DON'T COME KNOCKING (2005)
Wim Wenders
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Une vedette de western déchue (Sam Shepard) se sauve du plateau
de son plus récent film. Alcoolique notoire, celui-ci se réfugie
chez sa mère dans l'espoir d'y trouver un certain réconfort.
Il est au contraire accueilli par la nouvelle déstabilisante
de l'existence d'un fils approchant la trentaine qu'il aurait abandonné
dans un bled perdu de l'Amérique mythologique que tente de construire
Wim Wenders avec Don't Come Knocking. Déboussolé,
le vieux cow-boy d'opérette part à la recherche de sa
descendance. Ailleurs, une jeune femme au regard vaporeux (Sarah Polley)
dont la mère vient de mourir arpente sans but apparent l'écran
en berçant une urne.
Depuis quelques années, Wim Wenders échoue systématiquement
tant auprès du public que de la critique. Des fois, l'accueil
mitigé auquel ont droit ses films peut sembler à la limite
injuste. Le sous-estimé Million Dollar Hotel de 2000
fût anéanti par tous pour des égarements qui finalement
servaient tant son propos que son atmosphère diffuse et planante.
Don't Come Knocking, pour sa part, mérite le courroux
de quiconque a dépensé son argent pour y assister. Après
une mise en situation intrigante et plutôt prometteuse, le film
s'effondre lamentablement et s'éparpille dans toutes les directions
possibles sans finalement trouver d'avenue intéressante par laquelle
canaliser notre intérêt. Oeuvre décousue sur l'errance,
Don't Come Knocking se cherche avant de nous abandonner dans
le vide. À l'instar de son personnage principal, Wim Wenders
a connu de meilleurs jours.
Le poète responsable des Ailes du désir et de
Paris, Texas s'enlise avec son plus récent opus dans
une marre étouffante de clichés mal exploités et
d'images maniérées au possible. À la limite, on
comprendra que le réalisateur allemand s'aventure une fois de
plus dans une contrée imaginaire. Mais son Amérique mythique
montée à partir des écrits de Jack Kerouac et des
films de John Ford semble aujourd'hui dépassée et insignifiante.
À une époque où le western post-moderne déconstruit
l'Amérique par les racines, l'abyssal Don't Come Knocking
fait figure d'incohérence intellectuelle fâcheuse. Aux
côtés d'un Dead Man, de The Three Burials
of Melchiades Estrada ou d'Unforgiven, cette fable boursouflée
nous paraît particulièrement inutile.
De toute évidence, l'Allemand mine ici un territoire similaire
à celui qu'explorait Jim Jarmusch avec son plus récent
film, Broken Flowers. S'enfonçant dans les eaux troubles
du road movie à saveur de remise en question existentielle, Wenders
ne fait preuve ni de l'humour ni du bon goût de son compère
du minimalisme des années 80. Au contraire de Jarmusch, l'Allemand
ne semble pas conscient du fait qu'il nous arrive avec une histoire
maintes fois racontée. Son traitement est à ce point pataud
et les personnages du scénario de Sam Shepard à ce point
mal esquissés que l'on a peine à croire que le film n'est
pas une gigantesque blague montée aux dépens du spectateur.
Les dialogues s'étouffent à même leur ridicule consommé.
Les acteurs sombrent dans l'hystérie afin de camoufler la minceur
de leurs personnages respectifs. Le problème atteint son paroxysme,
dès qu'entre en scène le couple de paumés qu'interprètent
Fairuza Balk et Gabriel Mann, alors que la belle Sarah Polley se débrouille
tant bien que mal à rendre cohérent un personnage égaré,
qui ne l'est aucunement. Tim Roth, de son bord, fait intrusion de temps
en temps pour installer une tension qui ne décolle jamais. En
aspirant à signer une oeuvre décalée et contemplative,
Wim Wenders a créé une parodie paralysée de son
rythme lent caractéristique.
Ne reste plus, alors, qu'un triste spectacle à l'esthétique
bigarrée que berce une trame sonore de premier ordre signée
T-Bone Burnett. Incapable d'insuffler un propos à cet étrange
spectacle, ce maître de l'image se contente d'abandonner à
son sort une coquille vide où la caméra tourne sans cesse
en rond pour oublier qu'elle n'a rien à filmer. Triste spectacle
que de ne voir qu'un réalisateur de ce calibre égaré
dans ce genre de projet vaniteux et inconséquent. Car on peut
sincèrement qualifier Don't Come Knocking de mauvais
film sans faire preuve de mauvaise foi...
Version française : -
Scénario : Sam Shepard, Wim Wenders
Distribution : Sam Shepard, Jessica Lange, Tim Roth, Gabriel Mann
Durée : 122 minutes
Origine : Allemagne, France, États-Unis
Publiée le : 26 Mai 2006
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