DONNIE DARKO (2001)
Richard Kelly
Par Louis-Jérôme Cloutier
Richard Kelly est un jeune réalisateur et scénariste de
28 ans qui est encore peu connu. Donnie Darko, son premier
film, représente tout ce qu’une personne souhaite faire
dans sa première production, soit quelque chose d’intelligent,
d’imaginatif et de marquant. Écrit de sa main, ce film
met en vedette une autre personne qui mérite d’être
découverte en la personne de Jake Gyllenhaal, que je décrirais
comme un Tobey Maguire au jeu davantage nuancé. Mais qu’est-ce
que Donnie Darko si ce n’est le nom du personnage principal?
C’est un film mélangeant avec brio horreur, suspense, drame
et même science-fiction. Dans ce film, Donald Darko, surnommé
Donnie, est un adolescent éprouvant des problèmes psychologiques
s’apparentant à la schizophrénie et même à
la paranoïa. Frank, un ami imaginaire à l’apparence
d’un lapin version horreur, lui annonce que le monde prendra fin
dans 28 jours.
Si on veut faire comprendre la qualité de ce film, il faut passer
par Kelly. Sa réalisation très inspirée nous rappelle
quelques fois Lynch, mais il possède sa touche personnelle et
c’est quelque chose de remarquable pour un premier film. Non seulement
suit-il les traces d’un homme ayant fait ses preuves, mais en
plus, un peu comme Eli Roth pour Cabin Fever, Kelly tente de
voler de ses propres ailes. Le résultat est simplement stupéfiant
pour des raisons parfois difficiles à cerner. Je dois avouer
ne pas encore avoir entièrement saisi toutes les pistes laissées
par le réalisateur. La fin se veut énigmatique et laisse
place à la réflexion. Peut-être est-ce toute la
tristesse qui entoure le monde de Donnie qui m’a particulièrement
touché. Étrangement, sa relation amoureuse avec une nouvelle
arrivée du quartier est, selon moi, dans les plus réussies
qui m’ait été donné de voir. Les choses sont
tellement réalistes et les acteurs jouent avec une telle sincérité
que Kelly n’a pas à tomber dans les excès dramatiques
pour donner une tragédie. Certaines scènes sont incroyablement
puissantes, gracieuseté de Gyllenhaal qui est l’un des
meilleurs, et peut-être même LE meilleur acteur de sa génération.
Son personnage est évidemment bien construit par Kelly qui en
a fait un adolescent ordinaire qui se rebelle un peu contre les principes
établis. Car il existe d’autres niveaux à cette
histoire. Le scénariste écorche diverses valeurs occidentales
et souvent avec un humour grinçant. On a qu’à penser
à ce gourou que tous suivent aveuglément sans chercher
à revenir à la raison. On y voit clairement la négation
de la spiritualité chrétienne qui impose ses doctrines
de façon dictatoriale. Les parents et les enseignants sont également
écorchés. Ils sont prêts à avaler n’importe
quoi d’une personne qui semble posséder la vérité,
restent fermés à tout ce qui est original ou profond et
transmettent leur existence vide à leurs enfants en tombant dans
la plus pure médiocrité. Cependant, Donnie Darko
est un film que chacun peut voir à sa façon. Tout ce qui
survient n’a pas une seule explication logique et il est toujours
plaisant de devoir repenser aux événements et chercher
leur signification. Si Kelly doit encore manger quelques croutes pour
améliorer sa capacité à bien structurer son histoire,
son premier film dépasse de plusieurs têtes ceux de personnes
déjà établies si ce n’est que pour les excellents
dialogues et l’originalité de son récit.
Bref, les prochains projets de Kelly se doivent d’être suivis
de près. Ils risquent de tourner autour des mêmes thèmes
que ceux de Donnie Darko, mais je pense que ce jeune réalisateur
possède encore de nombreuses idées que l’on va devoir
découvrir. Son premier film marque et constitue l’un des
meilleurs de l’année 2001. À découvrir absolument.
Version française :
Donnie Darko
Scénario :
Richard Kelly
Distribution :
Jake Gyllenhaal, Jena Malone, Holmes Osborne, Drew
Barrymore
Durée :
113 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
29 Janvier 2004