DOGTOWN AND Z-BOYS (2001)
Stacy Peralta
Par Frédéric Rochefort-Allie
Il fut un temps où le rouli-roulant, plus communément
nommé dans les milieux urbains comme étant le skate,
ne consistait pas qu'à se balader virtuellement sur sa Playstation
2 en incarnant Tony Hawk. Un temps où faire du skateboard
n'était pas un moyen populaire de tenter d'impressionner les
filles ou un courant musical d'MTV. Croyez le ou non, mais en cette
époque si ténébreuse, ce sport fut un mode de vie
qui ne régissait aucune mode, aucun terme comme: «Yo man
tchek le 360 que j'va faire en haut du half-pipe!». Peu amusant
pensez-vous ? Bienvenue aux antipodes de notre société
axée sur le capitalisme, les rêves illusoires et les ballades
pseudo-punks. Bienvenue à Dogtown!
C'est dans cette ville, qu'on nommait autrefois le «Coney Island
de l'ouest», que 12 jeunes adolescents, vivant dans les ruines
de cet endroit paumé, révolutionneront le skateboard
à jamais. Autrefois considéré aussi éphémère
que le yoyo, le skate connaitra une toute nouvelle approche
avec l'arrivée de l'équipe Zephyr (mieux connue sous le
nom de Z-Boys), s'inspirant du surf pour créer de tous nouveaux
mouvements. Car les Z-Boys, avant de devenir des superstars du skateboard,
pratiquaient du surf extrême entre les débris de ce qu'il
restait de leur ancien parc d'attractions. Ils étaient donc déjà
bien aguerrits.
Suite aux nombreuses émissions sportives envahissant nos ondes,
poursuivant de jeunes adolescents vers leur quête de gloire dans
de nombreux tournois, la première réaction logique serait
de probablement s'exclamer: «Ah non, pas un autre #@!$%# (sacre
au choix) de film de skate!» Sentiment qui, à mon avis,
serait tout à fait louable. Heureusement, ce documentaire fait
exception à la règle et ne se limite pas qu'à vous
lancer un montage de moments cool. Comme tout bon film de son genre,
Dogtown & Z-Boys nous présente dans l'enchainement
des séquences qui le forment, une certaine forme d'histoire visant
à priori une réflexion. Les Z-Boys sont le témoignage
idéal d'une génération qui s'emmerdait, d'une forme
de prise de pouvoir des adolescents sur la société. Leurs
armes? Leurs planches. Leur terrain? Dogtown! Sans nécessairement
le désirer, leurs mouvements provenant du milieu underground
ressembleront à une danse protestaire contre la merde qui entoure
notre société. Ressentant un besoin de s'identifier, les
adolescents d'un peu partout imiterons leurs idoles. Ce, juste avant
que ne s'enclenche les rouages du capitalisme, transformant des idoles
de l'underground en marque de commerce comparable aux Michael
Jordan ou Tiger Woods de ce monde. C'est dans cette évolution
à la nature plutôt contradictoire que s'installe le documentaire.
À l'aide de nombreux témoignages amusants ou parfois touchants,
les ex-Z-Boys nous démontrent que leur propre révolution
apporta la naissance d'un monstre qui les dépassât et qui
finit par en gruger plus d'un.
Stacy Peralta, membre des défunts Z-Boys, agit dans ce documentaire
à titre de réalisateur. Auto-promotion pensez-vous? Si
ce n'est pas tout à fait faux, Stacy Peralta n'est certainement
pas un amateur. Avec l'aide de l'excellent monteur Paul Crowder, la
perception plutôt énergique qu'adopte le réalisateur
y trouve toute sa force. Les images sont constamment en mouvement, sans
temps mort. Le montage, étroitement lié au choix musical,
conserve un aspect tout à fait dynamique, ce qui aide le spectateur
à s'assurer qu'il ne ennuiera pas, même lors des entrevues.
Le style du documentariste représente donc parfaitement le groupe
social en pleine évolution qu'il dépeint: les jeunes.
Fébrile, amusant, touchant et profond, Dogtown and Z-Boys
prouve qu'un bon documentaire ne nécessite pas nécessairement
d'emprunter les voies de Michael Moore et compagnie. Pour plusieurs,
voici la chance de découvrir ce que représentait le skateboard
underground et sa destruction par le capitalisme dans une époque
de changements et de prises de pouvoir des adolescents. Pour les autres,
il vous reste toujours la possibilité de jouer à Tony
Hawk Pro Skater dans le confort de votre salon.
Version française : -
Scénario : Stacy Peralta, Craig Stecyk
Distribution : Sean Penn (narrateur), Jay Adams, Tony Alva, Jeff
Ament, Bob Biniak
Durée : 91 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 18 Août 2004
|