DIRTY HO (1979)
Liu Chia-Liang
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Que serait une édition du festival Fantasia sans la présence
de deux ou trois vieux films de kung fu au sein de la programmation?
Cette année encore, les organisateurs de l'événement
sont allés dénicher la dernière copie 35mm en existence
d'un autre produit des puissants Shaw Brothers, le comique Dirty
Ho. Réalisé par le célèbre Liu Chia-Liang,
responsable entre autres choses des classiques Drunken Master II
et The 36th Chamber of Shaolin ainsi que du solide Heroes
of the East présenté en 2005 à Fantasia, et
mettant en vedette Gordon Liu, affublé pour l'occasion d'une
merveilleusement ridicule moustache, Dirty Ho est une autre
comédie de kung fu formidablement absurde et turbulente qui saura
combler les amateurs du genre par sa candeur et son absence totale de
subtilité.
Dès leur première rencontre dans un bordel, les aventuriers
Ho (Yue Wong) et Wang (Gordon Liu) entament une sorte de compétition
les poussant à se croiser à plus d'une occasion. Bien
vite, Wang arrive à faire de Ho son serviteur et l'oblige à
le suivre un peu partout. Collectionneur d'antiquité, grand amateur
de vin et marchand de diamants respecté, Wang semble par ailleurs
incapable de se tenir à une distance raisonnable du combat: chacune
de ses rencontres mondaines se termine en duel de kung fu subtilement
dissimulé. L'aventurier est en fait un prince pourchassé
par certains qui ne voudraient pas qu'il accède au trône.
Mais lorsqu'il est blessé au cours d'un combat, ce maître
des arts martiaux doit aiguiser la technique de son jeune disciple au
cours d'hilarantes séquences d'entraînement.
Intitulé ainsi afin de capitaliser sur le succès de la
série des Dirty Harry en Amérique, Dirty Ho n'est
sans doute pas le meilleur des quatre films qu'a réalisé
Liu Chia-Liang en 1979 - Heroes of the East, par exemple, est
autrement plus marquant - mais il enchaîne néanmoins les
scènes mémorables avec un aplomb admirable. Le scénario
cultive les situations loufoques avec une grande habileté: une
dégustation de vin se transforme sans crier gare en duel où
les opposants s'efforcent d'entretenir l'illusion d'une paisible discussion
mondaine, un combat exploite la puissance de cette arme légendaire
qu'est la chaise roulante tandis qu'un autre oppose nos héros
aux terrifiants Crippled Devils.
Dans l'ensemble, Dirty Ho s'inscrit dans la plus pure tradition
du cinéma comique et moral de Liu Chia-Liang tout en proposant
une conclusion cynique à souhait. S'opposant aux oeuvres violentes
de Chang Cheh, le réalisateur cantonnais croyait qu'il était
important pour le cinéma populaire de transmettre les valeurs
défendues par les véritables pratiquants des arts martiaux.
Son oeuvre est donc motivée par un objectif précis, celui
de présenter des héros intègres prônant la
non-violence et le kung fu authentique. Ses films, plus burlesques que
ceux de Chang Cheh, divertissent par leur ton léger et évitent
la cruauté et le thème de la vengeance.
Ainsi, lorsque Dirty Ho se termine sur un changement de cap
moral radical du prétendument vertueux Wang, Liu Chia-Liang glisse
en fait un clin d'oeil critique à la direction que semble vouloir
prendre le cinéma populaire. Cette finale implicitement sombre
n'entache en rien le ton enjoué de ce Dirty Ho qui aspire
principalement à nous gaver d'un humour énergique et naïf
à souhait. Impeccablement chorégraphiés, les combats
imaginatifs découvrent tous les moyens possibles pour ne pas
sombrer dans l'anonymat. Ne voilà pas, après tout, ce
que l'on recherche d'un bon film de kung fu? Liu Chia-Liang et un Gordon
Liu moustachu persistent et signent avec cette comédie de kung
fu fort plaisante.
Version française : -
Version originale :
Lan tou He
Scénario :
Kuang Ni
Distribution :
Yue Wong, Chia Hui Liu, Lung Wei Wang, Lieh Lo
Durée :
97 minutes
Origine :
Hong Kong
Publiée le :
13 Juillet 2006