuis, Andréa Ferréol
Durée : 91 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 19 Août 2005