ELVIS GRATTON XXX : LA VENGEANCE D'ELVIS WONG
(2004)
Pierre Falardeau
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Sans être un chef d'oeuvre, le premier volet des aventures d'Elvis
Gratton demeure encore aujourd'hui une intéressante satyre de
la société québécoise doublée d'une
petite comédie fort sympathique, chose qu'on ne peut certainement
pas dire de sa misérable suite, Miracle à Memphis,
sortie en 1999. Enfilant les uns après les autres d'interminables
gags de mauvais goût sans aucun sens du rythme et remâchant
sans imagination les idées du premier film, le retour à
l'écran de notre plus grand colon national n'avait rien de bien
glorieux. L'idée de voir le gros Gratton se pointer le bout de
la bedaine devant la caméra pour une troisième fois n'avait
donc rien de bien inspirant. Toutefois, sans être une réussite
sur toute la ligne, la nouvelle cuvée Gratton que nous a concoctée
le duo Poulin/Falardeau est loin d'être aussi indigeste que la
précédente.
Il faut dire que l'idée de base vaut à elle seule son
pesant d'or. À la demande de nul autre que l'honorable Jean Chrétien,
notre noble fédéraliste à la moumoute frisée
se voit confier la direction d'un empire médiatique regroupant
entre autre La Presse et une société Radio-Cadnas fraîchement
privatisée afin de défendre fièrement la cause
de l'unité nationale. S'ensuit bien entendu un sanglant règlement
de compte où Falardeau s'attaque sans aucune subtilité
au fédéralisme, aux journalistes, aux intellectuels ainsi
qu'au phénomène de la convergence dans l'univers des médias.
Le propos de Falardeau est ici bien plus riche que dans Miracle
à Memphis, dont l'aspect critique se bornait à la
simple phrase "Ils l'ont tu l'affaire les Américains"
répétée ad nauseam dans tous les décors
possibles. En fait, le cinglant commentaire de Falardeau sur le contrôle
de l'information s'applique à un contexte beaucoup plus vaste
que celui du simple Québec et fait plaisir à entendre.
Malheureusement, un humour de fond de bécosse ennuyant et franchement
redondant alourdit le film tout comme c'était le cas avec Miracle
à Memphis. Falardeau et Poulin ont même le culot de
recycler ici certaines des farces les plus populaires du deuxième
épisode de la série. Ce manque d'imagination fait perdre
des points à un film qui possède plusieurs moments savoureux
et aurait profité d'un certain resserrement au niveau du rythme.
Certaines routines comiques sont étirées beaucoup trop
longtemps et n'amusent de toute façon pas autant que lorsque
Falardeau passe aux choses sérieuses. Lorsqu'il parle de sujets
qui l'intéressent, Falardeau est mordant, drôle et énergique
malgré le manque de subtilité de sa charge. Mais si les
meilleurs moments de La Vengeance d'Elvis Wong sont remarquables,
le scénario n'arrive pas à créer le juste équilibre
entre les deux personnalités distinctes du film.
Tout de même, ce Elvis Gratton XXX devrait satisfaire
son public. Il est évident que l'anti-fédéralisme
viscéral dont fait preuve Falardeau dans La Vengeance d'Elvis
Wong ne plaira pas à tous, mais ceux qui partagent sa vision
des choses seront comblés par la virulence de son attaque. Toutefois,
malgré une excellente finale qui n'est pas sans rappeler l'humour
absurde de Monty Python ainsi qu'un contenu critique fort intéressant,
cette nouvelle aventure du plus détestable des Canadiens francophones
d'Amérique est l'oeuvre d'un auteur qui semble incapable d'assumer
pleinement son intelligence lorsque vient le temps d'écrire une
comédie. Avec La Vengeance d'Elvis Wong, Falardeau a
le mérite de voir grand mais, une fois de plus, il pense gros.
Version française : -
Scénario :
Pierre Falardeau, Julien Poulin
Distribution :
Julien Poulin, Jacques Allard, Pedro Miguel Arce,
Nicolas Canuel
Durée :
105 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
14 Juillet 2004