THE EDUKATORS (2004)
Hans Weingartner
Par Alexandre Fontaine Rousseau
La nuit venue, trois jeunes Allemands s'infiltrent dans la luxueuse
maison des riches bourgeois ayant profité au maximum du système
capitaliste pour gonfler démesurément leurs comptes en
banque. Une fois à l'intérieur de ces palais démesurés,
ils réarrangent la décoration à leur guise et laissent
un message aux résidents dans le but de créer chez eux
une certaine crainte, voire même la peur pure et simple. Ces jeunes
anarchistes se nomment les Edukators et c'est par cet espèce
de terrorisme artistique qu'ils défoulent toute la haine qu'ils
ont développé envers l'injuste système en vigueur
dans le monde. C'est là la prémisse de base de ce léger
suspense tempéré d'humour, film somme toute un peu trop
cool et branché pour être véritablement convaincant
au niveau politique mais tout de même porteur d'un idéalisme
sympathique tout en sachant faire la part des choses. La crédibilité
de l'ensemble en prend toutefois pour son compte lorsque notre dynamique
trio doit retourner sur les lieux de l'un de ces actes de subversion
après y avoir oublié un...téléphone cellulaire.
Que l'ironie soit ou non volontaire, c'est le genre de détail
qui rend les convictions de Jan, Peter et Jule justement moins convaincantes.
Peu importe, car c'est lors de cette opération de récupération
qu'ils tombent nez à nez avec le propriétaire de la maison
vandalisée et doivent un peu contre leur gré le kidnapper.
C'est réfugiés dans un chalet isolé qu'ils découvriront
que le monstre capitaliste capturé était il y a bien longtemps
un rebelle aux cheveux longs, assoiffé d'égalité
tout comme eux. C'est justement la confrontation entre les deux générations
qui offre les meilleurs moments du film, ces passages de The Edukators
où l'idéalisme des jeunes héros est remis en question.
C'est dans ces moments que l'ensemble explore les zones grises plus
intéressantes de l'esprit révolutionnaire. Car l'introduction
du film de Weingartner, aussi dynamique et enjouée soit-elle,
est quelque peu simpliste et n'offre qu'une substance intellectuelle
bien relative. Nul besoin d'être scénariste pour noter
le ridicule consommé d'un t-shirt à l'effigie
de Che Guevara payé cinquante dollars.
La réalisation très directe, caméra à l'épaule
et influence du Dogme 95 mise en évidence, se marie bien au propos
du film. Si Weingartner semble parfois plus hypnotisé par la
beauté de ses acteurs principaux qu'intéressé à
son histoire et à son message, donnant à quelques segments
de The Edukators l'allure d'un vulgaire film pour adolescent
à saveur anarchiste, l'ensemble demeure somme toute intéressant
et bien mené. Un prévisible triangle amoureux orchestré
de façon compétente cause bien quelques accrochages au
niveau du rythme, mais sa place dans l'intrigue est dosée avec
justesse. De plus, une finale solide qui utilise à merveille
l'Hallelujah de Leonard Cohen tel que repris par Jeff Buckley
vient clore le tout de belle façon.
Énergique et sympathique, The Edukators est un film
inégal qui a le mérite d'avoir des idées à
partager, même si son intégrité pourrait probablement
être remise en question. Peu à peu, le cinéma allemand
semble prendre position sur l'échiquier mondial comme un producteur
de divertissements de qualité sachant faire preuve d'une certaine
intelligence. Avec une bonne mise en marché, The Edukators
pourrait peut-être obtenir un succès similaire à
celui de Good Bye, Lenin!. Cependant, c'est surtout lorsqu'il
traite de la mort des idéaux que le film d'Hans Weingartner capte
l'attention. Ailleurs, cette histoire d'anarchistes naïfs demeure
amusante mais un peu trop prévisible.
Version française : -
Version originale : Die Fetten Jahre Sind Vorbei
Scénario : Katharina Held, Hans Weingartner
Distribution : Daniel Brühl, Julia Jentsch, Stipe Erceg,
Burghart Klaußner
Durée : 127 minutes
Origine : Allemagne, Autriche
Publiée le : 8 Octobre 2004
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