ELIZABETHTOWN (2005)
Cameron Crowe
Par Frédéric Rochefort-Allie
Avant même d'être sorti sur nos écrans, Elizabethtown
fut littéralement détruit par la presse lors du festival
de Toronto ; une savoureuse coïncidence puisque le film parle lui-même
de la crainte d'un échec. Pour Drew Baylor, c'est le fiasco de
la création de sa chaussure qui fit perdre pas moins de 1 milliard
de dollars à une entreprise alors que pour Cameron Crowe, c'est
l'excès de tout ce qu'on peut retrouver dans ses films précédents.
La comparaison des deux personnages nous laisse songeur à savoir
si le réalisateur devinait que son nouvel opus ne plairait pas
à un très large public. Peut-être, qui sait?
Elizabethtown doit être vu pour ce qu'il est : une fresque
des États-Unis profonds, teintée de musique folk et qui
traite du froid entre un père et son fils. Il traite aussi de
l'importance de renouer avec ses souches. Cameron Crowe semble profondément
attaché à ce film car son personnage, qui débute
en tant que suicidaire, apprendra au fil du temps à connaître
les joies de la vie et de l'Amérique en général.
Comme dans la totalité de son oeuvre, Crowe aime bien garnir
ses scènes de chansons populaires. Mais cette fois, sa passion
inconditionnelle pour la musique prêche plutôt par l'excès
puisqu'il nous saoule avec des centaines de chansons tout au long du
film. Parfois les extraits ne durent pas moins de 15 secondes. C'est
bien beau un extrait de Tom Petty ici et là, mais nul besoin
de nous retracer l'histoire du folk en 2 heures.
Cameron Crowe semble refuser d'éliminer les moments inutiles,
laissant par exemple Susan Sarandon faire de la danse à claquette
pendant près de 2 précieuses minutes, qui auraient bien
pu servir à alimenter un peu le rapport père-fils plutôt
simpliste et peu développé. Comment se soucier de la souffrance
ressentie, suite à la perte du père du personnage principal
pour la municipalité d'Elizabethtown (et pour ce suicidaire
nostalgique), si Cameron Crowe ne se donne pas la peine de nous le présenter
un tant soit peu?
Dans son écriture, Cameron Crowe semble toujours répéter
le même moule de personnages depuis quelques années. L'homme
est quasi invisible ou dominé par une force plus grande que lui,
alors que la femme est toujours bien forte et pleine de caractère.
Dans Elizabethtown, ce rapport homme-femme semble plus accentué
que jamais. Le choix d'Orlando Bloom dans le rôle principal doit
y être pour quelque chose, puisque comme tout le monde le sait,
l'acteur est plutôt limité dans son registre. Kristen Dunst,
qui n'est pourtant vraiment pas à son meilleur (elle perd régulièrement
son accent du sud des États-Unis), captive donc toute notre attention
avec son personnage de femme plutôt indépendante. Malheureusement,
bien qu'on y trouve quelques jolis moments de cinéma, les dialogues
sonnent faux et tuent des scènes pourtant intéressantes.
Un étrange parallèle entre Garden State et Elizabethtown
peut aussi être tracé, ce qui vient un peu miner la supposée
originalité du scénario. En effet, dans les deux cas,
le protagoniste (qui n'aime plus vraiment la vie) apprend à se
réadapter suite à une rencontre qu'il fait avec une excentrique
lors de l'enterrement de son parent mort. Surprenant pour l'homme qui
a calqué plan par plan Abre Los Ojos pour en faire Vanilla
Sky?
Donc, Elizabethtown est un beau film pavé de bonnes
intentions, mais qui échoue malheureusement sur toute la ligne.
Fait étonnant, 20 minutes furent coupées à partir
du festival de films de Toronto, puisque le film était péniblement
long dans ses dernières minutes, où Orlando Bloom fait
la quête de sens dans sa vie en suivant une carte toute tracée
et soutenue par de la musique sélectionnée par son amie
hôtesse de l'air. Même en concentrant ses meilleures scènes,
le scénario reste nul et garni de beaucoup trop de longueurs
pour capter notre intérêt. Quelle déception!
Version française :
Elizabethtown
Scénario :
Cameron Crowe
Distribution :
Orlando Bloom, Kirsten Dunst, Susan Sarandon, Alec
Baldwin
Durée :
123 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
4 Mars 2006