THE DOOM GENERATION (1995)
Gregg Araki
Par Pierre-Louis Prégent
L’adolescence est un sujet très souvent mal abordé
au cinéma, particulièrement au cours des dernières
années. Le problème est que soit les cinéastes
s’intéressant au sujet tombent dans le piège de
la démesure et de l’excès qui marquent cette période
de la vie (ce qui constituerait une première catégorie
de films d’ados), soit ils en censurent nettement trop le côté
obscur et deviennent superficiels et naïvement idéalistes
(ce qui constituerait la seconde catégorie). Dans les deux cas,
il y a des figures de proue. Dans le premier type, on retrouve les films
de Larry Clark (KIDS, Bully, Ken Park) tandis
que dans le deuxième, on retrouve une multiplicité de
clones tels que She’s All That, Drive Me Crazy,
etc. Autrement dit, certains voient le sujet comme l’objet d’une
étude potentiellement intéressante, et d’autres,
comme une stratégie de vente qui fonctionne à tous coups.
Cependant, on peut au moins accorder à Gregg Araki, réalisateur
de The Doom Generation, que son film s’éloigne
vaguement des deux classifications…toutefois, le rejeton d’Araki
n’en surpasse aucune, je vous le garantis.
Le scénario raconte l’histoire de deux adolescents troublés,
Jordan White (James Duval) et Amy Blue (l’atroce Rose McGowan)
dont la vie semble ne mener nulle part et dont la seule lueur restante
semble être celle des projecteurs endiablés d’une
discothèque branchée où la débauche est
reine. Un soir, ils embarquent un mystérieux jeune homme manipulateur
dénommé Xavier Red (Johnathon Schaech) dans leur voiture.
En un tour de mains, il les convainc de faire le tour des États-Unis.
The Doom Generation pivote donc vers le « road movie
». Ensemble, ils se promèneront de motels miteux en dépanneurs
aux tablettes inondées de « junk food », laissant
derrière eux quelques cadavres généreusement mutilés
et ramassant des factures dont le total est toujours le même :
6.66$. Tout cela pour supposément découvrir qui ils sont
et le sens de leur existence. Alors là, on ne viendra pas me
dire que ce détail seul ne suffirait normalement pas à
prouver la gratuité et l’insignifiance putrides de la provocation
et du mauvais goût d’un tel film. Mais, comme si ça
n’était pas assez, on a également droit à
des plans « surréalistes » où des messages
anti-société sont carrément projetés sur
les murs avec un éclairage haut en couleurs...que c’est
surréaliste! Et que dire de cette tête arrachée
qui, pour aucune raison apparente, commence à vomir un liquide
étrange ou encore cette scène ridiculement gratuite et
insignifiante où l’on montre à la télévision
une famille complètement massacrée lors d’un bulletin
de nouvelles moqueur. Pire encore est la scène idiote lors de
laquelle Xavier Red se masturbe en regardant les deux tourtereaux faire
l'amour et lèche le sperme dégoulinant de sa main. Provocation
gratuite et prétentieuse supposément justifiée
par une vision critique des actes…qui ne l’est pas du tout
en fait. Car ici, on sent parfaitement la complaisance d’Araki,
son désir d’impressionner et de dégoûter le
spectateur. Serait-ce par hasard une astuce (très peu astucieuse)
pour masquer la nullité intrinsèque du scénario
et du message? Araki se démasque lui-même à ce sujet.
Que dire de la réalisation et du film en tant qu’ensemble?
Eh bien, voici le discours qui me semble le plus adéquat :Mesdames
et messieurs, voici Gregg Araki, une espèce de clone raté
imitateur (pour ados) de David Lynch et de Jodorowsky sans aucune subtilité
et aucun talent qui vous enfonce ses messages anti-société
tous cuits et pourris dans le bec. On peut facilement l’accuser
d’être plus gratuit et complaisant que Takashi Miike, on
peut lui reprocher un plus grand manque de subtilité qu’Oliver
Stone avec son Natural Born Killers, et finalement, on peut
affirmer qu’il est plus insignifiant et insipide dans ses personnages
et dans son scénario qu’un scénariste de films de
High School américains... Je crois que ceci donne bel et bien
un mélange fort peu prometteur, ce que le résultat final
vient nous confirmer bien évidemment et bien rapidement. La lâcheté
et l’hypocrisie cachées (encore une fois peu subtilement)
derrière ce déchet sont parfaitement évidentes:
Araki prend des personnages creux comme des cruches vides de dix gallons
qui correspondent quelque peu aux modèles clichés et populaires
de l’ «innocent», du «séducteur»
et de la «salope» et les plonge dans un monde malsain dans
lequel il leur fait vivre des mésaventures pathétiquement
ultraviolentes. D’ailleurs, ces trois êtres lamentables
sont rendus par une exécrable interprétation qui constitue,
sans aucun doute, l’un des points les plus irritants du film.
Rose McGowan nous offre ici une performance absolument pitoyable et
insoutenable et James Duval est franchement nul. Le dialogue, bien évidemment,
ne vient aucunement jouer en leur faveur; le texte de Rose McGowan en
fait l’un des personnages les plus vides, méprisables et
vulgaires que l'imagination humaine puisse engendrer.
Tout en prétendant faire une satire au regard critique, Araki
se complaît à montrer des scènes de violence stylisée
et des séquences malsaines et interminables de sexualité
entre adolescents. Autrement dit, il tente de faire un film dans lequel
la violence et le sexe sont «cools», question de
plaire aux adolescents tout en évitant d’être classé
parmi les réalisateurs de films d’ados conventionnels en
insérant un message falacieux qu’il contredit lui-même
par la répugnance exagérément intense de sa «
création ». Trop dégueux pour les jeunes,
trop con pour les adultes, voilà le désolant résultat.
En d’autres termes, Araki fait preuve d’une flagrante immaturité
et d’une compréhension risible du surréalisme, style
requérant verve symbolique et flair visuel...qu'il ne possède
aucunement.
Malgré la différenciation que l’on peut faire du
film d’Araki par rapport aux deux catégories mentionnées
précédemment, je dirais tout de même que The
Doom Generation comporte les inconvénients des deux types
de films d’ados…à la puissance dix! Il exagère
énormément sur les doses de grotesque et de choquant,
tout en restant purement superficiel. The Doom Generation,
est une insulte à l’intelligence, une pelletée d’asticots
administrée directement au cerveau. Ce film est au cinéma
ce qu’un hot dog à demi-digéré est à
la gastronomie. Fondamentalement insipide (malgré l'arrière-goût
extrêmement mauvais qu'il laisse) et prétentieux, il figurera
probablement à jamais dans la liste des films les plus pourris
et arrogants qu’il m’ait été donné
de voir, juste avant quelques autres détritus filmiques immondes
qui sont également des films de Gregg Araki (Nowhere, Totally
Fu**ed Up, etc.). Dites-vous qu’à côté
de cela, Natural Born Killers et Ichi The Killer sont
éloquents, subtils, songés, et aucunement prétentieux...
Difficile à croire, mais vrai.
Le seul point intéressant du film, par rapport à plusieurs
œuvres au sujet similaire, c'est qu’ici, on a l’impression
qu’il ne s’agit pas d’un adulte qui tente de synthétiser
les problèmes de la jeunesse d’aujourd’hui, mais
plutôt d’un adolescent qui pose son regard sur la question.
Par contre, cet adolescent (qui n’en n'est pas un, du moins, physiquement)
ne fait qu’emballer son récit dans un univers superficiel
et branché avec une touche indéniable d’abject,
comme s’il voulait à la fois être accepté
et considéré comme moderne et «in»
par son jeune auditoire américain rebelle et ignorant tout en
passant pour un artiste qui fait une satire sur l'adolescence. On essaie
de glisser une forme primitive et désorientée de surréalisme
dans un cinéma commercial et insipide. Araki tenterait-il de
passer pour un intellectuel et aurait-il véritablement terré
de la matière et du symbolisme profond dans cet amalgame d’images
repoussantes? Si oui, alors je suis la définition incarnée
d’un imbécile. Sinon, et j’en ai bien peur, The
Doom Generation est un parasite cinématographique ordurier
et gratuit qui a l’arrogance de prétendre critiquer la
société et les comportements qu'il fétichise.
Version française : -
Scénario :
Gregg Araki
Distribution :
Rose McGowan, James Duval, Johnathon Schaech
Durée :
85 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
16 Juillet 2004